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BIG BROTHER S’ENVOLE, LES GARDES-CHAMPETRES S’ELECTRIFIENT

DE NOUVELLES ARMES POUR LA POLICE


Après l’entrée en vigueur de la loi fixant des peines plancher pour les récidivistes, le mois de septembre avait vu tomber les premières peines de prison à l’américaine : deux ans ferme pour un parapluie volé dans une voiture ou pour quelques euros chapardés dans un distributeur de boissons. Et pour celles et ceux qui croyaient que les réformes ultra-libérales de la rentrée produiraient une accalmie dans le cycle répression-contrôle-répression, le mois d’octobre s’est révélé décevant car, au gouvernement, on n’est jamais en panne de réjouissantes idées pour taper sur la gueule de ceux et celles qui oublieraient de la fermer.


La première de ces idées géniales, les fans de nouvelles technologies viriles ont pu l’admirer au salon Milipol (le salon annuel de l’innovation flicarde et bidassière), il s’agit d’un drone aérien équipé d’une caméra de vidéo-surveillance, destiné à la surveillance des rassemblements, des manifestations et des zones « sensibles ». Mais, avant de parler plus en détail de ce nouveau joujou policier, attardons-nous un instant sur la manie de l’année au salon Milipol : mettre des caméras partout ! Dans les voitures (pour filmer l’intérieur de l’habitacle ou l’extérieur), dans des grenades (qui pourraient être lancées par les lance grenades des flics et qui retomberaient au bout d’un parachute en filmant tout ce qui se trouve dessous), dans des faux rochers (pour filmer les randonneurs ?) et même dans des fausses crottes de chiens (pour filmer qui ou quoi ? on se le demande encore), bref, on le voit, les docteurs folamour du sécuritaire ont aujourd’hui toute latitude, et les moyens nécessaires, pour donner corps à leurs projets les plus délirants. Or, Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, qui n’est pas insensible à la mode du moment, a justement annoncé que le nombre de caméras de vidéosurveillance installées en france triplerait d’ici à 2009 : c’est toujours un plaisir de voir le pouvoir politique et le pouvoir industriel marcher d’un même pas de l’oie, en se tenant par la matraque pour aller gaiement vers des lendemains qui chantent (la Marseillaise). Dans les prochaines années, on vous recommande quand-même de vous méfier des caniches qui défèquent sur le trottoir, il s’agira peut-être de fonctionnaires des renseignements généraux subtilement déguisés en train de lutter contre le terrorisme.

Mais revenons maintenant à ELSA, puisque c’est le nom de notre petit drone (pour « Engin Léger de Surveillance Aérienne »), de conception française, s’il vous plaît !, qui équipera la police dès 2008. Tout d’abord, une petite explication s’impose  : un drone, c’est un appareil automatisé ou télécommandé, de petite taille, généralement conçu pour des fins militaires (les premiers tests de drones on été effectués en 1938, en Allemagne nazie, sous forme de bombes planantes radio-guidées). Ce type d’appareil existe donc dans les armées occidentales, il a notamment servi en Irak, où des drones étatsuniens étaient utilisés pour trouver et lancer des missiles sur des Irakiens équipés de kalachnikovs, sans risquer la précieuse peau des trouffions de l’oncle Sam. Pas de confusion donc, avec les gentils droïds dorés de Star Wars qui balbutient n’importe quoi en se dandinant. En Angleterre, des drones aériens munis de caméras sillonnent déjà le ciel de Liverpool (où ils sont appelés « Little brother » par les habitants, en référence au dictateur « Big brother » dans le roman 1984). Ils servent à « détecter les comportements antisociaux » et à « rassembler des preuves permettant de traduire en justice les contrevenants » (selon Simon Byrne, chef-assistant de la police locale) et pendant ce temps, il semblerait qu’à Scotland Yard (le QG de la police de Londres), on réfléchisse à un système d’armement embarqué... L’Irak n’est pas loin...

