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> La piraterie, une vengeance populaire contre la misère et l’oppression - (1ère partie)
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La piraterie, une vengeance populaire contre la misère et l’oppression - (1ère partie)
L’imaginaire collectif de nos
sociétés Technicolor véhicule
l’image du pirate brutal et sanguinaire, perché au
bord de la folie sur sa jambe de bois, borgne et ridiculement
accoutré avec ou sans crochet, partageant avec ses
congénères un goût prononcé pour le
rhum, les jupons et les jurons ainsi qu’un appétit
insatiable pour les biens des braves gens qu’il
dépouille. Cependant, du roman au cinéma, en
passant par l’opéra, si ce personnage haut en
couleur connaît tant de succès malgré une
si mauvaise presse, c’est bien parce que nul autre que
lui ne bouscule avec autant d’enthousiasme et de
détermination le rapport qu’entretient tout
individu avec la norme sociale.
Comme
toute contre-culture, la piraterie européenne
des XVIIème et XVIIIème siècles a
laissé assez peu de documents écrits. La
plupart des informations dont nous disposons,
basées sur le témoignage de leurs
victimes ou de leurs persécuteurs, leur est
plutôt défavorable et jusqu’à
une date récente, bien peu de chercheurs se sont
intéressés à ce sujet. Pourtant,
en mai 2001, à l’initiative de Michel Le
Bris, une poignée de passionnés se sont
retrouvés à Brest, pour mettre en commun
le fruit de leurs investigations. On en sait
suffisamment grâce à eux pour affirmer
aujourd’hui que ces gens qui « entraient en
piraterie » étaient bien souvent
animés par le désespoir et la
colère envers une société injuste
et oppressive. Le portrait du pirate qui ressort de
cette rencontre apparaît dès lors bien
loin des clichés d’Hollywood.
Pourquoi se faire pirate ?
Tout d’abord, il faut se
rappeler que la piraterie n’est pas née
avec la découverte de l’Amérique et
que son développement semble bien plutôt
lié à celui du commerce. A cela, rien
d’étonnant, le marchand
n’engendre-t-il pas le voleur ? Les romains
furent les premiers à mentionner les attaques de
dangereuses embarcations tapies dans les replis
rocailleux des rivages méditerranéens.
Plus tard, ce seront les côtes maures ou
« barbaresques » qui verront fleurir de
véritables cités pirates (Alger et
Salé pour ne citer qu’elles), dont la
puissance et la renommée seront telles que les
empires naissants n’hésiteront pas
à s’en attirer les faveurs...
Souvenons-nous de Barberousse nommé capitaine
par le sultan d’Istanbul, qui remporte la
victoire de Lepante sur les chrétiens coupant
ainsi la route des épices et forçant les
monarchies européennes à emprunter
d’autres itinéraires
pour gagner les lointaines Indes. Quelques
avancées technologiques dans la conception
navale et l’audace d’un certain Christophe
Colomb, feront le reste. Avec le Nouveau Monde,
s’ouvre alors à tous les miséreux,
les aventuriers, tous ceux que la société
écarte et condamne à la misère ou
au cachot, l’espoir d’une vie meilleure,
« tous recherchent dans la flibuste des formes de
vie libre qui leur manquent », écrira
Thomas Moore. L’océan et ses terres
ultra-marines apparaissent, comme un espace où
rien n’est joué d’avance et
où, justement, il est possible de braver les
barrières du déterminisme
socio-économique et culturel de son origine pour
se construire soi-même dans un monde où la
justice règne entre les hommes. Ce rêve,
les protestants de l’époque,
persécutés par la
chrétienté, seront nombreux à le
nourrir et à partir fonder des colonies
qu’ils envisageaient comme autant
d’étapes vers le Paradis terrestre.
Mais revenons à nos pirates
; le/la pirate est peut-être avant toute chose,
une personne ordinaire, piégée dans des
circonstances difficiles et souvent mortelles, issue
d’un milieu social de travailleurs ou de paysans.
Mais, le/la pirate est d’abord et toujours un(e)
insatisfait(e), un(e) insurgé(e) contre sa
propre destinée, pourrait-on dire.
