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AccueilJournalNuméros parus en 2007N°62 - Octobre 2007 > UNE REGULATION DU CAPITALISME EST-ELLE POSSIBLE ?

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Réflexion

UNE REGULATION DU CAPITALISME EST-ELLE POSSIBLE ?


Le capital cherche à réduire ses coûts, et donc, en priorité les salaires. Mais tout ira mieux ensuite (refrain connu), ou tout du moins c’est ce qu’essaie de nous faire croire le mirage libéral. Smith et Ricardo parlait “d’effets de ruissellement” : les capitalistes s’enrichiraient d’abord puis à force de s’accumuler les richesses devaient déborder et profiter à tout le monde. Cette analyse sert toujours de points de repères ou d’excuses pour les tenants d’une mondialisation qui soit la moins régulée possible, si possible par une OMC fantomatique et un FMI qui dresse des plans drastiques de réductions des dépenses publiques pour les pays pauvres, en échange d’effacement d’une partie de leur dette ceux-ci sont placés sous tutelle.


L’ennui, c’est que l’effet de ruissellement n’a pas lieu, c’est le contraire qui se produit : les écarts de richesses se creusent de plus en plus. S’il n’y a pas d’organisations de la lutte des classes, il n’y a aucune raison que les capitalistes redistribuent et cessent d’être avides. La faiblesse de Ricardo et Smith a résidé là : ils ont confondu l’aumône avec une politique de redistribution qui ne peut être que contrainte d’une part, car la cupidité des capitalistes n’a que les limites qu’on lui impose, et d’autre part ils n’ont pas voulu voir que l’armée de réserve constituée par les chômeurs et un lumpenprolétariat certes versatile mais bien obligé de bouffer, servirait de chantage pour l’ensemble des salariés et permettraient d’établir une pression constante contre la hausse des revenus (revenus : ce qui nous revient !)

L’auteur de la “Richesse des nations” se disait humaniste, et misait aussi sur l’humanisme des capitalistes. Qu’il y ait réellement crû ou pas, n’est pas le débat. La redistribution ne peut pas relever d’un bon vouloir des entreprises sous formes de primes, comme le réclament les partis libéraux-sociaux ou sociauxlibéraux-machins, l’immense « marais » européen dans lequel grouille toute légère variante de la même pensée unique. Une redistribution des richesses doit être organisée, à la base, par une connexion étroite entre politique et économie. Et dans le système actuel, une redistribution des richesses doit être contrainte, par le rapport de forces. Tout autre pensée, ou stratégie, confondrait les capitalistes avec d’aimables personnages d’une fiction hollywoodienne. Confronté à cette espérance creuse, totalement irréaliste : le capitalisme c’est des dizaines voir des centaines de millions de morts, c’est, actuellement, 1 milliard de personne qui vivent dans la misère absolue, et près de 4 milliards de pauvres selon des critères onusiens.

Il faudrait réguler et dompter le capitalisme. Deux voies semblent se dégager :

- redistribuer suffisamment de richesses dans chaque pays à une nomenklatura des classes moyennes supérieures ; en les achetant par des primes, il s’agit non seulement de dégager une garde prétorienne, un matelas de personnes derrière lequel les capitalistes peuvent se cacher - ils leur serviront de fusibles en cas de problèmes. Mais il s’agit, surtout, de créer une illusion : si chacun-e travaille plus, il gagnera plus par la promotion sociale... L’égalité des chances, etc. est tout simplement de la poudre aux yeux démentie par les faits : les Etats-Unis reconnaissent qu’il ont sur leur territoire 60 millions de personnes qui vivent sous leur définition du seuil de pauvreté, soit 25% de leur population et bien entendu, nous insistons : ce sont leurs chiffres, leurs définitions. Que doit être la réalité ?! L’égalité des chances c’est le rêve américain : peut être que vous ferez partie du 0,001% des gagnants, mais sinon ? L’égalité des chances c’est tout simplement un loto : dans tout jeu de hasard on a une chance, infime, de gagner ! ça, comme projet de société ?!

- l’autre illusion que les chiens de garde nous livrent en pâture, c’est ce qu’Alain Minc et d’autres appellent le développement du capitalisme patrimonial, face au capitalisme financier. Le capitalisme patrimonial, c’est chacun qui devient actionnaire, et/ou entrepreneur. C’est la création d’entreprise à un euro sous Chirac, les micro-entreprises, le développement de la démocratie en entreprise, etc. Ce discours peut séduire, notamment par exemple, des personnes qui auraient vécu les 30 dernières années dans une grotte sans moyen de communication... Revenons dans la réalité. L’Etat a des dépenses, l’Etat doit les financer par l’impôt. La pression fiscale qui s’exerce sur les SMICards ou quasi-SMICards, majoritaires ne suffit pas. Il est impossible de taxer, dans un seul pays ou dans un ensemble (Europe) les multinationales : chantage à l’emploi et aux délocalisations et le cas échéant, les capitalistes passent du chantage aux actes en délocalisant réellement ces entreprises.

Donc, reste les salariés, PME et les artisans comme source d’imposition majeure non seulement en France, mais dans tous les pays européens, qui, même s’ils dépensent moins dans le social, doivent payer les frais d’armées, de police, de prisons et de « justice » pour maintenir les population en laisse et pour continuer une guerre contre des bouc émissaires - sans papiers, gens du voyage, « marginaux » de tout poil et autres sans-domicile... La récente TVA sociale, défendue par le PS autrefois comme l’UMP aujourd’hui, le montre encore : hors de questions de prendre les richesses où elles sont ! L’orthodoxie libérale a encore des beaux jours devant elle. Apparemment.

Les Etats continuent leur politique ainsi : en lâchant, de temps à autres, du lest notamment en faisant quelques chèques pour certaines catégories lorsqu’elles se mettent à râler. Quant aux entreprises elles font miroiter des primes pour tous les salariés, et n’en lâchent que pour quelques-uns.

En cas de crise, les capitalistes lâcheront plus (« accords de Grenelle » en mai 68) et s’en iront chercher les richesses ailleurs tout en préparant le terrain à regagner, là où ils l’ont perdu. Mais le chantage marchera toujours : fin des années 90, les multinationales avaient une dette de 50 milliards d’euros vis-à-vis de l’Etat français (et on ne compte pas les collectivités territoriales), dettes impayées. On pourrait aussi parler de tous les « revenus indirects » : l’Etat finance les infrastructures pour accueillir les multinationales, baisse le coût des services publics pour elles (ex : ristournes massives d’EDF pour les grandes entreprises) ; les multinationales mènent la danse, et les Etats sont de bien piètres cavaliers...

Mais c’est bien dans cette capacité à lâcher du lest au bon moment, à toujours récupérer les modes et dominantes culturelles, que résident la capacité de survie et d’adaptations des multinationales. Elles baissent leur tarif au bon moment, pour permettre à des salariés de plus en plus pauvres d’acheter leurs produits, mais cette baisse ne peut être obtenue que par des gains de productivité (licenciements, pressions au travail) et des aides de l’Etat pour maintenir le niveau de salaire (toute forme de prime pour l’emploi).

Il n’existe pas de capitalisme à visage humain. Il faut reprendre aux capitalistes toutes formes de propriétés qu’ils ont accumulé et extorqué ces dernières décennies, et répartir les richesses, par la force si nécessaire.

Raphaël


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