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AccueilJournalNuméros parus en 2005N°44 - Novembre 2005Les espaces non-mixtes en question > Et les hommes, dans tout ça ?

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Et les hommes, dans tout ça ?


Entrevue avec des militants du groupe non-mixte homme de Toulouse.


No Pasaran : Petit tour de table...
Thomas : Je suis investi dans ce groupe non-mixte homme. Ce groupe sur Toulouse n’existait pas auparavant. Par mon expérience personnelle et mon envie de m’investir dans une lutte féministe, j’avais envie de connaître d’autre rapports entre hommes que les relations traditionnelles de compétition, de virilité et de pouvoir qu’il peut y avoir dans les lieux classiques.
Mickael : Mon investissement contre l’hétérosexisme et le patriarcat a commencé fin 2003 suite à une rencontre près de Nevers organisé entre autres par les Tanneries de Dijon. L’appel à cette réunion a été lancé à Annemasse, j’y ai répondu par hasard. Je voulais réaliser alors un mémoire de sociologie sur les hommes qui s’investissaient contre la domination masculine. J’y suis allé pour ces raisons et pour des raisons individualistes, question de malaise, de mal-être personnel, le fait de ne pas se sentir bien en tant qu’homme. J’y suis allé sans bagages théoriques. Ça a été une claque pendant les discussions. C’était un week-end antipatriarcal non-mixte, une grande majorité d’hétéro, quelques pédés, queers. On avait mis en place différents ateliers de discussion, un fonctionnement sur deux trois jours totalement autogéré dans une maison habitée par 15-20 personnes. Après je suis revenu avec cette idée de faire quelque chose de similaire, en tous cas sur le long terme, qui soit une « pierre masculine » du combat contre le patriarcat. Il y a eu cette idée de créer une ZAT entre homme qui ne soit pas la même chose qu’on peut vivre dans les groupes militants traditionnels ou les syndicats, n’importe quel lieu, dans les cafés, ou l’on retrouve les ambiances masculines classiques, qui ne me satisfont pas. A Toulouse, la mise en place a été longue, on s’est cherché très longtemps. On s’est retrouvé pour discuter d’intimité sans avoir poser de bases éthiques et politiques. C’est une exigence à poser : « on est dans une position de dominant en tant qu’homme et qu’est-ce qu’on fait si on se dit contre toutes formes de dominations ». A ce niveau, il y a eu pas mal d’ambiguïté au début avec des personnes qui n’étaient pas investies sur les questions de domination en relation avec le mouvement féministe mais uniquement sur une libération des hommes : pouvoir exprimer ses émotions qu’on a refoulées durant notre socialisation, une réflexion finalement juste individualiste.
Patrice : Je suis arrivé dans le groupe au départ, puis j’ai été un peu moins présent, mais je continue à m’investir suivant l’évolution du groupe, dans une optique militante ou activiste par rapport à la question du proféminisme. Individuellement, j’avais des interrogations en tant qu’homme. J’ai depuis quelques années une affinité philosophique avec le mouvement straight edge, dans lequel il y a un questionnement par rapport à la relations homme femme, il y a cette idée de mettre ne perspective ma vision du straight edge par rapport à la question des rapports sociaux de sexe. A l’heure actuelle, j’espère rallier les niveaux entre personnel et politique.

Quelles sont les orientation politiques de votre groupe proféministe ?
Th. : Même si cette question ne doit pas se cantonner à une idéologie politique, dans notre texte d’appel qui nous sert de « charte » de fonctionnement, on précise qu’on est contre toutes formes de dominations. On rejoint une idéologie libertaire dans le sens où cette lutte proféministe rejoint, dans notre parcours individuel, d’autres luttes contre d’autres formes d’oppressions qu’elles soient capitalistes, racistes...
M. : ...et spécistes pour certains... Le terme « proféministe », piou ! On pourrait dire « homme contre le patriarcat et contre l’hétérosexisme ”. Certains rejettent le terme de « profeminisme » car il aurait trop servi à des hommes pour se valoriser vis-à-vis des féministes. D’autre se revendiquent « anti-masculiniste » parce qu’il y a un réseau de droits des hommes assez fort aux Etats Unis et au Canada. On a pris le parti d’utiliser le terme “ proféministe ” qui semble assez clair, on est avec les féministes, même si en étant membres du groupes des hommes, c’est un peu compliqué. Le groupe des hommes n’a pas comme intérêt objectif l’abolition des rapports actuels entre les sexes. « Proféministe » n’est pas totalement satisfaisant. Sur l’appartenance idéologique, éthique, j’ai tendance à me dire anarchiste, libertaire. Sur les questions de rapports de sexes et de genres, il faut dépasser les appartenances classiques. A la LCR et d’autres organisations altermondialistes, il y a aussi des questionnements la-dessus. Cependant, je n’ai jamais rencontré de militants du parti socialiste. Mettre en avant “ contre toutes formes de domination ”, ça sent l’anarchiste ou le gauchiste, ça peut faire rigoler ou faire fuir, mais de fait, on est tous libertaires.

