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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°58 - Avril-mai 2007 > LIBERTÉ POUR CESARE BATTISTI

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LIBERTÉ POUR CESARE BATTISTI


La droite nous a souvent habitué aux coups tordus avant les élections. Ce coup-ci pour faire mousser un peu plus un Ministre de l’Intérieur, qui encense tout ce qui a trait à l’ordre et la répression, c’est l’écrivain Cesare Battisti, en cavale depuis deux ans, qui en a subi les frais. Alors qu’en Allemagne, une des militantes de la Fraction Armée Rouge, Brigitte Monhaupt a été libéré le 27/03/2007 après avoir purgé 24 ans de prison, en Italie et en France, les gouvernements de droite et de gauche exerce leur vengeance d’Etat et un acharnement sans fin contre celles et ceux qui se sont soulevés contre l’ordre établi... En France, R. Schleicher, N. Ménigon, G. Cipriani et JM Rouillan sont toujours en prison et les mobilisations continuent pour obtenir leur libération ( http://nlpf.samizdat.net ; http://www.actiondirecte. net Pour Cesare, il reste à espérer que le président Lula refusera de l’extrader comme il l’a déjà fait pour d’autres militants italiens réfugiés au Brésil. Rappel rapide d’une période, les années de plomb en Italie...


A la fin des années 60, l’Italie est confrontée à une intense effervescence sociale.Un mouvement de contestation qui part des universités se propage rapidement dans l’ensemble de la société, réclamant des augmentation des salaires, une réduction du temps de travail. Le PSI, le PCI et les syndicats sont débordés par ces mouvements qu’ils n’arrivent pas à contrôler. De ce mouvement se créer une multitude de groupuscules d’extrême gauche (marxiste léniniste, maoïste et anarchiste). C’est également une période marquée par des affrontements violents et mortels entre militants d’extrême gauche et d’extrême droite dans la rue, ainsi que par une répression très violente de la part de la police. Selon les statistiques du ministère italien de l’intérieur, 67,55 % des violences (rixes, actions de guérilla, destructions de biens) commises en Italie de 1969 à 1980 sont imputables à l’extrême droite.

Face à la violence de l’Etat, du patronat et de l’extrême droite, certains groupes comme le CPM (Colletivo Politico Metropolitano) décident de passer à la lutte armée (bracages de banques, expropriations des patrons et propriétaires, auto-défense face aux milices du patronat et de la police).

Le 12 décembre 1969 une bombe éclate à Piazza Fontana à Milan qui fit 16 morts et plus de cent blessés. Présenté par la police au départ comme un attentat «  anarchiste » (ce qui coûtera la vie à un cheminot anarchiste, Giuseppe Pinelli, jeté par la fenêtre lors d’un interrogatoire), la bombe avait été déposée par des militants proches d’Avanguardia Nazionale (fondé par un ex du MSI1 et d’Ordine Nuevo, Stefano Delle Chiaie). C’est le début de ce que l’on va désigner par le terme de «  terrorisme noir », le terrorisme d’extrême droite.Dans le même temps,à la fin des années 70 se créer les Brigades Rouges, à partir d’anciens membres des CPM. Dans la nuit du 7 décembre 1970, à Rome, le prince Junio Valerio Borghese prend la tête de plusieurs centaines d’hommes, structurés dans une organisation dénommée “Fronte Nazionale”, pour tenter un coup d’Etat. Parmi ces miliciens en armes, figuraient aussi des officiers des carabiniers,dont Licio Gelli,futur dirigeant de la loge P2. Finalement le coup d’état échoue, mais les dirigeants Italiens utilisent cet incident pour promouvoir des nouvelles lois contre les militants.En 1973 se créer les Noyaux armés prolétariens, qui recrutent leurs membres dans les prisons et mèneront des actions conjointes avec les Brigades rouges. A la même période naît Autonomie ouvrière, qui fédère de nombreux groupes libertaires et marxistes, avec pour principal théoricien Toni Negri.

Le 28 mai 1974,un attentat à la bombe fait 8 morts dans une manifestation à Brescia. Le 2 août 1974, un attentat à la bombe dans le train Italicus entre Bologne et Florence cause la mort de 12 personnes. Comme à chaque fois l’enquête officielle porte ses soupçons vers des groupes d’extrême gauche. On apprendra plus tard qu’ils étaient l’oeuvre de militants d’extrême droite. En 1974 les Brigades rouges sont présentes dans tout le nord de l’Italie. Outre Milan, l’organisation revendique désormais des colonnes à Padoue, Porto Maghera, Turin et Gênes. Les Brigades rouges abattent le juge Francesco Coco en juin 1976.Pour la première fois, les Brigades rouges revendiquent un assassinat politique. La même année est créée Première ligne (Prima Linea), autre groupe passé à la lutte armée dont l’action sera souvent confondue avec celle des Brigades rouges. Le 16 mars 1978 Aldo Moro est enlevé. Dirigeant de la démocratie-chrétienne italienne, il sur le point de conclure une alliance de gouvernement, le “compromis historique”, avec les communistes. Les hommes qui l’ont enlevé l’exécutent peu de temps après. L’affaire ne sera jamais réellement élucidée. Trois ans plus tard l’Etat italien adopte une série de mesures d’exception pour lutter contre le terrorisme : prolongation de la garde à vue, peines de prison à vie contre les auteurs d’enlèvements et réductions de peine pour les repentis.Ces mesures débouchent sur le démantèlement complet du réseau Prima Linea ainsi que d’Autonomie ouvrière.De nombreux militants d’extrême gauche sont contrains à l’exil pour éviter le prison et les interrogatoires musclés de la justice italienne. La France devient une terre d’exil pour ces hommes et ces femmes. La terrorisme noir de son côté continue. Le summum de ces violences est atteint le 2 août 1980 dans la gare de Bologne.Une bombe explose et fait 85 morts et plus de 150 blessés. Cet attentat est revendiqué par un groupe d’extrême gauche inconnu. Les poseurs de bombes sont en réalité des militants d’extrême droite : Gian Franco Bertoli, Carlo Maria Maggi et Delfo Zorzi. L’attentat a été commandité par le général Guiseppe Santovito, chef du service secret SISMI et membre de la loge P2.