L’espace que lui concède la
société ou les dieux lui semble
inconfortable et malsain. Il/elle s’en arrange
quelques temps et puis il/elle dit « ya basta
! ». La révolte qui l’agite est si
violente, la blessure dont il/elle saigne est si
meurtrière qu’il/elle ne se résigne
pas. Il/elle quitte ses faubourgs de Londres, Lisbonne
ou Anvers, descend de ses montagnes d’Irlande,
d’Espagne ou de Norvège et chemine vers
ces ports où se recrutent les équipages
pirates. Il/elle y retrouve toute
une population de réprouvés,
d’exclus, de loqueteux et de voyous, la lie de
l’humanité dit-on. Tous individus que
leurs dons, leur génie, leur malchance ou leur
paresse ont jeté dans les marges de la
société. Plutôt que
d’accepter la condition de clochards ou de
sous-prolétaires, ils ont tourné le dos
à une société qui ne leur sied
guère. Notre rebelle envisage alors la
possibilité de fuir le vieux monde avec ses
codes, sa morale étriquée et sa religion
tyrannique, pour ne plus se contenter de l’ici
(ou, pourquoi pas, de l’ici-bas ?), ni de ce
quotidien désespérant avec son ordre
immuable devenu une prison, il/elle est prêt(e)
à s’ouvrir au désir, à
l’élan et à la peur, à
attendre de l’inconnu une réponse, quelque
chose peut-être comme le salut, et pour cela,
d’abord quitter la terre ferme, les espaces
quadrillés par les savoirs et les coutumes, les
rangs et les honneurs, pour se risquer dans
l’empire du mouvant, du « sauvage »,
encouragé(e) dans son audacieuse entreprise par
les évocations des explorateurs (Colomb,
Oexmelin, Père Labat) et celles de ces repaires
obscurs qui ont allumé leurs sombres lanternes
aux quatre coins du
monde, aux Antilles, en
Amérique Latine, ou aux Indes et qui remplacent,
dit-on, une société injuste par une
société équitable.
Au temps des boucaniers
Ainsi nomme-t-on les proscrits de
toutes les nations, vagabonds, déserteurs,
débiteurs, esclaves ou
« engagés »* en fuite,
persécutés religieux, prostituées,
la plupart anciens ouvriers du textile ou travailleurs
journaliers, prisonniers politiques ou exilés,
échoués sur les plages des Caraïbes.
Coupant du bois de teinture, chassant et faisant
boucaner la viande pour approvisionner les bateaux de
passage ayant besoin de vivres, ils vivaient dans des
camps, (qui ressemblent à s’y
méprendre aux Zones autonomes temporaires
d’Hakim Bey), de véritables espaces de
solidarités internationales, sur les rivages de
ces îles tour à tour espagnoles,
anglaises, françaises et peuplées de
cannibales. Ces étrangers se
différenciaient des colons car ils ne
cherchaient pas à s’emparer des terres
pour augmenter leur territoire et vivaient en bonne
intelligence avec les indigènes avec qui ils
entretenaient de nombreux échanges. Ils avaient
ainsi assimilé leurs connaissances
nécessaires à la survie dans un milieu
hostile, telles que la maîtrise des vents et des
courants, ou les techniques de pêche ou de
cuisine - d’où leur nom, le
« boucan » étant le lieu où se
faisait sécher la viande à la
façon des indiens Caraïbes.
A la fois marchands et forbans, le
temps d’un abordage avantageux, défiant
les règles maritimes internationales comme le
droit de la mer, bravant toutes les frontières,
sans aucun scrupule à transgresser la norme, ils
se distinguaient par dessus tout, du reste des colons
par leur volonté politique de se détacher
de leurs patries d’origine et de mettre en
pratique ce qui allait influencer toute
l’histoire de la piraterie : une
république d’insoumis qui ne veut
connaître que ses propres règles.
Les communautés
autogérées des Frères de la
côte
Avant la Révolution
française, rejeter l’autorité
monarchique revenait à s’écarter de
toute allégeance à une nation.
C’est notamment ce qui différencie
fondamentalement corsaires et pirates. [Les pirates
étaient indépendants, contrairement aux
corsaires, mercenaires d’une Nation - ndc.]
