Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2007N°57 - Mars 2007L’ecologie dans tous ses états > Ecologie radicale

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


dossier écologie

Ecologie radicale


Dans cette deuxième partie, nous allons présenter quelques mouvances de l’écologie radicale. En démarrant par l’écologie profonde, puis en abordant l’écoféminisme et l’écologie sociale, ainsi que la philosophie amérindienne au travers d’un extrait du discours d’un chef indien et d’un poème .


L’ÉCOLOGIE PROFONDE

Nous avons choisi de vous présenter l’écologie profonde avec ses travers et ses raccordements avec l’écologie radicale dont nous sommes imprégné-e-s. Ce mouvement est représenté par Earth First (la Terre d’Abord). Il s’agit d’une approche romantique de l’écologie, mettant en avant le désir de protéger la nature, la Terre Mère : Gaïa. Le désir de protection conduit à une analyse contraire à la solidarité sociale. Le principal slogan de Earth First dit ainsi : « Love your mother, don’t become one », soit « Aime ta mère, n’en deviens pas une ».

Vers 1980, certains membres de l’écologie profonde ont cru bon de prouver que la surpopulation et l’immigration étaient sources de problèmes environnementaux. Dans leurs discours, les femmes du Tiers- Monde deviennent responsables de l’épuisement des ressources. Extrait de Bill Deval et George Sessions : « On accorde plus de valeur aux être humains individuellement et collectivement qu’aux espèces menacées. L’excès des interventions humaines dans les processus naturels a conduit d’autres espèces au bord de l’extinction. Pour l’écologie profonde, la balance a trop longtemps penché du côté des hommes. Aujourd’hui, nous devons la faire basculer dans l’autre sens pour préserver l’habitat des autres espèces. La protection de la nature sauvage est devenu un impératif. » Pas besoin de gratter beaucoup pour se rendre compte que le racisme et le sexisme affleurent sous la peau de Gaia. Les femmes pauvres sont stigmatisées, tandis que Gaïa la pure siège sur son trône, protégée par les chevaliers blancs. Tout n’est pas si simple, en tout cas, ce qui est sûr, c’est que la richesse c’est la diversité. Il y a du bon à prendre partout, comme pour eux, pour preuve. Nous vous suggérons vivement la lecture d’un débat entre Murray Bookchin (écologie sociale) et Dave Foreman (écologie profonde), dans Quelle écologie radicale ? Écologie sociale et écologie profonde en débat, ACL / Silence, 1994.

ÉCOLOGIE SOCIALE ET ÉCOFÉMINISME

Il est difficile de déterminer les origines du terme écoféminisme. En France, beaucoup l’attribuent à l’essai de Françoise d’Eaubonne, Le féminisme ou la mort (1974, éd. Pierre Horay). Le public anglophone n’eut connaissance de cet essai qu’en 1994. En 1978, l’institut d’écologie sociale, cofondé par Bookchin en 1974, a invité Ynestra King à mettre sur pied le premier programme d’études offrant une première approche féministe de l’écologie, consacrant ainsi le terme écoféminisme. En rapprochant des institutions issues de l’écologie sociale et de l’épistémologie féministe, King a mis au point une façon de repenser la relation entre soi et l’autre, qui est une notion centrale tant de l’écologie que du féminisme. Très peu de textes de l’écoféminisme américain sont traduits en français, la continuité historique n’est pas simple à comprendre.

Pour progresser dans la compréhension, je conseille vivement la lecture de l’excellent bouquin de Chiara Heller, Désir, nature et société ; l’écologie sociale au quotidien, ACL, 2003. Depuis les années 1960, le corps est devenu la pierre de touche à laquelle beaucoup de féministe se réfèrent pour évaluer la « relation au monde » de la théorie féministe. L’écologie politique a joué son rôle dans la formation d’un féminisme politique. Comme le corps, l’écologie politique offre au féminisme une dimension organique qui lui permet d’étudier la façon dont les femmes survivent, non en tant qu’abstraites « soeurs en patriarcat », mais en tant que femmes qui ont affaire aux dimensions concrètes et viscérales de l’injustice sociale et écologique. La politique du corps des féministes radicales porte en soi une sensibilité latente, d’où naîtra ce que l’on ne tardera pas à appeler « l’écoféminisme  ». En même temps que cette nouvelle sensibilité écologiste, il apparaît dans le féminisme radical une critique générale de la hiérarchie issue de la critique de la domination spécifiquement masculine.

Le féminisme radical ne se contente pas d’exprimer cette exigence de libération de l’oppression et de la violence physique, il y a en lui une tendance qui réclame le droit de vivre son corps comme un lieu de liberté, de passion, de plaisir ! Comme l’a dit Emma Goldman : « Si on ne danse pas à votre révolution, je ne viens pas. »

Mais où courons-nous avec notre drapeau ?
Sa hampe est de bambou
Je l’ai fichée en terre
Elle y devient tuteur
Mon impatience s’y enracine, racines et branches
A la recherche de sens.

