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COMMENT LA DROITE UTILISE LE CONCEPT DE REVENU GARANTI


Paru dans l’hebdomadaire conservateur allemand de référence Die Zeit le 12 avril de cette année, un dossier se penchait sur l’idée, un peu folle selon eux, d’un revenu de base, consenti par l’État à tous les citoyens, quel que soit leur âge, et non soumis à condition. En voici un extrait, édifiant.


« Gotha, Hotel Lindenhof. La fondation Konrad-Adenauer reçoit. Thème du débat : « Le salaire solidaire citoyen », présenté par le ministre-président Althaus [1]. Le chrétien-démocrate dépeint tout d’abord les problèmes que rencontre le système économique et social actuel : le taux de chômage incompressible, qui ne fait qu’augmenter au fur et à mesure des décennies, les charges sociales qui pèsent sur les salaires et qui, du fait de la démographie, ne cessent d’augmenter. Et il conclut ainsi : « Il est nécessaire d’opérer une coupure radicale. »

Par là, Althaus entend supprimer toutes les prestations sociales : l’allocation chômage, les bourses d’études, les allocations familiales, les allocations logement, les allocations parentales et les retraites. En échange, il y aurait un salaire citoyen d’environ 600 euros pour tous. L’État n’interviendrait que dans le cadre de l’assurance-maladie et de l’assurancedépendance. Dans le même temps, il faudrait baisser considérablement les impôts jusqu’à une flat tax, un impôt unifié correspondant à 25% du revenu pour les revenus supérieurs à 1600 euros (voir encart sur les modèles). « C’est ainsi que nous renouvellerons l’économie de marché  », dit Althaus, « nous créerons de la sécurité et honorerons la performance.  » Le public, des artisans, médecins et avocats, applaudit.

Lorsque Götz Werner a fait son exposé dans l’église, il a également été applaudi. Mais pour des raisons différentes. Tandis que Althaus parle beaucoup d’ « incitations » qui permettraient une baisse des impôts et un salaire citoyen calculé au plus juste, le discours de Werner à Leipzig s’articulait autour des « possibilités d’épanouissement » dont l’homme a besoin. Werner veut certes également en finir avec le système d’assurance sociale traditionnel. Dans son modèle, chaque citoyen doit recevoir un « minimum culturel ». « Suffisamment d’argent, de façon à pouvoir aller au cinéma de temps à autre, recevoir ses amis à dîner et participer à la vie sociale. » Il faut entre 800 et 1500 euros. Althaus, quant à lui, vise une hausse du salaire citoyen qui serait pourtant en dessous de Hartz IV [2]. À l’heure actuelle, un chômeur célibataire reçoit en moyenne 345 euros, plus, à Berlin par exemple, environ 360 euros pour se loger, soit plus de 700 euros.

Le « salaire solidaire citoyen » de Althaus n’a pas grand-chose à voir avec du romantisme social. « Au bout du compte, l’obligation de travailler organisée actuellement par l’État serait remplacée par une obligation de fait », critique Harald Rein, d’une association de chômeurs de Francfort. Pour les salariés de la classe moyenne, ce système aurait également des effets pervers. Certes, ils paieraient moins d’impôts et moins de taxes, mais ils dégringoleraient immédiatement dans l’échelle sociale en cas de perte de leur travail. De l’État-providence, il ne resterait, dans le cadre de la plupart des modèles de revenus de base, pas grand-chose. À cette idée correspond en effet le démantèlement de la « bureaucratie sociale  ». Cela ferait l’économie d’emplois administratifs - et créerait tout d’abord de nouveaux chômeurs. De nombreux services publics disparaîtraient, comme les jardins d’enfants publics, les relais pour l’emploi dans les ANPE ou bien les travailleurs sociaux dans les familles à problèmes. Dans les cas extrêmes, il n’y aurait plus que le paiement mensuel du revenu de base au guichet. Rien d’autre.

Le revenu de base doit également, selon ses partisans, conduire à ce que les gens travaillent pour moins qu’auparavant. Straubhaar [3] s’attend à une baisse sans précédent du niveau des salaires, qui permettrait d’augmenter le nombre d’emplois, pour conduire ensuite à une nouvelle hausse, plus modérée, des salaires. De ce point de vue-là, le revenu de base, à percevoir sans conditions, prépare surtout l’avènement d’un marché sans aucune réglementation. »


[1] Dieter Althaus, du parti chrétien-démocrate, la CDU, ministre-président de Thuringe.

[2] Paquet de mesures extrêmement contraignantes prises contre les chômeurs par les sociaux-démocrates.

[3] Thomas Straubhaar, économiste qui préside l’Institut Hambourgeois de l’Économie Mondiale (HWWI).


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