Samuel Bellamy revendiquait ainsi son droit
légitime à gouverner sa propre
destinée
: « Je suis un prince libre,
et j’ai le même droit de déclarer la
guerre à qui me plaît, que celui qui se
trouve à la tête de cent vaisseaux et
d’une armée de 100 000 soldats,
voilà ce que me dit la voix de ma
conscience ». Misson, pour sa part, affirmait son
« droit de faire la guerre au monde entier,
dès lors que ce dernier le priverait de cette
liberté à laquelle lui donnent droit les
lois de la nature ».
Dès les années 1630,
lorsqu’il s’agissait de monter une
expédition contre un navire
« abordable » ou contre une colonie voisine
dont on connaissait, grâce aux informations
fournies par la population indigène,
l’état de prospérité et les
forces de garnison, les intéressés se
regroupaient selon les principes de la libre
association et établissaient un contrat qui
stipulait les clauses du partage du butin. Forgeant des
alliances spontanées, ils refusaient de se
battre entre eux et juraient de venger les malheurs
infligés à leurs pairs.
« Qu’ils aient fait une prise ou
échoué dans une 1ère tentative,
écrit le Père Labat, les flibustiers (du
néerlandais « vrybuiter » :
libre-butineur... !) s’obligeaient à
continuer la course jusqu’à ce
qu’ils aient gagné assez d’argent
pour payer les blessés et les estropiés.
Ils mirent au point une sorte de mutuelle qui servait
à dédommager les estropiés.
D’après les documents qui nous sont
parvenus : qui perdait le bras droit ou une jambe
recevait 200 écus (ou deux esclaves !) et pour
les 2 jambes coupées, 600 écus (ou 6
esclaves...). La part des morts n’était
pas oubliée : on attribuait ce lot à
celui qui avait été
« amateloté »
(c’est-à-dire que deux matelots
s’associaient et mettaient leurs gains en commun
pour que le jour où l’un d’eux
décéderait, l’autre hérite
de la somme commune) avec le disparu ou à ses
héritiers. « On pouvait aussi le distribuer
aux pauvres, voire aux églises « pour faire
prier pour le défunt » ajoute en bon
ecclésiaste, le Père Labat. Les
« Frères de la Côte » se
définissaient en opposition aux autres groupes
et percevaient leurs activités comme
éthiques et pleinement justi
fiées. Ils
établirent ainsi leur propre idéal de
justice tout en bâtissant une discipline nouvelle
: ni chef, ni prêtre sur les bateaux !
L’égalité brutale offerte par cette
vie hors-la-loi leur paraissait sans doute plus
supportable que les tensions et les aléas de
l’économie de marché, ou la
discipline sévère d’un vaisseau
marchand.
Au vu de la prolifération
des ravages perpétrés par la flibuste
vers la fin des années 1690, certaines
autorités redoutaient que les pirates ne
« mettent en place une sorte de
société égalitaire dans des
régions inhabitées, étant
donné qu’ « aucune puissance dans ces
parties du monde ne serait en mesure de leur contester
le pouvoir ». Elles menèrent dès
1699 une véritable campagne
d’extermination. Soumis aux fortes pressions
conjuguées du gouvernement et des
négociants, les tribunaux devenant beaucoup
moins indulgents avec ces pirates que l’on
pouvait encore jusqu’à présent
confondre avec des marchands. Les repères
terrestres devenant moins sûrs suite à la
répression des Etats, il ne leur restait plus
qu’à hisser les voiles et prendre le
large.
On estime qu’un
équipage comptait autour de 80 matelots par
bateau, d’une moyenne d’âge
inférieure à la trentaine. Anne Bonny et
Marie Read sont les femmes pirates les plus connues,
mais on relève aussi les noms de Mary Harley et
de Mary Crickett entre 1726 et 1728 qui suivirent
l’exemple des pionnières (Grace
O’Malley avait déjà
écumé les mers d’Irlande à
cette époque), et plus tôt encore, Jeanne
de Belleville (en 1343 !) qui, pour venger la mort de
son mari, (M. de Clisson) et secondée par ses
deux fils, commandait trois bateaux et sillonnait les
mers de Bretagne. Plus tard, en Chine, au début
du XIXème siècle, c’est Mme Ching,
nous rapporte J.L.Borges, qui également pour
venger la mort de son mari se retrouve à la
tête d’une flotte de 500 navires pillant
les fleuves et les mers. Plus
généralement, peut-être
marchaient-elles simplement sur
les pas de ces « femmes-guerrières »
telles que Christian Devis, Ann Mills ou Hannah Snell
qui se travestissaient pour embrasser des
carrières masculines.
