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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°5 - Janvier 2002 > Précarité : tranches de vie

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Précarité : tranches de vie


La grève du Mac Do de Strasbourg-St-Denis continue de plus belle avec des actions/blocages comme celle du Mac Do des Champs-Elysées le samedi 22 décembre, et des initiatives de solidarité comme à Brest, Angers... Que cela soit à Mac Do ou à Kiabi (voir brève), c’est bien au travers d’itinéraires individuels que l’on peut mesurer toute l’ampleur dela destructuration sociale que produit la précarité. Mais avec la lutte...


Shahinèze 24 ans en France depuis 1999, vit avec sa mère.

Avant de travailler comme équipière à Mc donald’s j’étais étudiante, et ce lieu et ses conditions de travail m’ont toujours dégoûté et ma révolte été constante surtout à cause des heures supplémentaires.
Ma première grève date de septembre, période où Armand a été licencié suite à la présentation d’une liste syndicale. Il l’a dépose le 12 septembre 2001 et le 14 septembre il est licencié de son poste de swing manager, c’est un statut qui correspond à un certain taux horaire.
Depuis cette date les rapports furent plus tendus encore qu’avant, tantôt il nous saluait, tantôt il nous ignorait et comme si tout cela ne suffisait pas il a licencié 4 autres personnes et comme par hasard toutes ces personnes étaient sur la liste syndicale, la décision de se mettre en grève a été rapide et les 32 salariés ont suivi.
On a pas vraiment été pris au sérieux car suite à cela deux négociations bidons ont eu lieu , un rapport a été fait par l’inspection du travail mais qui a été contredis par la direction qui nous a naturellement renvoyé à la convention du travail de la restauration rapide qui prévoyait entre autre 1ff d’augmentation par an et une prime d’année de 250ff, revue à la baisse de 50ff.

On a passé des heures et des heures à discuter mais sans succès, ensuite nous n’avons plus eu de signes de vie du Franchisé jusqu’au référé du 13 déc, et qui a été rejeté au 19 déc par l’avocate de Mc do. Evidemment ce n’est pas elle qui tient un piquet de grève par ce temps.
Nous avons subi toutes sortes de pressions, insultes homophobes, racistes, et sexistes et les menaces physiques par les vigiles du franchisé sont de plus en plus pressantes. Malgré tout cela cette lutte me paraît juste et ma famille me soutient totalement et s’est pour cela que je tiendrai le temps qu’il faudra .
Cette lutte en cours m’aura appris au moins deux choses, la première est de ne pas rester dans mon coin et la deuxième pour dénoncer les injustices il vaut mieux s’unir et c’est comme ça qu’on va réussir.

Pour l’avenir je n’aurai plus peur de dire les choses. Mon caractère s’est forgé au travers de cette lutte. On est jamais tout seul face aux problèmes car il y a toujours quelqu’un prêt à aider parce qu’il vit lui aussi la même chose que toi. Je ne suis toujours pas syndiquée mais je le ferai pour protéger l’après grève.
Je remercie aussi le comité de soutien sans qui on aurait peut-être pas pu tenir.

Riadh 23 ans

Je suis d’origine tunisienne, et j’ai fait tout le primaire de ma scolarité en tunisie et le secondaire en France, j’étudiais l’électrotechnique et je travaille à Mc do depuis 13 mois en tant qu’équipier.
Mon expérience de lutte a commencé avec Mark et Spencer en tant qu’observateur, ;ce que j’ai vu là-bas m’a permis de faire ce que je fais maintenant. J’ai toujours su que j’étais exploité et que Mc do c’est un vrai "conard" exploiteur. La haine que j’ai aujourd’hui c’est aussi que je n’étais pas si conscient, à quel point je me faisais arnaqué, je ne me rendais pas compte de tout. Ce ne sont pas mes sauveurs : parce qu’ils embauchent beaucoup d’étrangers, ils s’imaginent qu’on leur doit tout. Si les français ne travaillent pas longtemps ici, c’est d’abord que leur familles voient tout de suite que le travail est trop dur et qu’il est très mal payé.

