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> N°49 - Mai 2006
> ANTIFANET - fascisme et antifascisme en Europe
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AllemagneExtrême droite : luttes sociales... mais surtout nationalesDepuis plusieurs années, l’extrême droite allemande, des partis se présentant aux élections jusqu’aux groupuscules les plus radicaux, tente de s’accaparer les questions sociales en participant par exemple aux luttes sociales et en apparaissant de façon régulière et troublante aux manifestations de ceux et celles qui veulent s’opposer aux réformes (ultra)-libérales que tous les gouvernements (social-démocrate de Schröder ou chrétien-démocrate de Merkel) veulent mettre en place. Mais quelles sont donc les revendications des néo-nazis ?
« Oui aux emplois, non à la mondialisation ! », « Du travail pour des millions de travailleurs, pas de profits pour les milliardaires ! », « Notre programme, c’est la résistance - Finissons-en avec le capitalisme ! Non à la mondialisation »... Tels sont les mots d’ordre qu’on pouvait lire sur les banderoles que portaient les néo-nazis le 1er mai ces dernières années ou lors des fameuses manifestations du lundi [1]. À première vue, on aurait pu croire que les néo-nazis avaient changé de bord : mais il n’en était rien. Les banderoles comportaient souvent une deuxième ligne qui ne laissait aucun doute quant à l’orientation politique de ceux qui se rangeaient derrière elle. Voici par exemple ce qu’on pouvait lire sur l’appel à manifester le 1er mai du Collectif social et national de Poméranie : « Hartz IV est asocial... Notre résistance est nationale » On a pu remarquer par ailleurs que les néo-nazis aimaient à détourner des slogans de gauche connus. Ainsi, le 1er mai 2004, les manifestants du NPD défilaient derrière une banderole de tête portant une revendication bien connue du mouvement ouvrier : « Imposons la justice sociale - à travail égal, salaire égal. » Mais pour le NPD, il faut comprendre ce slogan dans un autre contexte : ce ne sont pas les salaires des femmes ou des immigrés qui doivent être augmentés ; il s’agit de mettre au même niveau les salaires des Allemands à l’Ouest et à l’Est. Il en est de même pour tout le discours social de l’extrême droite allemande : on ne s’intéresse à l’exploitation que dans le contexte « allemand ». En octobre 2004, le NPD et les Freie Kameradschaften (cf. glossaire) avaient ainsi appelé à manifester à Bochum contre un plan social d’ampleur prévu chez Opel : leur mot d’ordre était le suivant : « Le peuple saigne - le capital encaisse ! La mondialisation détruit les emplois allemands ! » Pour les néo-nazis, ce sont les emplois « allemands » qui importent, c’est-à-dire les emplois occupés par des Allemands. Ces emplois doivent être « en premier lieu pour les Allemands », en fait « seulement pour les Allemands ». Devant l’usine Opel, un petit groupe de néo-nazis s’était rassemblé pour une manifestation silencieuse, sous une banderole où l’on pouvait lire : « La mondialisation tue les emplois allemands - Solidarité nationale avec la lutte ouvrière chez Opel. » Dans la communauté solidaire telle que la conçoivent les néo-nazis, il est essentiellement question d’exclure ceux qui n’appartiennent pas à la « nation », au « peuple », à la « Volksgemeinschaft allemande », autrement dit les étrangers. Ainsi, les néo-nazis s’inscrivent dans le schéma de pensée de la concurrence capitaliste (« Je ne peux m’en sortir qu’aux dépens des autres ») qu’ils prétendent combattre, et ils ne sont pas si loin de la façon de penser des néo-libéraux. Un traitement superficiel des questions socialesLors des manifestations du lundi, les néo-nazis ont voulu apparaître en opposants virulents au plan de réformes Hartz IV. Le NPD de Saxe exigeait ainsi en septembre 2004 dans un tract électoral que les critères donnant accès au statut de chômeur ne soient pas durcis. Or, il est intéressant de se pencher sur les publications du même parti qui datent d’avant la campagne contre Hartz IV ; on pouvait ainsi lire dans Deutsche Stimme, l’organe du NPD, un article intitulé : « Le travail obligatoire, une œuvre