Ces équipages flibustiers
comme on les appelait alors, bénéficiant
de l’expérience du travail de la mer tout
en se trouvant libérés des contraintes de
la loi des Etats, connaissaient bien le fonctionnement
international de l’économie marchande de
l’époque, tout en se tenant à
l’écart des fluctuations et des
incertitudes des changements économiques. Leur
pratique de travailleurs sans paie (No pray, no pay -
pas de prise, pas de salaire !) et de membres
d’une sous-culture autonome, leur donnait la
perspective et l’occasion de se révolter
contre l’autorité injuste et tyrannique
ainsi que de construire un nouvel ordre social sur les
bases fraternelles, communautaires,
fédéralistes, véritablement
égalitaire et comme nous allons le voir,
parfaitement démocratiques.
Les lois de la pirateries
Au delà des cruelles
exactions des équipages dont la
postérité cultive la mémoire, on
retrouve une singulière uniformité de
règles et de coutumes dans la vie de ces
bâtiments hors la loi. Ce système social
original, mis en place dans l’organisation des
vaisseaux pirates, était conçu et
appliqué par les pirates eux-mêmes. Il se
distinguait essentiellement par une forme
d’égalitarisme, qui plaçait
collectivement le pouvoir entre les mains de tout
l’équipage. Pour préserver leur
liberté, sur terre comme en haute mer - et
à une époque où les droits
politiques des travailleurs étaient quasiment
inconnus - les pirates élisaient leurs officiers
à la majorité des votes et ces derniers
pouvaient être renversés par cette
même majorité. Si l’équipage
donnait au capitaine une autorité
incontestée lors des poursuites et des batailles
navales, il insistait sur le fait que, pour le reste,
celui-ci devait être « gouverné par
une majorité ». Comme l’a noté
un observateur, « ils lui permettaient
d’être capitaine, à la condition
qu’ils puissent
être, à leur tour,
son capitaine » (équivalent du
« commander en obéissant » des
zapatistes ?) Ils n’autorisaient pas de
privilèges à leurs officiers : pas de
nourriture supplémentaire, pas de messes
privées, pas de logements particuliers. Il est
arrivé que des capitaines osant dépasser
les limites de leur autorité soient
exécutés. On peut voir également
dans le rôle du quartier-maître, qui
était élu pour représenter et
protéger « les intérêts de
l’équipage », un moyen
supplémentaire de limiter le pouvoir du
capitaine, comme l’était
l’institution du Conseil, instance
décisionnelle à laquelle participait en
général tout l’équipage.
Le conseil
Les décisions ayant le plus
de poids sur la vie matérielle de
l’équipage étaient
généralement prises par le conseil, la
plus haute autorité à bord d’un
bâtiment pirate. Cette organisation était
basée sur une ancienne coutume, depuis longtemps
abandonnée, selon laquelle le maître de
bord consultait son équipage au complet avant de
prendre une décision importante. Les flibustiers
connaissaient aussi cette vieille tradition navale : le
conseil de guerre - les officiers supérieurs
d’une flotte se réunissaient pour
établir une stratégie. Mais les pirates
avaient démocratisé cette coutume. Le
conseil décidait des eaux où les
meilleures prises s’effectueraient et de la
manière dont on devrait résoudre les
désaccords. Certains équipages avaient
tout le temps recours au conseil,
« décidant de tout par un vote à la
majorité » ; d’autres s’en
servaient comme d’une cour de justice. Les
décisions prises par ce corps étaient
sacro-saintes et les capitaines les plus
téméraires n’auraient osé
défier une décision du conseil.
