Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2007N°61 - Septembre 2007Permanence des ressources et revenu garanti - Partager et transmettre > LA POSITION POLITIQUE PREMIERE

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


Permanence des ressources

LA POSITION POLITIQUE PREMIERE


Le mouvement alternatif et radical a besoin d’une méthode non-excluante et évolutive pour dégager des priorités. Qu’on le veuille ou non, des problématiques s’imposent à nous (mondialisation, précarité, individualisme...). Comment y répondre ? Sans doute est-il nécessaire de se pencher sur des fondamentaux, une position politique première de laquelle se déduit, en grande partie, nos prises de positions. Des pistes :

- comment lier la liberté et l’égalité dans des groupes sociaux : nécessaire coexistence et émancipation individuelle. Cette question se pose de manière cruciale dans l’éducation, par exemple ;

- comment penser les rapports de pouvoir, aller vers des modes coopératifs, ce qui suppose de réfléchir aux spécialités, aux contre-pouvoirs...

- réfléchir aux modes d’organisation entre le local et des réseau plus larges (la question du fédéralisme) ;

- trouver les axes revendicatifs qui peuvent répondre aux problématiques contemporaines.


Il y a en France environs 12 millions de personnes qui vivent dans la précarité : il faut additionner les chômeurs, RMIstes, salariés pauvres, les 4 millions de retraités vivant aux minima ainsi que les étudiants, sans domiciles et les enfants vivant dans des foyers « pauvres », financièrement parlant. Alors que les classes moyennes s’inquiètent de leur devenir, le surendettement n’a jamais été aussi important qu’en 2006 dans les foyers dits « modestes » et ce alors que les écarts de richesses n’ont jamais été aussi forts qu’aujourd’hui. Le dernier rapport de l’OCDE, sorti en juin 2007, affirme ainsi que dans ses 150 pays membres, les écarts de richesses se sont encore accrus à l’exception de deux pays (Espagne et Irlande). L’emploi se précarise suivant la rationalisation en flux tendu, c’est à dire que les entreprises veulent embaucher au plus prêt de la demande des consommateurs, et ce avec un minimum de stock. L’intérim a encore explosé en 2006 [1]...

A emploi précaire, revenu continu. La question de la continuité des ressources se pose pour deux raisons. D’abord, la précarité qui va connaître un nouvel essor avec la remise en cause du CDI, et la mise en place d’un Contrat de travail unique (CTU) qui n’accumulera des droits que dans le temps pour les salariés. Ensuite, le fait que pour faire face à la concurrence mondiale, les salariés vont devoir effectivement travailler plus pour... gagner sans doute autant. Un tiers de la population salariée des Etats-Unis travaille plus de 56 heures par semaine, en cumulant par exemple deux boulots. Le fait de travailler ainsi, avec une intensité et un isolement qui n’a rien à voir avec le travail agraire du Moyen Âge ou du XIXe siècle (où la vie sociale se déroulait également pendant le travail) va tuer toute idée de politique. Le salarié, notamment dans le privé travaillera beaucoup la journée, restera hypnotisée le soir devant la télé ou Internet, fera un câlin rapide à Cunégonde, puis s’écroulera de fatigue jusqu’au lendemain. Déjà les contrats aux forfaits, sans limitations horaires de travail, se multiplient chez les cadres et ce modèle pourra s’étendre avec la nécessité accrue pour les travailleurs pauvres de cumuler SMIC au rabais et travail au noir... Sans compter que l’isolement des salariés, dans la plupart des boulots, fatigue encore plus (les corps se tiennent, un corps isolé dépérit, c’est aussi la problématique des quartiers d’isolement en prison).

On peut dégager quatre axes pour une permanence des ressources, déconnectée de l’emploi : les services publics (luttes pour les maintenir, pour leur accès et pour la gratuité), le revenu garanti inconditionnel (la société reverse un dividende social suffisant pour vivre, avec ou sans emploi), le développement d’initiatives autogérées et solidaires et des liens de solidarités.

La permanence des ressources ne propose pas de tout faire de front mais de créer des liens en se déplaçant et en énonçant les activités des autres, en les incluant dans son propre parcours. Par exemple, qu’un SEL affiche la revendication du revenu garanti ou que des militants colporteurs vitalisent et lient les initiatives isolées. Elle serait donc le mouvement dans ce qui reste trop souvent statique, un mouvement vers un principe qui doit être lisible pour exister réellement.

Une utopie en marche

Comment vivriez-vous, et que vivriez-vous, si vous aviez l’assurance que quoi qu’il arrive, vous aurez une permanence des ressources ? Les rigueurs de l’époque ne doivent pas empêcher l’imagination de vagabonder, car c’est elle qui nous projette dans le futur, et qui peut éclairer nos choix. Nous avons besoin d’utopie et nous pouvons codifier les germes de cette utopie dans nos pratiques associatives, en extrapolant vers leur extension.

Il s’agit dans ce cas-là d’une recomposition du présent : il s’agit de vivre au moment présent, mais en montrant le lien avec le passé (mémoire dont celle des luttes sociales, des idées politiques) et en se projetant vers l’avenir (comment nos pratiques peuvent engendrer un mouvement plus large). Cette question de présent recomposé est l’un des coeurs de la permanence des ressources, qui touche aussi à la question de la mémoire. C’est un truisme, la permanence des ressources permettra d’en finir avec la peur du manque, notamment du manque matériel. Cette peur structure en grande partie les existences (idéologie sécuritaire, repli sur ses « petits intérêts personnels » et crainte afférente de toute vie associative) Elle permettrait un mieux être social, une confiance renouvelée, et sans doute un nouveau contrat social. Puisque s’il l’on s’offre une permanence des ressources, il faudra bien la renouveler, et donc produire, travailler autrement, dégager des priorités.

On le voit, le raisonnement consiste aussi à se projeter au-delà du capitalisme, qui n’a qu’un siècle et demi d’existence alors que l’humanité en a 4000... Une permanence des ressources permettrait de renouer avec le moyen et le long terme, et donc de se lancer dans des projets de longue haleine (utile socialement ou risques créatifs) sans avoir à penser au salaire à la fin du mois tout en travaillant ce qu’il faut dans les tâches nécessaires à la (sur)vie collective... Les questions d’écologie et de convivialité reviendraient également en force.

Cette permanence se dessine déjà, dans nos réseaux (associatifs, politiques...). Nous évoluons déjà dans des environnements stables (tant qu’on le souhaite), avec des liens solides, des projets à courts, moyens ou longs termes. Ce que ne permet pas du tout une entreprise capitaliste qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez et des résultats trimestriels. C’est un système structurellement anxiogène, qui ne donne pas de sens à la vie. C’est pour cela que nos réseaux, notamment par le biais d’une permanence des ressources, peuvent fédérer. Ils peuvent nous permettre de réaliser notre potentiel humain et de vivre plus épanouis sous tous les aspects - création, relationnel, santé, activités socialement utiles et reconnues...

Je pense qu’il faut des gestes puissants. Décrétons une permanence des ressources pour tous les participants à nos réseaux associatifs ! C’est à dire, organisons-nous pour qu’aucun militant et acteur social ne manque de rien ! N’est-ce pas une (vraie) rupture avec le modèle social dominant ?


[1] Les rapports du BIT ou de l’OCDE sont téléchargeables sur Internet : soulignons que ce sont les officines du capitalisme qui descendent le plus en flamme ce système !!)


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net