L’attentat impliquerait des membres d’Ordine Nuovo, de Terza Posizione (Troisième Voie), et des NAR (Noyaux Armés Révolutionnaires),ainsi que Patrick Pimbert, un militant français d’extrême droite.Il est accusé d’avoir participé à l’entraînement de la guérilla urbaine des terroristes italiens. Le procès ne débutera que le 19 janvier 1987 à Bologne, avec 20 personnes, bien que tous les responsables ne soient pas présents. Les disparitions, suicides, assassinats sont les principales raisons de ces absences.Le gouvernement italien en profite pour réprimer les groupes politiques d’extrême gauche comme ceux de droite. Des militants nationalistes quittent l’Italie pour se réfugier en France. Certains militeront au Parti des Forces Nouvelles dans le sud de la France. La plupart choisiront Londres pour rejoindre Massimo Morsello, auteur interprète, dont de nombreuses chansons sont reprises par les groupes de rock faf italien.

En 1982 les arrestations se multiplient dans les milieux d’extrême gauche. Plus de 500 individus suspectés d’être proche des Brigades Rouges sont arrêtés. Les BR sont affaiblis, connaissent plusieurs scissions Br-Guerilla du prolétariat métropolitain, Br-Parti communiste combattant et le Br- Union des communistes combattants. 4000 activistes de gauche appartenant à des “associations subversives” ou “bandes armées” sont condamnés en 1983.

Mais le terrorisme noir ne s’arrête pas là, le 23 décembre 1984, attentat à la bombe dans le train de Naples à Milan : 15 morts, ce qui entraînera quelques années plus tard un nouveau départ de militants d’extrême droite vers l’Angleterre.

La Stratégie de la tension
On sait aujourd’hui que cette vague de violence sur l’Italie n’était pas due uniquement à l’affrontement entre l’extrême gauche et l’extrême droite. Un nombre non négligeable d’attentats était l’oeuvre de manipulations venant de la loge P2 et des services secrets italiens. Le but étant d’attiser la violence entre l’extrême gauche et l’extrême droite pour créer un climat d’insécurité, de tension, afin de mettre en place le moment venu un régime plus autoritaire et réactionnaire.

La Loge P2 était une loge secrète fondée par Licio Gelli à l’intérieur de la Maçonnerie italienne. Dans la P2 on pouvait rencontrer des ministres, dirigeants de partis politiques, dirigeants des services secrets, affairistes, journalistes, officiers de l’armée et des forces de police. On estime le nombre de ses membres à un millier. Le but de cette loge était d’infiltrer au plus haut niveau les partis politiques, les médias, l’armée, la police afin de contrôler l’Etat italien, voir de prendre le pouvoir et d’instaurer un régime. Cette loge était en contact avec la mafia qui exécuta des contrats pour son compte. La loge P2 s’inscrivait dans un plan mis au point par les Américains, l’opération « stay behind ». En 1945, le nom « stay behind » désignait les officiers nazis restés en Allemagne. Ces hommes étaient recrutés par les services secrets américains pour mettre en place un réseau d’espionnage en Allemagne en cas d’invasion de l’Europe par l’URSS. Ce réseau permit à un grand nombre de nazis de faire carrière et de se recycler dans les plus hautes administrations européennes.Un des chefs d’Interpol dans les années 60 était un ancien officier des services secrets nazis, Paul Dickopf(2).

En 1947 les Etats-Unis mettent en place en Europe une structure clandestine qui a pour but de contrer un coup d’état ou une victoire électorale des communistes. Cette structure, sous commandement américain et anglais, devint particulièrement puissante en Italie, (le projet porte le nom de “Gladio”, glaive pour l’Italie) en 1956, avec une base d’entraînement, de nombreuses caches d’armes, et près d’un millier de cadres prêts à effectuer des recrutements ultérieurs et des opérations de guérilla.

On attribue à Gladio une participation importante dans les campagnes de terrorisme noir des années 60 à 80, aussi bien dans la tentative de coup d’état de Borghese que dans l’attentat de la gare de Bologne.

Les membres de la loge P2 sont aujourd’hui libres en Italie, la plupart ayant été libérés par Berlusconi !

1 Mouvement Socail Itlaien, fondé après la guerre par des nostalgiques de Mussolini et de la République de Salo
2 L’extrémiste, François Genou, de Hitler à Carlos, Pierre Péan, Fayard


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