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MIL, 1000, Mouvement Ibérique de Libération

MEMOIRES DE REBELLES

De J.C. Duhourcq et A. Madrigal aux éditions CRAS



A la fin des années soixante, en Espagne comme en France, certains militants d’ultra gauche et anarchistes pensent que la conjoncture sociopolitique est favorable à une lutte clandestine armée en Europe. En Espagne, la lutte armée contre l’impérialisme, le capitalisme et la dictature franquiste n’a quasiment jamais cessée depuis la fin de la guerre civile. Bien entendu, elle reste limitée et sporadique mais se revendique d’une véritable continuité avec les luttes antifascistes des années 30 et 40.

Des grèves particulièrement dures, issue du prolétariat espagnol, vont amener un groupe de militant-es à créer une structure politique composée de plusieurs organes. Une équipe théorique, une équipe ouvrière et une équipe extérieure (a l’Espagne). Cette dernière est basée dans le sud ouest de la France, terreau militant des combattant-es républicains réfugié-es et de leurs familles.

Le groupuscule militant se donne pour mission -dans un premier temps - de favoriser la propagation de textes politiques d’ultra-gauche afin de conscientiser le prolétariat espagnol tout en proposant une alternative aux positions réactionnaires ou réformistes des structures syndicale ou politiques d’oppositions. Des contacts sont pris avec les Italiens de lotta continu, avec les Parisiens de la librairie de la Vieille Taupe (avant les délires négas !). L’équipe extérieure emmenée par Jean Marc Rouillan (et oui, il y a une vie avant Action Directe !) monte des petits casses pour récupérer du matériel d’imprimerie qui une fois démonté passe la frontière en pièces détachées.

De nombreux textes, traduits en espagnol sont ainsi imprimés et diffusés. D’autres sont produits par les différents groupes de l’organisation. Rapidement, cette lutte clandestine va montrer ses limites pour quelques membres de l’organisation et notamment pour l’équipe extérieure qui, petit a petit, va glisser vers une lutte clandestine armée.

Une partie de l’organisation fonctionne évidemment en clandestinité ou semi clandestinité car l’opposition à la dictature franquiste n’est pas sans risque. Cette clandestinité demande une logistique très importante (voitures, appartements, papiers, liquidités...des armes). Aux files des pages, les différent-es protagonistes nous entraînent avec eux dans leur logique de l’époque, vers la clandestinité armée. C’est le temps des arrestations, des braquages foireux et improvisés, des cavales et des multiples passages de frontières franco-espagnol. C’est aussi le temps des doutes. La logique empruntée par une partie de l’organisation est remise en cause par une autre. Il y a les tenants de la lutte clandestine par la propagande, avec la librairie Mayo 36 qui diffuse des textes révolutionnaires et les tenants de la logique insurrectionnelle armée. Les premiers reprochent aux seconds l’absence de perspectives et expriment leurs craintes que l’activité de réappropriation ne se suffisent à elle-même oubliant l’objectif initial de financement de la lutte (du fric pour des armes, des armes pour du fric...).

Quelles options seront choisies ? L’autonomie des différents groupes les uns par rapport aux autres serat- elle la base d’une séparation de l’organisation ? La logique armée contre le capitalisme et le fascisme apportera-t-elle un second souffle aux mouvements sociaux ? Les divergences politiques seront-elles plus forte que l’amitié ? Et puis il y aura l’arrestation, la condamnation et l’exécution de Salvador Puig Antich, membre du MIL par la dictature franquiste en bout de course. La solidarité dans l’urgence.

Le livre est surprenant à plus d’un titre même si, au premier abord, sa lecture semble fastidieuse. En effet, livre témoignage, il présente l’intérêt de faire parler directement les acteurs de cette aventure activiste mais le choix de ne pas procéder chronologiquement peut parfois amener à perdre le lecteur au fil du récit.

Mais ce choix de narration (qui n’évite pas quelques toutes petites redites) permet de mieux comprendre comment un groupe de militant-es mais aussi d’ami-es entreprend de lutter en rupture avec le mode de vie dominant, sur deux pays différents, avec deux langues et peu de moyens initiaux. La narration par les protagonistes permet également aux auteurs de confronter les points de vue et les souvenir de chacun-es des membres. C’est un plaisir d’y soulever les contradictions de point de vues entre différent-es acteur-es sur les mêmes évènements.

Un véritable outil de référence pour qui s’imagine de manière romantique l’entrée en clandestinité. Les plans foireux, les contacts bidons, le manque de thune, la peur, la faim, la répression, les voyages interminables, les incessants déménagements... tout y est.

Un autre intérêt de l’ouvrage est l’aspect historique. L’époque d’abord. Le milieu et la fin des années soixante pourraient ressembler à un disque de yé-yé nostalgique pour qui ne s’intéresse pas aux mouvements sociaux. C’est donc nous rappeler que les grands chambardements des années 70 ont eu un commencement et que la lutte clandestine, armée ou non, ne tient pas qu’à ceux et celles qui ont laissé une trace dans l’histoire officielle, elle a aussi était l’engagement de milliers d’hommes et femmes oubliées.

Evidement le côté pénible du bouquin, pour qui n’est pas expert-e de l’histoire antifranquiste, est la multitude de sigles et abréviations de groupuscules, partis, et syndicats qui pour la plupart sont ibériques et donc peu communs à nos oreilles. Heureusement un glossaire existe mais sans explications politiques. Quelques explications en bas de page sur des personnages ou groupes importants ne suffisent malheureusement pas toujours au profane à décrypter les enjeux politiques entre deux groupes ou les positionnements idéologiques de certaines organisations. Cet aspect est amplifié par la narration puisque évidemment les acteurs et actrices de l’époque (il y a presque 40 ans...) savaient eux de quoi il en retournait...

Toujours est-il que ce livre lève un voile sur une période et un engagement jusqu’alors rarement partagé, que les témoignages sont sans détours et permettent de faire revivre une aventure collective à la fois bouillonnante, exaltée, surprenante mais réellement révolutionnaire et anarchiste !

Pour compléter sur le MIL (et les GAC !) www.mil-gac.info et un film que je n’ai pas vu de Manuel Huerga intitulé Salvador .

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