|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Rechercher > thème > pays > ville Les autres articles :
|
Doha, capitale du capitalismeLe sommet de l’OMC à Doha ouvre donc un nouveau cycle de négociations commerciales. Après un bras de fer de cinq jours, l’annonce du lancement d’un "cycle du développement" semblait emporter l’adhésion et la satisfaction de tous les négociateurs, américains et européens en tête, et des journalistes qui en ont rendu compte. Pourtant la déclaration finale ne fait qu’enfoncer le clou de la logique capitaliste qui domine à l’OMC.
Depuis l’échec, deux ans auparavant, du lancement du cycle du millénaire à Seattle, l’idée de relancer un cycle avait perduré, à la tête de l’Organisation basée à Genève,
à la Commission européenne et au sein de l’administration américaine comme dans de nombreux ministères un peu partout dans le monde, en Europe et dans l’Hexagone. Mike Moore, directeur général de l’OMC, flanqué de Pascal Lamy le négociateur européen, n’avaient pas ménagé leurs efforts pour faire admettre de nouvelles négociations. Les mouvements sociaux et les pays du Sud réclamaient, explicitement, qu’un bilan de la libéralisation commerciale soit effectué au regard des droits sociaux, de l’environnement, du développement..., et que si nouveau cycle il devait y avoir il devait s’agir de refondre complètement les règles pour subordonner les entreprises capitalistes à d’autres considérations que le profit. Revenons sur Doha, Sur la forme d’abord.Les ONG présentes sur place n’ont pas eu accès aux délégations car le centre de conférence leur a été fermé. Seattle a fait tellement peur que les représentants de la cinquantaine d’associations "d’intérêt général" présentes sur place ont été fliqués comme un arabe dans le métro parisien. Autre subtilité, des prix de chambres d’hôtel multipliés par deux ou trois, qui obligent les négociateurs des PMA (pays les moins avancés) à ne pas rester tout le long des négociations. Difficile, dans ces conditions, de faire valoir ses positions ! Mieux : la négociation ayant duré une journée et demi de plus - et la dernière fut décisive - seuls ceux qui disposaient d’un avion personnel (américains et européens), ou de la possibilité de payer un vol suivant ont pu rester, les autres ont dû partir ! Ah la démocratie... Sur l’agriculture, l’accord prévoit bien le principe du démantèlement des subventions à l’exportation, que réclamaient notamment les petits producteurs du Sud comme du Nord, mais sans le dater... Tout le bénéfice revient aux mêmes qu’avant : les entreprises agro-exportatrices. Bien évidemment, rien sur le principe de précaution, sur la reconnaissance des aspects non marchands de l’agriculture : une seule solution, la marchandisation !
Poursuite du démantèment des services publics (ce qui accentuera inévitablement la non possibilité de réclamer la gratuité !). Plein de nouveaux secteurs dont personne, a priori, n’a rien à foutre : investissement, concurrence, transparence des marchés publics et facilitation commerciale, et auxquels les pays du Sud ont tenté de s’opposer, ce qui signifie clairement qu’ils se sont fait avoir comme il faut. Pourtant, ce qui se passe là, si on n’y prête pas attention, pourrait être la cerise sur le gâteau : le but non avoué de l’OMC dans toutes ces matières est effectivement de vérouiller juridiquement la perspective de bénéfices des principales firmes multinationales. Ce qui se dessine à travers l’inclusion de ces nouveaux "secteurs" dits de Singapour, notamment l’investissement, c’est la suprématie juridique absolue de tout capitaliste pour faire du profit, y compris si cela nuit à la santé publique ou à l’environnement... C’est nouveau, si, si ! Autrefois seule l’exploitation des travailleurs était acceptée ; aujourd’hui même la sacro-sainte santé publique et l’environnement, dont on sait le piteux état sont sacrifiés s’ils empêchent de faire des profits... On ne s’attardera pas sur les demandes de révision en profondeur de l’OMC que d’aucuns défendaient, arguant du fait qu’il faut créer un droit international contraignant pour le capitalisme : les négociateurs, représentants des firmes et grands capitalistes eux-mêmes dans l’âme, n’allaient quand même pas perdre leur temps avec des conneries pareilles ! Idem pour la suppression de l’Organe de règlement des différends (ORD), le tribunal privé de l’OMC, ou sa subordination aux Nations Unies l’obligeant à respecter rigoureusement toutes les chartes et conventions relatives aux droits économiques et sociaux. Une seule victoire dans toutes ces batailles, mais elle est réelle : celle sur les médicaments. Elle s’est traduite par une solide résistance de la Suisse et des Etats-Unis, dont les firmes pharmaceutiques sont les plus importantes de la planète. Ils ont plié devant la demande que "l’Accord sur les ADPIC (Accord sur les droits de propriété intellectuelle) n’empêche pas et ne devrait pas empêcher les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique". Le Brésil, l’Inde ou l’Afrique du Sud, qui produisent des médicaments génériques à moindre coût pour pallier aux insuffisances de traitement abordables, seront sortis victorieux de ce conflit, en partie grâce au soutien des mobilisations à travers le monde et à la prise de conscience des Etats-Unis d’assouplir ces règles après l’affaire de l’anthrax. En bref, Doha n’aura été qu’un marché de dupes, c’est vrai. La montée en puissance des mouvements sociaux et des pays du Sud n’aura pas été très convaincante à Doha. Mais en définitive, l’OMC s’est décrédibilisée une fois pour toutes. Elle cherchait une sorte de reconnaissance : la tromperie ne pourra pas durer longtemps. Toutes les associations ont condamné sans appel ce résultat présenté par tous les chiens de garde comme merveilleux et mirobolant. Et l’après 11 septembre n’aura pas rendu crédible non plus la justification du lancement d’un nouveau cycle. Julien |
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net |