Êtes-vous nombreux dans le groupe ?
P. : 5-6 personnes. Le groupe a une construction dans le temps, qui nécessite du temps.
M. : Le groupe a souffert d’inexpérience, de maladresses et de rigueur au début. Aujourd’hui, on a envie de quelque chose de plus cohérent qui a plus de visibilité, de construire un discours commun, de constituer un groupe politique.

Quels sont les thèmes abordés par le groupe ?
P. : Sous l’encart de la maladresse, les discussions personnelles ont été hyper prolifiques. Mais c’est aussi le nœud du problème : on ne s’est pas donné les moyens de les transformer de manière réflexive, collective.
M. : Nous avons par exemple fait un atelier sur « qu’est ce que le désir », pour s’interroger en termes de déconstruction. C’est d’abord un travail de compréhension sur la façon dont on a été construit en tant que mec : que les hommes du groupe mettent en commun leurs construction, par ou ils sont passés et se dire à un moment donné qu’il faut subvertir cette construction, ne pas reproduire un pouvoir de genre vis-à-vis des femmes, des homos. On a donc essayé de travailler sur le thème du désir « hétérosexuel » même si un ami gay était là. Un questionnement aussi sur « masculinité et virilité », sur « le pouvoir excluant du savoir », à un moment donné chacun peut briller avec son savoir ou son savoir faire dans un groupe militant - ceux qui manipulent l’informatique ou internet, qui ont lu tout Bakounine, qui ont une expérience militante..., ce qui fait qu’ils sont un passage obligé et ils peuvent peser sur le groupe - sur le pouvoir des hommes, la concurrence entre hommes aussi pour exercer du pouvoir. L’année passé c’était essayer de mettre les choses sur la table, les thèmes dont on a envie de parler, on a abordé quelques thèmes.

C’était empreint de réflexions très personnelles et pas encore publiques politiques.
Th. : L’évolution du groupe est d’élargir ces réflexions personnelles en les rendant publiques, politiques , car l’année dernière, les réunions étaient beaucoup sur nos motivations et sur ce pourquoi on était là. Effectivement le groupe se cherchait car les motivations étaient différentes et on ne voyait pas bien les objectifs du groupe se dessiner. Et cette année, se connaissant davantage, on a éclairci nos motivations, on a pu fixer des objectifs plus précis et une plus grande régularité pour pouvoir faire quelque chose de ce à quoi on avait réfléchi auparavant. Les thèmes abordés pourraient être maintenant la relation entre sexisme et racisme, travailler sur l’homophobie, des thèmes avec des objectifs nouveaux de visibilité auprès des autres hommes et des autres groupes féministes.
M. : Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté sur les objectifs du groupe. C’est pas un groupe de libération des hommes, c’est pas un groupe thérapeutique, pour se sentir mieux en tant qu’homme. On se doit de rendre des comptes, de rendre visible et public notre travail. Ceci dit, c’est évident qu’on est pas là pour donner des conseils aux femmes ou aux gays et lesbiennes sur la façon de lutter pour ne pas tomber dans les travers d’hommes qui ont un savoir sur les femmes, et qui, chargés de ce savoir, vont devenir des bons conseillers, des patriarches, des donneurs de leçon, et du coup reproduire cette domination.

