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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°4 - Décembre 2001 > Le Conseil Indigène Populaire de Oaxaca, Ricardo Flores Magon, c’est quoi ?

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Le Conseil Indigène Populaire de Oaxaca, Ricardo Flores Magon, c’est quoi ?


Au cours d’un récent périple mexicain, j’ai pu rencontrer des membres du Conseil Indigène Populaire de Oaxaca lors de leur réunion dominicale. Une bonne occasion de discuter avec ce groupe membre du SIL (Solidarité Internationale Libertaire) dont je ne savais que peu de choses.


image 206 x 315  Comme son nom l’indique, le CIPO-RFM se réclame de Ricardo Florès Magon mais également de Pradexis G. Guerrero et de Librado Rivera, révolutionnaires anarchistes du début du siècle, qui eurent une grande influence lors de la révolution mexicaine.

Bien que ce conseil n’ait vu le jour qu’en novembre 1997, il est l’héritier d’une réflexion engagée dans les communautés indigènes depuis les années 80. Il compte aujourd’hui 2000 membres (majoritairement des femmes) répartis dans tout l’état et prône une lutte sociale pacifique. Cet organisme use donc de moyens légaux pour se faire entendre.

Leur travail s’effectue principalement dans les communautés indigènes. Il faut dire qu’avec 1.592.020 indigènes pour une population s’élevant à 3.228.895 habitants, ce n’est pas le travail qui manque !

Leurs différents axes de lutte sont les suivants :
- la lutte pour le droit à la terre : en apportant une aide juridique pour déterminer la propriété de la terre, les limites de terrain, pour la récupération de terres communales…
- l’écologie : notamment la lutte contre les OGM
- la ’communication’ : en mettant en place des transports, télés et radios communautaires.
- la culture : en revalorisant leurs cultures (11 ethnies différentes sont réparties dans tout l’état) au travers de la langue, des danses, chants, contes, poèmes et des artistes communautaires.
- la lutte pour les droits des femmes que je vais développer ensuite vu les proportions qu’elle prend au sein du comité.
- l’autogestion : par des moyens aussi variés que la création de coopératives de production, d’organisations d’entraide, le traitement des ordures ou un usage rationnel des ressources naturelles.
- les droits de l’homme.
- l’humanitaire : grâce à l’approvisionnement en eau et électricité, la construction d’écoles et de dispensaires….

Ils/elles se battent également pour le libre choix en matière de sexe et de contraception, contre l’autoritarisme, le libéralisme et actuellement contre les bombardements américains en Afghanistan (même si la société civile n’a pas l’air de se sentir concernée par cette ’guerre’ lointaine)…….

Tout ceci en plus de leur travail salarié, ce qui explique qu’ils se réunissent le dimanche !

Les problèmes que peuvent rencontrer les femmes, et particulièrement les paysannes, sont aux centres des préoccupations du Conseil Indigène de Oaxaca. Ils/elles considèrent le libéralisme et le patriarcat comme les causes fondamentales de la situation actuelle des femmes mexicaines.

La privatisation de tous les services, que ce soit les sources d’énergie, les services de santé ou l’éducation ont des conséquences bien plus graves pour les femmes, surtout en milieu rural. Sur les 3.228.895 habitants du pays, 1.824.408 vivent à la campagne.

Les habitants des zones rurales n’ont en général pas de quoi se procurer les sources d’énergie telles que l’eau, la lumière ou le gaz. Etant donné que les hommes travaillent aux champs, il en pâtissent moins que les femmes qui doivent conserver le feu dans l’âtre pour pouvoir faire la cuisine, faire de longues distances pour aller chercher de l’eau au puits ou à la rivière les plus proches…. Et ceci dure de 3 heures du matin (avant que le mari ne se lève !) à la tombée de la nuit.

La privatisation des services de santé est encore plus pernicieuse. Une consultation à l’hôpital revient à peu près à 500 francs alors que le salaire moyen par semaine au Mexique se monte à 350 francs. On peut consulter un médecin indépendant pour à peu près 100 francs mais le résultat est le même vu le coût des médicaments dans ce pays. Les femmes sont les plus touchées par ce problème car elles s’alimentent peu ; en effet elles ne mangent qu’après que leurs maris aient fini et doivent se contenter de ce qui reste, souvent pas grand chose. La malnutrition les frappe donc particulièrement. Si on ajoute à cela les nombreuses grossesses qu’elles subissent, leur vie est bien souvent en danger et elles ne peuvent pas y remédier faute de soins. Le CIPO-RFM essaye bien de développer l’usage de la contraception mais les femmes indigènes pensent que l’état veut leur faire prendre des médicaments pour les rendre stériles. La privatisation des écoles occasionne également beaucoup de problèmes. Beaucoup d’écoles restent fermées faute de professeurs et de matériel. Et quand les conditions sont réunies, les paysans n’ont pas assez d’argent pour payer l’éducation de tous leurs enfants, seuls les garçons sont autorisés à suivre des cours. Mais si les femmes ne peuvent ni lire ni écrire, elles rencontrent maints problèmes dans les services administratifs ainsi que dans les hôpitaux. De plus, sans éducation, elles ont peu de chance de trouver du travail et de pouvoir subvenir à leurs besoins. Quand elles trouvent un emploi, il est souvent pénible et mal payé comme l’emploi de domestique par exemple. Ou alors elles se voient dans l’obligation de se prostituer pour nourrir leurs enfants.

Le Conseil Indigène Populaire de Oaxaca-Ricardo Flores Magon tente, par ses propres moyens, de remédier à cette situation par l’alphabétisation, l’information, en accompagnant les femmes lors de leurs démarches administratives…. Il y a encore beaucoup à faire pour que les mentalités évoluent mais le changement est perceptible, comme me l’ont confirmé les deux militantes avec qui j’ai eu le plaisir de pouvoir m’entretenir. Bonne lutte à toutes et tous

Aude (SCALP Paris)


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