Je suis formateur, chef d’équipe et je ne compte pas mes heures quand je travaille et je trouve injuste que maintenant parce qu’on réclame nos droits il nous jette comme des malpropres en nous accusant de voleurs.
Après j’imagine que ça ne se passera plus comme ça à Mac do parce que le syndicat va prendre les choses en main, ça sera la fin de l’exploitation. Pour moi c’est une lutte pour les générations à venir car le plus important c’est de laisser une trace de lutte dans ces Mac do, domination . C’est aussi une question d’honneur, de dignité et de valeur et nous réclamons tous en tant que salariés humiliés dommages et intérêts. Quand je vois ce que vous faites au comité de soutien j’ai envie de militer et de réagir.

Rebecca 21 ans vit chez ses parents à Vigneux dans le 91.

Je suis lycéenne et je prépare un bac pro, et je travaille à Mac do depuis 15 mois.
Avant j’aimais bien le travail d’équipe car il y avait une bonne ambiance, on s’entendait tous bien et il n’y avait que des jeunes. Moi je faisais 87 heures et je suis équipière. Je me suis mise en grève dès qu’on m’a mis au courant : Armand qui était là depuis 10 ans s’est fait viré alors qu’il travaille bien et beaucoup. J’ai trouvé que c’était injuste et ça m’a révoltée ; par solidarité je suis au 54 eme jours de grève et je pense que le 19 décembre aux prud’hommes on va gagner et que ça ne va pas trop durer.
Depuis la grève je nous trouve plus proches et on se connaît mieux qu’avant, on découvre le courage des filles et la réelle solidarité entre nous tous. On a appris à mieux communiquer et on est tous responsable dans cette lutte, et on a compris aussi que s’il y avait autant d’immigrés à Mac do c’est pour mieux nous exploiter : nous n’en sommes plus dupe.

Depuis cette lutte je suis assez fière et j’en ai même parlé à mon lycée à Nanterre. Tout le monde me félicite et m’encourage à me battre ; après la grève je pense que la solidarité sera encore plus grande entre nous plus soudés et plus forts. Le franchisé devra soit quitter Strasbourg-St-Denis, ce lieu nous appartient et j’espère qu’on va sortir vainqueurs.

Aziz , étudiant en BEP comptabilité, 21 ans, parents marocains, mère au foyer et père cariste. Vit à Gennevilliers avec Corine, 20 ans, formatrice, parents italiens.

Je suis swing manager, et avant que ce franchisé n’arrive c’était tranquille et on pouvait discuter et tout obtenir, mais quand Rémy est arrivé c’était terminé : un vrai nettoyeur. Interdiction de se syndiquer, la mutuelle avait sauté, nos horaires c’était plus de 13h par jour, et pas d’heures supplémentaires.
Je suis normalement à 126 h mais je fais largement 151h. Je me suis donc solidarisé avec Armand et je m’étais présenté sur la liste syndicale avec Riad, Nabil et Amer. Le 17 septembre on s’est mis en grève à 11h30 : notre revendication était la réintégration d’Armand. Coup de téléphone du siège qui nous demande d’arrêter la grève et qu’il n’y aurait aucunes représailles. On arrête et deux jours après les 5 personnes qui se sont présentées sur la liste syndicale ont tous été virés et accusés d’avoir détourné 1M de francs. Cette lutte nous aura appris à être vigilants vis-à-vis des patrons et qu’il faut militer pour ne pas se faire arnaquer. Quant au comité de soutien on pense que c’est beaucoup de militants antimondialisation et antimacdo et avant ça on ne savait pas qu’on allait être soutenus. On pense qu’on va gagner car c’est une lutte juste et que Mac do est injuste et il ne reconnaît pas le travail qu’on a fait ici.

Propos recueillis par Houria


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