Elsa, qui n’est pas encore armé, est donc pour le moment un sale petit mouchard volant, qui survolera à 150 mètres d’altitude les manifestations et les quartiers pauvres avec des caméras infrarouges capables de filmer des images dont la définition sera suffisante pour identifier les visages. Car l’objectif poursuivi est bien la surveillance des individus : « [Une des] utilisa - tions consistera, lors d’une manifestation par exemple, à en suivre le déroulement, à localiser des casseurs et à garder une trace des délits commis. » Ça, c’est Patrick Guyonneau, du service des technologies de sécurité au ministère de l’Intérieur, qui le dit. Ce qu’il ne dit pas, par contre, c’est que des tests de ce drone ont déjà été réalisés en Seine Saint-Denis depuis juillet 2006, et ce, à l’insu des habitants et des élus (on en profite pour signaler l’absence totale de la CNIL sur ce sujet). Notons enfin que lorsque Patrick Guyonneau parle des « casseurs  », il ne fait sans doute pas référence aux condés, qui, par leur simple présence, font que les petites vieilles se défenestrent, et on sera convaincus que décidement, sur l’aspect du flicage quotidien, un grand pas en avant vient d’être franchi. Un pas qui nous amène au niveau de ces régions hautement démocratiques que sont, par exemple, les territoires (toujours) occupés par Israël où l’utilisation de drones abonde, aux fins de surveiller en permanence les moindres mouvements des Palestiniens.

Mais puisqu’il s’agit là de « prévention  », passons maintenant à la répression... La deuxième nouveauté sympathique de ce mois d’octobre, c’est l’annonce par Michèle Alliot-Marie (encore elle) de l’autorisation donnée aux polices municipales d’utiliser le Taser. Bon, alors le Taser c’est un autre jouet policier utilisé Outre- Atlantique, ça ressemble à un gros pistolet en plastique noir sorti d’une panoplie de super-héros, sauf que ça permet de balancer une décharge électrique à un quidam, soit au contact (les flics ricains adorent), soit à distance en projetant des électrodes, la décharge étant destinée à « neutraliser » le quidam susmentionné. Le modèle « X26 », dernier joujou de la gamme, peut toucher un individu à dix mètres et lui envoyer une décharge de 50 000 volts (à peine 250 fois plus grave que de mettre les doigts dans la prise, en somme), ladite décharge pouvant, à elle seule, projeter la personne sur sept mètres. En bref, le Taser c’est une espèce de gégène portative et à distance, qui équipe déjà 3000 policiers et gendarmes et qui produit chez les flics qui l’ont testée sur eux-mêmes (les crétins), une « douleur atroce ». L’intérêt de l’arme, selon ses promoteurs, serait sa non-létalité (ça veut dire qu’elle ne tue pas) : elle constituerait par conséquent un substitut plus humain aux armes à feu. Alain Kelyor, maire UMP de Emerainville, en Seine-et-Marne, résume ceci avec une pédagogie digne de Robocop : « Entre un énorme trou dans le ventre et une paralysie de deux minutes, que choisissez-vous ? ». Or, selon Amnesty International, qu’on peut difficilement soupçonner d’être des partisans du désordre et de la criminalité, l’utilisation du taser est « une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant, voire de torture ». Mais on peut aussi douter sérieusement de la non-létalité du taser. Il est quand même étrange de constater que la première preuve de la non-dangerosité du taser, c’est la modification du décret du 24 mars 2000, qui excluait jusqu’ici de l’équipement des policiers municipaux le Taser, arme classée en 4e catégorie au même titre que le fusil à pompe ! Par contre, selon Alain Bauer (que l’on peut sérieusement soupçonner, lui, d’être un partisan de l’ordre et de la sécurité) : « Il est vrai que des décès ont été constatés mais il s’agissait de personnes ayant eu une insuffisance cardiaque et des problèmes médicaux ». À ce point de la réflexion, on aura compris que la caractéristique la plus intéressante du Taser, c’est que, quand quelqu’un meurt lors d’une interpellation musclée, c’est de sa faute (il a omis de signaler aux fonctionnaires de police ses problèmes de santé, le cachottier), comme Malik Oussekine qui, comme chacun et chacune le sait, n’est pas mort sous les matraques des voltigeurs mais bel et bien d’une crise cardiaque.

Entre les nouvelles armes, les premières utilisations des contrôles biométriques (dans les lycées ou les maternités), les renforcements des dispositifs sécuritaires, la guerre intérieure menée par le gouvernement contre les pauvres ne fait que se renforcer et l’hexagone de ressembler de plus en plus aux États-Unis.

Ian


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