AMÉRINDIENS

Voici un passage du discours du chef SEATTLE de la tribu des Suquamish, s’adressant au président américain Grover à Cleveland en 1854. Nous avons choisi les Amérindiens, car audelà de la spiritualité qui n’est pas nôtre, leur philosophie de vie, et donc leur rapport à l’environnement est quelque part une référence.

« Je suis un sauvage et je ne connais pas d’autre façon de vivre. J’ ai vu un millier de bisons pourrissant sur la prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train qui passait. Je suis un sauvage et ne comprends pas comment le cheval de fer fumant peut être plus important que le bison que nous tuons pour subsister. Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude d’esprit. Car ce qui arrive aux bêtes, arrive bientôt à l’homme.Toutes les choses se tiennent. Vous devez apprendre à vos enfants que le sol qu’ils foulent est fait des cendres de nos aïeux. Pour qu’ils respectent la terre, dites à vos enfants qu’ elle est enrichie par les vies de notre race. Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la terre arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes. Nous savons au moins ceci : la terre n’appartient pas à l’homme, l’homme appartient à la terre. Cela, nous le savons. Toutes choses se tiennent comme le sang uni d’une famille.Toutes choses se tiennent. Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre. Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil.Tout ce qu’il fait à la terre, il le fait à lui-même. »

Murray BOOKCHIN

Nous tenons à vous faire mieux connaître cette personne, père de l’écologie sociale et du municipalisme libertaire. De plus, il nous a quitté il y a quelques mois. Merci à toi Murray !

Murray Bookchin est né d’une famille d’origine russe le 14 janvier 1921 à New York et décédé le 30 juillet 2006. Il a baigné dans l’idéologie marxiste lors sa jeunesse. Militant depuis l’âge de 13 ans, il est viré de la Young Communist League à 18 ans pour avoir ouvertement critiqué Staline. Ouvrier et organisateur syndical dans des fonderies, c’est là qu’il entre en contact avec des immigrants européens liés au mouvement anarchiste.Auteur et orateur passionné et inépuisable, il était peu connu en Europe.

Il s’est rapidement fait connaître pour la facilité qu’il avait à envoyer des critiques dévastatrices au marxisme en utilisant la langue marxiste conventionnelle.Très critique à l’encontre du capitalisme, il l’a été aussi à l’égard de l’écologie profonde et même de l’anarchisme. Il considérait que la théorie marxiste était trop centrée sur l’économie et les classes sociales, et faisait ressortir le rôle des hiérarchies dans l’histoire de l’humanité, avec en ligne de mire, l’État. Mais il a montré que les autres formes de dominations sociales ont joué un rôle majeur comme assises de la domination et de continuation du système capitaliste. Il en est finalement arrivé à une théorie liant la pensée libertaire aux enjeux écologiques et urbains. Il considérait que l’écologie était le point faible du capitalisme pour peu que ça débouche, à travers l’action politique, à une transformation radicale de la démocratie (de la représentation à la démocratie directe). Certaines de ces idées, visionnaires, ont influencé, dans les années 1970, les antinucléaires, l’agriculture biologique et aujourd’hui une partie des plus radicaux du mouvement altermondialiste.

« Il nous faut entrer profondément dans les aspects les plus quotidiens de notre existence pour déraciner en nous l’idée de dominer la nature. »

C’est au milieu des années 1960 qu’il a élaboré une nouvelle philosophie politique : l’écologie sociale. En 1974, il cofonde l’Institut d’Écologie sociale où il partage avec des milliers de jeunes militants théorie et pratiques alternatives. Autodidacte, penseur et auteur très prolifique, il a écrit plus de vingt livres sur le sujet traduits en une dizaine de langues. Il est toujours resté un anticapitaliste radical et un fidèle défenseur de la décentralisation.Avec sa théorie de l’écologie sociale et sa proposition politique du municipalisme libertaire qui lui est rattachée, il n’a pas fait que des heureux. Le choix d’investir les élections municipales avec des candidatures libertaires a été un pavé dans la mare de l’anarchisme, mais cela contribue à étendre le débat. De plus, Bookchin, fut de plus en plus déçu de l’anarchisme individuel et de l’inertie du mouvement anar internationale si bien qu’il s’est défini comme communaliste dans les années 1990. Pour lui, le communalisme, c’est l’organisation fédérée des communes (villes, quartiers) avec la démocratie directe comme base de reconstruction et d’autogestion de la société. Il pensait que c’était un manque de rigueur organisationnelle d’une partie de la mouvance anarchiste qui ne permettait pas d’avancer. Il fut beaucoup critiqué, mais son communalisme est une contribution majeure au renouvellement de l’anarchisme et de la pensée libertaire de la seconde partie du XXe siècle.

* En ce qui concerne le municipalisme libertaire, je vous invite lire le texte intitulé « À qui profite les urnes ? », No Pasaran n° 54, décembre 2006.

OUVRAGES DE BOOKCHIN

Pour un municipalisme libertaire, atelier de création libertaire, 2003.
• Murray Bookchin et Dave Foreman, Quelle écologie radicale ? écologie sociale et écologie profonde en débat, atelier de création libertaire/ Silence, 1994.
Pour une société écologique, 1976, Recueil de textes.


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net