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AccueilJournalNuméros parus en 2006N°46 - janvier-février 2006 > Vrai facho ou faux réac ?

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Édito

Vrai facho ou faux réac ?



Le paysage politique français d’extrême droite est en pleine évolution avec un retour marqué à des valeurs sécuritaires, autoritaires, réactionnaires et conservatrices.

Elle est belle et bien finie l’époque où l’on pouvait taxer de "facho" n’importe quel réactionnaire. D’ailleurs, à l’époque des vrais fascistes (*), dans les années trente, ces derniers étaient appelés "réactionnaires" par les forces de gauche. Le glissement des idées frontistes vers la droite (et parfois la gauche !) n’est pas une nouveauté mais la transparence et la rapidité avec laquelle ce phénomène se fait jour sont inquiétantes. En perspective, les élections présidentielles de 2007. En passant d’un parti frontiste clairement identifié à l’extrême droite à des partis républicains, l’idéologie fascisante devient abordable, se démocratise et s’embellit d’habits de respectabilité.

Dans le nouvel échiquier de l’extrême droite française nous pourrons désormais compter sur le Mouvement Pour la France de De Villiers. Certes, ce n’est pas un inconnu de la politique mais ses idées, jusque là taxées de traditionalistes et conservatrices, teintées d’un ultra-catholicisme dépassé, ont largement rattrapé le retard du mauvais goût. On se souviendra des prises de paroles islamophobe du "Fou du Puy" lors des négociations d’ouverture de l’entrée de la Turquie en Europe ou de ses prises de positions à l’encontre du droit à l’avortement et plus récemment sur la "guerre de civilisation" dans les quartiers populaires en révoltes.

Pas étonnant dès lors que de vieux frontistes en guerre interne avec le leader parisien passent au MPF. C’est le cas des époux Bompard respectivement maire d’Orange et conseiller général du Vaucluse pour Jacques, et conseillère générale et conseillère régionale pour Marie-Claude.

Cette dernière n’a pas encore officiellement rejoint le MPF comme son mari mais a démissionné du FN. Avec ces nouvelles recrues, ce sont des mandats électoraux et un important réseau nationaliste qui renforcent le MPF.

Philippe De Villiers, ancien RPR, ancien secrétaire d’Etat de Chirac de 1986 à 87, est en concurrence avec Sarkozy, président de l’UMP, pour piller l’électorat FN et il le fait savoir. Par le passé, les accords et petits arrangements entre UMP et MPF ont été nombreux et pourraient encore voir le jour à la faveur des prochaines élections. De Villiers est jeune, il a l’expérience de la gestion, s’appuie sur un réseau local important et pourrait bien devenir un pion incontournable contre lequel nous devrons concentrer nos énergies. Ultra-catho mais pas intégriste, islamophobe mais pas racialiste, contre-révolutionnaire mais parlementariste, réactionnaire farouche (sa politique de la famille est un artefact de programme RPR moisi et de FN purulent) et fin dénicheur de sobriquet vieille France dont jusqu’à présent Le Pen s’était fait une spécialité, nous devrons désormais compter sur celui qui, à l’instar du Maréchal, se prénomme Philippe.

La banalisation des idées frontiste couplée au lent déclin du FN (scission, guerre interne entre courant nationaliste et/ou catholique, vieillissement du leader...) favorisent la récupération idéologique. Pour preuve le récent sondage TNS-Sofres qui montre que les idées du Front National sont de plus en plus acceptées par l’électorat puisqu’en décembre 05, 24% des sondés se sont déclarés "d’accord" avec les idées défendues par JMLP. L’étude montre également que la "défense des valeurs traditionnelles" est ce qui fait le plus recette chez les Français puisque 73% estiment qu’elles ne sont pas assez défendues. Sur ce terrain, un parti conservateur comme le MPF pourrait faire des heureux.

Plus inquiétants encore sont les résultats de l’étude lorsqu’elle dissocie le parti Front National des questions posées : ainsi, 63% pensent qu’"il y a trop d’immigrés en France" et 48% qu’"on ne se sent plus vraiment chez soi en France". Ces résultats sont en progression de 4% par rapport à 2003.

Inutile de dire que ces derniers seront ravis d’apprendre que Philippe De Villiers, dans son discours annonçant sa candidature aux présidentielles, déclarait vouloir créer une "garde nationale" pour contrôler les frontières et les prêches dans les mosquées, mettre un terme à la politique d’immigration et à "l’eldorado des avantages sociaux pour les clandestins". Certain que les familles françaises paient pour "les familles polygames", "les clandestins", les "migrants irréguliers qui en viennent à refuser le relogement", il propose un service civique d’un an afin d’éveiller "aux valeurs de la France".

Alors, vrai facho ou faux réac, la question étymologique est balayée par le contenu du discours. Il nous faut maintenant composer avec de nouveaux ennemis de classes en adaptant à leur nuisibilité notre discours et nos méthodes...

Ibex Ibex.

(*) Fascisme (fascismo) vient du mot fascio - "faisceau" - désignant les associations d’anciens combattants après 1918. Mot repris d’épisodes plus anciens, tels que la révolte paysanne de Sicile en 1893. Dans l’antiquité romaine, les licteurs (appariteurs) qui précédaient les hautes magistrats, portaient sur l’épaule un faisceau de verges enserrant un fer de hache : c’était le symbole du pouvoir, de l’imperium, "le symbole de l’unité, de la force, de la justice" (Mussolini), il deviendra l’emblème du régime. Le mot fascisme lui même verra son acception évoluer : de groupement, il va désigner un régime et une idéologie (comme le soviet). Puis il s’étendra à tout régime ou mouvement ayant une parenté avec le régime mussolinien. Il finira par revêtir un sens péjoratif et sera utilisé parfois à tort et à travers.


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