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AccueilJournalNuméros parus en 2006N°51 - Septembre 2006QUEER vous avez dit QUEER ? > Transphobes, lesbophobes, homophobes, sexistes, je vous hais !

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Témoignage

Transphobes, lesbophobes, homophobes, sexistes, je vous hais !


« En juillet 1996 les activistes [trans] projetèrent de manifester à l’occasion du rassemblement annuel de l’American Psychological Association à Chicago. Une fois encore, ils pensaient attirer l’attention sur la dysphorie ; l’APA était alors accusée de pathophilie du genre (besoin ou désir anormal de pathologiser tout comportement de genre qui rend l’individu mal à l’aise). Un porte parole anonyme de Transsexuel Menace a été cité qui disait : “ Oui il est important que les gens obtiennent leur opération et sa prise en charge, mais il est aussi capital d’y arriver sans pathologiser des millions d’enfants, d’adultes et d’ados transgenres ou variants de genre. Avec la dysphorie, il ne s’agit pas de dysfonction. Il s’agit de punir la différence de genre sous couvert de pratique médicale exactement comme la maladie dite « homosexualité », la dysphorie est inévitablement utilisée contre les plus vulnérables d’entre nous : nos enfants queer de genre. ” » RA Winchins, In Your face, 20 juillet 1996, In Pat Califia, Le mouvement Transgenre, 2003.


J’ai choisi d’écrire ce témoignage sur le calvaire de Maxe pour appuyer le fait que les trans ne vivent pas tous à San Francisco ou au Venezuela (partie du monde en pleine effervescence et ouverture à la transexualité entre autres). Maxe est né à Riom en Auvergne. Pour souligner aussi que les trans n’ont pas tous la force et la détermination, plus que nécessaires, pour faire face aux systèmes (famille, médecine, État) qui demeurent aujourd’hui transphobes (sexistes et homophobes).
C’est juste l’histoire trop courte d’une vie spoliée par ses proches, en étroite collaboration avec la médecine psychiatrique ; je dis juste ça car hélas, le cas de Maxe est bien trop loin d’être isolé.
J’ai rencontré Maxe un soir où de l’autre bout du comptoir, depuis son nuage de fumée, ille faisait son cynique. On a fini par causer, puis aller boire des verres dans sa maison. Au bout de plein de soirs, de discussions qui tournaient beaucoup autour des hommes, des femmes, des rôles respectifs qui nous incombent dans nos « civilisations », du pourquoi j’étais si mal à l’aise dans une relation de couple, pourquoi je ne voulais pas d’enfant. Puis un soir, ille m’a demandé ce que je pensais des trans, j’ai répondu que je ne comprenais pas pourquoi cela choquait autant, que pour moi notre corps devrait pleinement nous appartenir et pas seulement pour avoir le droit d’avorter, que l’on éviterait ainsi bien des souffrances... Ille a été très émue, je ne m’y attendais pas. Né en homme biologique, Maxe s’est révélée à moi en « Madame Maxe » comme ille disait. Ille m’a fait promettre de ne rien dire par peur d’être choppé par ses parents qui sans hésitation l’aurait réinterné en hôpital psychiatrique avec tout ce que cela comporte comme cachetonage et isolement.
Max avait 36 ans lors de notre première rencontre en 1993, ille était sous traitement pour trouble de l’identité, de la sexualité à tendances suicidaires depuis l’âge de 17 ans. À 17 ans, ille a appris à ses parents qu’ille voulait devenir une femme. Son père a vociféré, sa mère a pleuré : « Comment il pouvait leur faire ça, un si beau garçon qui a tout ce qu’il faut... »
De relations de son père en hôpitaux, la torture de Maxe prit forme. Ille s’est résigné, « Ils avaient certainement raison, il était dérangé, malsain... » Dès lors toutes relations amoureuses, sexuelles, lui devinrent quasiment impossible.
Lorsqu’un élan de liberté le reprenait ille jetait ses cachets, sortait « au féminin » avec des vêtements de « femmes » ; drogues et alcools faisaient partie de la parure, fallait bien pallier au manque provoqué par l’absence de cachets. Ille s’est fait démonter le portrait plusieurs fois, dont trois à en finir à l’hosto, avec comme seul réconfort les filets de papa puis les griffes de l’HP. Ille a été suivi de plus en plus près avec les psy et son tuteur obligatoire. On devait lui faire admettre qu’ille était pervers, summum de l’horreur pour eux : ille voulait aimer et partager sa sexualité avec des femmes comme lui... À chaque « signe de rechute », ille a eu droit aux séjours psychiatriques, il y en a eu beaucoup plus que trois !
Maxe s’était dit qu’à 40 ans, s’ille ne s’était pas sortie de cette tragédie et de sa profonde solitude, il se tuerait.
Maxe n’aimait plus sortir de sa maison, ille est sortie une dernière fois et a été dans un joli verger dont personne ne s’occupait plus. On l’a retrouvée un mois et demi après sa disparition.
Son corps du bout de la corde où il pendait était meurtri, pourri par toute la transphobie, le sexisme et la lesbophobie dont ille fut victime.

Fab


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