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AccueilJournalNuméros parus en 2006N°54 - Décembre 2006A Bas le pouvoir (de quelques uns) ! Vive le pouvoir (de chacun) ! > Quel pouvoir, pour quelle éducation ?

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Quel pouvoir, pour quelle éducation ?


S’il est un domaine où il apparaît difficile de passer outre la relation de pouvoir, c’est bien l’éducation. Encore faudrait-il s’interroger sur le type de pouvoir exercé et sur son objectif.


Vous ne trouverez pas ou peu de profs dont l’objectif n’est pas de rendre un élève autonome (c’est quand même le but de l’éducation, non ?). Le premier problème qui se pose est la définition même de l’autonomie. On pourrait ici reprendre la distinction de Kolhberg qui distingue trois niveaux de moralité : la moralité pré-conventionnelle (le respect des règles est lié à la peur du gendarme), la moralité conventionnelle (le respect des règles est lié à la compréhension de la nécessité fonctionnelle de celle-ci, à la recherche d’une approbation par la conformité sociale) et enfin la moralité post-conventionnelle (le respect des règles est lié à la compréhension des fondements de la règle et à ce stade, l’individu considère que les lois inutiles ou injustes doivent être modifiées ou enfreintes). L’autonomie correspond ainsi au troisième stade. Le problème est que ce n’est pas franchement ainsi qu’elle est entendue dans l’Education Nationale : on considère généralement comme autonome un élève qui obéira aux règles sans trop se poser de question, le must étant le stade de moralité conventionnelle, mais la moralité pré-conventionnelle fera bien l’affaire, s’il suffit de la peur du gendarme (et non de son action). En effet, s’il atteint le troisième stade, cela devient dangereux pour l’élève : il risquerait de ne pas pouvoir « réussir », de ne pas pouvoir s’intégrer au monde du travail. En réalité, le troisième stade est plus dangereux pour le professeur et l’institution, car l’élève autonome remettra en cause leur sacro-sainte autorité.

On comprend les réticences...

Cependant, même pour les professeurs dont le but est réellement l’accès réel des élèves à l’autonomie, la tâche est loin d’être aisée, car il doit enseigner des connaissances et des savoir-faire et dans le même temps « gérer la classe », c’est à dire garantir dans le groupe-classe les conditions de l’apprentissage. La notion de groupe est ici essentielle, car, par exemple accepter les bavardages de certains peut nuire à d’autres, qui auront besoin de calme pour se concentrer. En outre, le statut de professeur entraîne des attentes quant à son rôle, même si l’interprétation du rôle différera d’un individu à l’autre. Et dans le rôle du professeur, il y a l’autorité. Le professeur subit le contrôle social des élèves, qui sont souvent en attente d’un pouvoir coercitif (mais juste) et celui de l’ensemble des membres de l’institution scolaire (direction, collègues mais aussi parents d’élèves). Petit exemple de réaction sur des bavardages en classe :

Les élèves s’adressant aux professeurs :

« C’est à vous de faire respecter le silence. »

Parent d’élève :

« Il faut renvoyer les bavards de cours. »

Professeur d’université et professeur dans un lycée de centre ville :

« Il faut les punir : colle et renvoi de cours. »

L’usage d’une autorité (en particulier coercitive) relève donc en grande partie d’un effet de conformisme. Or, ce conformisme empêche de s’interroger sur la relation d’autorité et ses fondements ainsi que sur la nature des règles à respecter. Par exemple, empêcher tout échange entre les élèves pendant un cours relève de la brimade pure et simple, leur demander de se taire pour écouter quelqu’un qui prend la parole relève du respect d’autrui et de la relation d’apprentissage.

Quant aux fondements de l’autorité, il semble plus que nécessaire de les interroger, d’autant plus quand on considère que le but de l’éducation est de construire des individus autonomes. Kant soulignait déjà ce problème : « comment puis-je cultiver la liberté sous contrainte ? » La relation traditionnelle professeur-élève est basée sur un pouvoir statutaire et coercitif, mais il sera faux de croire qu’elle se limite à cet aspect. En effet, cette approche prend sa source dans une vision de l’enfant comme un individu à contrôler. Or, l’enfant a une capacité à prendre des décisions, il est capable de se maîtriser. Le professeur peut alors prendre un rôle de modérateur et de facilitateur. Le pouvoir exercé par l’enseignant s’affranchit alors de la coercition, il se base sur l’expertise (connaissances) et la communication. Il laisse ainsi la possibilité à l’élève d’apprendre une certaine autonomie.

Ainsi, le rôle du professeur ne doit en aucun cas être un rôle d’imposition, il doit apporter les éléments qui permettront à l’élève de développer son esprit critique. Au professeur de rester lui-même critique sur les savoirs qu’il enseigne et ses pratiques.


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