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AccueilJournalNuméros parus en 2008N°65 - Janvier 2008 > LES SANS-ABRI CRÈCHENT DANS LA CRÈCHE 22 décembre 2007

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LES SANS-ABRI CRÈCHENT DANS LA CRÈCHE 22 décembre 2007



Samedi matin, rendez vous est donné pour le début de l’action. Les sans abris arrivent par petits groupes, en retard. La nuit a été difficile, le thermomètre est descendu jusqu’à moins 10. Objectif : s’introduire dans la cathédrale de Strasbourg et monter les tentes en déjouant le service de sécurité du lieu saint et les CRS de faction à l’extérieur. Le départ est don- ner par talkie walkie afin de coordonnée l’arrivée du groupe de SDF et la camionnette dans laquelle les tentes sont plan- quées. En un instant, le camion est déchargé, le groupe entre dans la cathédrale en se mêlant aux touristes. En quelques secondes les tentes sont montées sous le regard incrédule et paniqué de la sécurité. En moins d’une demi-heure, quel- ques pontes arrivent, un peu emmerdéEs de travailler un samedi matin, juste avant Noël. Panique à bord, la sous préfète au social est obligé de négocier devant les journalistes venuEs en nombre. A l’extérieur du grandiose monument s’étale le marché de Noël de Strasbourg dont Jean Pierre Pernault vante si souvent les mérites. Ce samedi, des centaines de milliers de touristes du monde entier foulent les trottoirs strasbourgeois dans une cohue mercantile indescriptible. Des mil- liers d’entre eux visitent la cathédrale. La CRS 37 venue filtrer l’unique porte d’entrée laissée ouverte (pour éviter toute nouvelle intrusion de SDF) provoque un immense embouteillage. La réaction des gens est contrastée, à l’image de la société, des plus fachos aux plus sympathiques. Morceaux choisis : Un homme d’un certain âge, le pas pressé et l’œil torve lance un discret « Racailles ! » en passant devant les tentes. Un autre, provocateur, interpelle « Pourquoi n’allez- vous pas dans une mosquée ou une synagogue ? ». Mais le pompon de la connerie ira à ce père de famille persiflant «  C’est une honte ! Pendant la semaine sainte ! Vous êtes des communissss ! Moi je travail, je suis artisan ! Z’ont qu’à faire comme moi ! Quand y aura la révolution, vous les gauchissss vous aurez des comptes à rendre ! Vous traumati- sez mon gamin ! Moi je sais qui est Staline, bande de communisss ! » Bon Noël mon gars et courage gamin...Pour rele- ver un peu le niveau des suisses romans ramènent quelques sandwichs qu’ils/elles distribuent aux sans abris après avoir discuté un bon moment avec eux. Des personnes âgées s’offusquent de la présence des flics « de tout temps il y a eu des policiers pour ce genre de travail... », le sous-entendu est fort. Beaucoup d’incrédulité aussi, de curiosité qui agace les SDF devant leur tente ayant l’impression de figurer des animaux dans une ménagerie ou une crèche vivante d’un nou- veau genre. Le dialogue est limité entre les sans abris et le public. CertainEs les prennent en photo. Auraient ils/elles osés, en pleine rue, faire la même chose ?

Pendant ce temps, les officiels négocient (font pression), promettent (mentent), lancent des chiffres (manipulent) mais les sans abris sont intraitables, les revendications sont claires et eux aussi connaissent les chiffres. La gêne des officiels et des flics est palpable. Le lieu est tout aussi symbolique que la date, les médias sont nombreux sur place et leur cœur va aux « sans ». La présence de milliers de croyants ou touristes ne permet pas d’utiliser la force. Soudain, la tension monte, trois SDF sorties pisser à l’extérieur sont bloqués par les flics. Nous prenons à témoin la foule qui grossie, empêchée de rentrer dans la cathédrale par le filtrage au faciès. La confusion naît chez les flics qui nous demandent de criez moins fort ! Ils lâchent l’affaire devant les regards désapprobateurs des touristes « merde c’est la maison du bon dieu quand même  ! ».

Vers 13h, nous remballons les tentes, miraculeusement (alléluia) 15 places ont été trouvées pour héberger convenable- ment les sans abris, la promesse est faite d’une trentaine supplémentaire en début de semaine. La piqûre de rappel aux autorités a fonctionnée avec une couverture médiatique massive. La municipalité débloque 4 véhicules de chtars pour accompagner les sans domiciles jusqu’à un foyer d’accueil. Mais ces derniers, comme un dernier pied de nez, refusent de rentrer dans les camionnettes de flics et obligent les officiels à partir à pied jusqu’au foyer...


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