pour la communauté », dont l’auteur assurait que ceux qui ne trouvaient pas de travail sur le marché du travail devaient être employés par l’Etat à une tâche d’utilité collective. Selon la conception du Nationales und Soziales Aktionsbündnis [2] (NSAM), il faudrait en finir avec les emplois aidés, et les bénéficiaires de l’aide sociale ainsi que les chômeurs de longue durée devraient effectuer un service obligatoire prévu par l’Etat pour « le bien de la communauté ». Les Republikaner se sont du reste prononcé pour un durcissement des critères retenus pour percevoir l’allocation chômage, en affirmant que « celui qui est capable de travailler doit aussi être prêt à travailler ». De même, les organisateurs du 1er mai 2005 à Worms ont montré d’une façon assez classique à quel point l’appauvrissement de la population intéresse peu l’extrême droite ; il n’est, semble-t-il, évoqué qu’à la seule fin d’arriver à leur thématique favorite, à savoir l’étranger comme origine de tous les maux : « Stop au pillage du peuple allemand - Nous ne sommes pas le Bureau d’Aide sociale du monde entier ». Un mot d’ordre central faf revient dans toutes leurs manifestations : « La Volksgemeinschaft, pas la lutte des classes ». Ils renouent ainsi directement avec leur modèle historique, le NSDAP pour qui il ne s’agissait pas de venir en aide ou de soutenir les exploités. Tout ce qui gêne l’harmonie de la Volksgemeinschaft doit être éliminé, et en premier lieu la lutte des classes, les « intérêts particuliers » comme les organisations patronales et les syndicats. Un candidat NPD aux élections législatives de 2005 déclara ainsi qu’il fallait en finir avec la « dictature des accords salariaux imposée par les syndicats ». anticapitalisme d’extrême droite contre « finance internationale juive »Les Kameradschaften de la NSAM défilent sous le mot d’ordre « Un nouveau système offre de nouvelles possibilités ». Dans les années 1990, la devise des jeunes du NPD était : « Contre le système et le capital : notre combat est national ». Mais lorsqu’ils parlent de changer de système, les néo-nazis n’entendent aucunement abolir la propriété privée des moyens de production, mais plutôt de renverser les partis du système parlementaire. L’attaque du « capital » n’est là que par pure démagogie. L’ennemi est, pour eux, « la finance internationale et les cercles qui y président dans l’ombre » : en fin de compte, les néo-nazis visent la « finance juive » qui opère soi-disant à l’échelle du globe et qui siégerait surtout sur la côte est des Etats-Unis. Dans leur programme économique, les fachos prônent la (re)nationalisation des entreprises, ce qui, contrairement à ce que demande la gauche, ne correspond pas à une nationalisation d’Etat. Il est évident que l’économie est mondialisée et qu’il n’existe pas, en Allemagne, d’entreprises sans participation étrangère ; on sait également que la force de l’économie allemande réside dans ses exportations vers les autres pays du monde. De fait, le NPD ne prône pas l’autarcie, mais, tout comme les Republikaner, des barrières douanières pour un marché intérieur. Le marché interne à l’Allemagne devrait également être protégé, sans que les exportations allemandes en soient gênées pour autant. Les néo-nazis construisent une dichotomie du capital : un bon capital « national », on pourrait tout aussi bien dire « aryen », susceptible d’exercer une « fonction utile », et un méchant capital financier international, qui ôte aux économies des peuples leur caractère national. Derrière ce dernier se cache la haute finance internationale, c’est-à-dire « le capital financier juif ». C’est la deuxième explication de l’opposition virulente que manifestent les néo-nazis allemands à la mondialisation. Contrairement aux altermondialistes, les néo-nazis considèrent la justice sociale comme une donnée secondaire, à inscrire éventuellement dans le cadre d’une communauté nationale ethniquement pure. Article traduit et adapté de Rechte Gespenster ? (Fantômes d’extrême droite) publiée par le groupe de travail « extrémisme de droite » du syndicat allemand Ver.di
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