A propos de la non-mixité qui est la spécificité du groupe, les femmes sont donc interdites au cours de la réunion ?
M. : A l’appel de la semaine organisé aux Tanneries de Dijon, une semaine non-mixité masculine contre le patriarcat, ils avaient opté pour un terme qui était « individu de construction masculine » parce que il y a des personnes qui refusent de se revendiquer homme, notamment les transgenres. S’il y avait une personne qui biologiquement serait femme et revendiquerait une construction masculine, je vois pas en quoi on pourrait se permettre de lui interdire de venir. On a eu aussi une discussion pour savoir si des femmes féministes présentes dans la pièce nous gênerait : on est pas tous forcément d’accord.
P. : On ne peut pas répondre en terme de groupe, à cause de nos différences notamment sur nos constructions masculines. Personnellement, j’aurais du mal, je ne serai pas le même.
M. : Ce groupe non-mixte n’est pas un pendant symétrique au groupe non-mixte femmes lesbiens ou pédés par exemple. Puisqu’on se considère comme dominants, notre travail ne peut pas être le même que celui des dominés. Ensuite, le principe non-mixte est utilisé pour ne pas reproduire un fonctionnement militant classique, avec des rapports masculins type bistrot, c’est pour subvertir nos rapports entre hommes. Ça peut être un travail corporel, un travail sur le toucher, sur la circulation de la parole, ne pas parler plus fort, ne pas couper, pour avoir forcément raison. J’ai rien contre le fait que des non-hommes viennent écouter ce qui ce dit, mais le problème arrive quand on aborde des histoires très personnelles. D’autre part, le risque de la non-mixité est aussi, puisqu’on est pas totalement déconstruit, de reproduire à un moment donné une espèce de solidarité, une empathie envers les récits de souffrance, puisque c’est pas parce qu’on est dominant, qu’on ne peut pas souffrir de certaines choses. On est des êtres humains. Donc sur des récits sensibles, il y a ce risque de se soutenir mutuellement, de retomber dans un soutien empathique sans travailler dessus. Ce qui nous rassemble, ce qu’on a en commun c’est une construction masculine, et donc les gens qui sont non-homme de fait sont exclus de la discussion, mais ça n’empêche pas des gens qui voudrait venir écouter...
Th. : la non-mixité n’empêche pas à côté de participer à une lutte mixte, bien au contraire. Mais dans ce groupe non-mixte la problématique n’est pas la même : on va se poser la question du point de vue de l’oppresseur qu’on est en tant qu’homme hétéro, blanc. On va essayer de répondre à des questions qui nous touchent de fait plus directement et plus personnellement que des questions qu’on pourrait aborder en mixité.
M. : Pour l’instant, il n’y a pas encore eu de travail commun avec des groupes non-mixtes, mais cette année sera l’occasion de mettre en place des choses avec d’autres groupes. Il existe enfin un réseau international internet : « international network for the radical critic of masculinities », crée à la fin du premier semestre.
P. : Il y a cette idée de combattre les barrières culturelles qui empêchent d’échanger, de communiquer au travers des luttes.
M. : Il y a beaucoup de réticence à la non-mixité, elle est vue comme une atteinte à la laïcité, ou comme une exclusion. Pourtant c’est vieux, la non-mixité féministe des années 1970, il n’y a rien de nouveau.

Quelles sont les perspectives du groupe ?
M. : A terme, ce groupe ne devrait plus exister. (Quand le patriarcat n’existera plus !!!) C’est un groupe à moyen terme. Il faudrait avoir une part pédagogique s’adressant aux autres hommes, mettre en place des ateliers dans des écoles selon nos occupations, nos emplois respectifs, être assistant d’éducation. Le groupe est en demande de support visuel pour mettre en place des projections - débats.

Dans un souci de place, je passe sur la suite des questions très intéressantes pour garder cette information :
Th. : le groupe se réunit les 1er dimanche du mois, lieu à définir.

Propos recueillis par Bubu, Scalp Toulouse.

Contacts Groupe non-mixte hommes de Toulouse :
grougatou@linuxmail.org / thomas : 0678765625
Réseau international de critique radicale des masculinités : https://poivron.org/mailman/listinf...
Prostates-discussion - discussions antipatriarcales entre hommes, garçons, ICM, mecs et autres types https://poivron.org/mailman/listinf...


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