Leur organisation sociale reposait
aussi sur des règles consignées sous
forme d’articles - un contrat établi au
début d’une expédition ou lors de
l’élection d’un nouveau commandant
qui devait être accepté par
l’ensemble de l’équipage. Ces
clauses écrites stipulaient la façon dont
les matelots nommaient les officiers, se
répartissait les butins et comment se
définissait la discipline. Chaque membre
d’équipage devait s’engager à
respecter ces articles ou directives de conduite. Les
règles variaient d’un bateau à
l’autre - ce qui indique que chaque navire pou
vait être
considéré comme une
« république flottante » - mais toutes
avaient en commun que les butins étaient
équitablement répartis, que les hommes
qui désertaient leur poste, mettant ainsi en
péril la vie de tous, étaient punis (mais
jamais de châtiments corporels), que les
personnes blessées au combat
n’étaient pas abandonnées, bref,
toutes assuraient la sécurité du bateau
et de l’équipage. Aujourd’hui, nous
ne trouvons rien d’étonnant aux
régimes établis par les pirates, mais aux
XVIIème et XVIIIème siècles, la
plupart des bateaux de marine ou de commerce
fonctionnaient sous un régime autocratique. A la
limite, on serait tenter d’ajouter que ces
« sociétés égalitaires sur
l’eau » incarnaient avant la lettre les
idées des Lumières car les pirates
anticipèrent de 70 ou 80 ans les idéaux
de liberté, d’égalité et de
fraternité qui devaient devenir les mots
d’ordre de la Révolution française.
Le butin
La répartition du butin
était réglementée avec
précision par la charte du bâtiment,
laquelle répartissait le trésor en
fonction des compétences et des rôles de
chacun à bord. Mais les chartes différant
d’un bateau à l’autre, les butins
n’étaient pas partout répartis de
façon identique. Les pirates fonctionnaient
généralement selon le système
précapitaliste des parts pour la
répartition des prises. Le capitaine et le
quartier-maître recevaient chacun entre une part
et demie et deux parts ; les canonniers, les
maîtres d’équipage, les lieutenants,
les charpentiers et les médecins avaient droit
à une part un quart ou une part et demie ; tous
les autres recevaient une part chacun. Ce
système de répartition appliqué
dans l’accès aux provisions était
radicalement différent de celui pratiqué
dans la marine marchande, la Royal Navy ou même
les vaisseaux corsaires. Ils simplifiaient radicalement
la hiérarchie élaborée des rangs
de salaires communs aux emplois maritimes et
réduisait la distance entre les officiers et les
hommes ordinaires. Il s’agissait en fait de
l’un des systèmes de distribution des
ressources, les plus égalitaires qui soient en
ce début du XVIIIème siècle. Cette
organisation indique clairement que les pirates ne se
considéraient pas comme des mercenaires à
la solde d’un maître, mais bel et bien
comme des associés prêts à partager
tous les risques. Si, comme le suggère Philip
Gosse, « les meilleurs de tous les marins
étaient les pirates », la
répartition égalitaire du pillage et le
concept de partenariat étaient un choix fait par
des individus qui appréciaient et respectaient
les compétences de leurs camarades.
L’image populaire du flibustier avec un il
crevé, une jambe de bois et un crochet à
la place d’une main n’est pas
complètement juste, mais elle
révèle au moins une vérité
essentielle : naviguer en mer était une
activité dangereuse. C’est pourquoi les
pirates plaçaient une partie de chaque butin
dans un fond commun destiné à subvenir
aux besoins des hommes que leurs blessures rendaient
invalides à vie. La perte de la vue ou
d’un membre méritait compensation.
Grâce à ce système
d’assurance sociale hérité des
Frères de la Côte, les pirates cherchaient
à se protéger contre les handicaps
causés par les accidents et prenaient même
leur retraite dans des communautés pirates les
plus connues étant celles de l’île
de la Tortue et de l’île à Vaches
(en Haïti), mais on en trouve aussi des traces
dans les îles St-Eustache, St-Christophe,
Curaçao, aux Bahamas, en actuelle
République Dominicaine et plusieurs à
Madagascar. Ainsi les pirates diffusaient-ils leur
esprit collectiviste sur la mer en distribuant
équitablement et avec solidarité les
chances qu’apportent la vie et l’aventure,
en refusant d’accorder des privilèges et
d’exempter certains des dangers, tout en
répartissant leurs richesses de manière
égalitaire.
Scalp@
[A suivre : seconde partie le mois
prochain]
* métropolitains
engagés au service d’un maître pour
une durée de 3 ans (en France) ou 7 ans (en
Angleterre) mais qui étaient encore
généralement trop pauvres à la fin
de leur service pour pouvoir s’installer à
leur compte dans la colonie. Jean Roy,
célèbre planteur à La Martinique,
ou Nau l’Olonnois le redoutable pirate originaire
des Sables d’Olonnes, étaient
d’anciens « engagés ».
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