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Regards sur la mobilisation contre la loi LRU

DE QUOI LA LRU EST-ELLE LE NOM ?

Le projet universitaire du candidat Sarko ?


Ecouter ce que nos ennemis disent, en comprendre le sens, et répliquer... Nous avons choisi d’ouvrir ce dossier avec une analyse éclairante du projet universitaire de Sarko, lue le 5 décembre par une étudiante de Paris 8 Saint-Denis lors d’une conférence-débat sur la loi LRU.


L’un des quinze engagements pris par Nicolas Sarkozy dans son programme présidentiel concerne l’université, il s’agit du 8ème engagement, il est intitulé : « gagner la bataille mondiale de l’intelligence  ». Cet engagement commence par un constat : « Nos établissements publics ne sont pas assez performants. » Le mot est lâché sans vergogne, dès les premières lignes. La LRU suivra.

Le constat se poursuit dans les paragraphes suivants :

« Nos université non sélectives sont sans autonomie, fictivement plaçées sur un pied d’égalité, obligées d’accueillir des étudiants mal préparés dont un sur deux échoue au bout d’un an, et encouragées à alimenter des filières d’enseignement sans débouché à la sortie. »

Tout est dit, tout est même écrit.

Ce que la LRU instaure est issu de ce constat, je le relis :

« Nos universités non sélectives sont obligées d’accueillir des étudiants mal préparés » [mais qui sont ils, ces étudiants mal préparés, qui les a mal préparés sinon l’éducation nationale, ne nous faisons pas d’illusions, ces étudiants visés, les mal préparés, sont en général les mals nés, les déjà exclus dès l’école, les pauvres en gros, ces pauvres que] « nos universités non sélectives sont obligées d’accueillir  ».

Ce que dit ce texte c’est :

Non aux étudiants en trop grand nombre et mal préparés (je vous le demande, qu’est-ce qu’un étudiant « préparé » ? préparé à quoi ? là est toute la question.) La réalité est que 50% des étudiants sont obligés de se salarier pour financer leurs études et que le droit au logement devient pour eux comme pour beaucoup d’autres un combat.

Ce que dit ce texte c’est :

Non à l’échec. Sauf que l’échec fait partie intégrante de la vie, et que ce qui est ici appelé échec peut aussi recouvrir l’hésitation d’un étudiant entre deux matières, deux disciplines, c’est-à-dire la recherche dans son essence : le droit à l’erreur. La recherche sans rentabilité immédiate. Kafka écrivait qu’il fallait un nombre incalculable de prototypes défaillants pour produire un seul écrivain, un seul poème. Disant cela il introduisait le droit à l’erreur, le droit au risque, y compris celui de l’échec, comme dynamique même de la pensée. La recherche fait partie de l’échec et l’échec fait partie de la recherche. Ce n’est pas Proust qui nous contredira.

Ce texte dit encore :

« Non aux filières d’enseignement sans débouché ».

Mais qu’est ce qu’un « débouché » pour un philosophe, un étudiant en lettres, en sociologie, en art ? (excepté l’enseignement) ? la LRU ne va quand même pas nous forcer à travailler dans la publicité ou aux ressources humaines des entreprises ?

Si, ils vont le faire si nous ne nous battons pas. Nicolas Sarkozy est malheureusement l’un des seuls présidents qui applique son programme, et fait ce qu’il dit.

Je continue l’analyse de ce texte, de cet engagement présidentiel, dont voilà la suite :

« En laissant cette situation perdurer, nos jeunes, et à vrai dire le pays tout entier, ont été mis en grave danger : il ne faut pas chercher beaucoup plus loin la raison des difficultés d’insertion professionnelle des jeunes, ni celle de leur départ en masse à l’étranger, ni celle de l’immense sentiment de frustration de ceux qui restent, ni celles de nos difficultés économiques. »

Voilà, c’est dit : L’université, ou plutôt, la mauvaise gestion de l’université, serait la source de tous les problèmes en France..... chômage des jeunes, révolte des banlieues, économie en général, déficit, crise. Il faut quand même oser l’écrire mais surtout, au-delà, il faut oser prendre au sérieux ce texte, ces mots de notre président, ces mots du pouvoir, et surtout la pensée qu’ils recouvrent. Parce que c’est cette pensée là, cette vision là du monde, de l’université, du travail, de la vie, que ce pouvoir est en train d’imposer, avec tout l’arsenal juridique qui permettra désormais à cette pensée de régner.

La deuxième partie de l’engagement propose en effet les mesures qui seront le remède à son constat : ces mesures, c’est la fameuse loi d’autonomie des universités ou LRU.

Dans ce paragraphe sobrement intitulé « L’autonomie des universités », il est dit que :

« Nous alignerons les moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche sur ceux de nos concurrents. » (Où l’on peut répondre à l’Unef qu’il n’a rien gagné que ce qui avait déjà été décidé par notre tout puissant président, dont on peut constater la tendance à acheter les mouvements).

« Avant la fin de l’été 2007 une loi aura réformé la gouvernance des universités et créé un statut d’autonomie pour les universités volontaires qui leur permettra de diversifier leurs ressources, de recruter des enseignants et des chercheurs et de moduler leurs rémunérations, de gérer leur patrimoine et de passer des contrats blabla bla avec des acteurs de la vie économique locale, bref, (et c’est là que ça devient intéressant) de se battre dans la compétition internationale des établissements d’enseignement supérieur avec les mêmes armes que leurs concurrents. »

La rhétorique guerrière est de mise sous la présidence de Sarkozy, et c’est déjà en soi un signe inquiétant. Mais, appliquée à l’université ou comme en titre, à l’intelligence, à la pensée, la rhétorique guerrière, capitaliste, concurrentielle, révèle son vrai visage. Celui de la bêtise. Celui de l’oppression par la bêtise, l’abrutissement. En effet, la rhétorique guerrière ne peut pas s’appliquer à la pensée. Car la « bataille de l’intelligence  » ne se gagne pas. Ou sous une toute autre forme que celle rêvée par Sarkozy et au sein d’une toute autre « gestion », puisque c’est de gestion qu’il s’agit. Gagner la bataille de l’intelligence c’est écrire « Un coup de dés jamais n’abolira le hazard », ce n’est pas trouver un travail, obtenir un diplôme, ou servir le capital. Je rappelle que Mallarmé exécrait son travail de professeur, parce qu’il l’empêchait d’écrire. Nous n’en sommes même plus là : de nos jours ce sont nos travails de vendeurs au Mac Do qui nous empêchent d’étudier.

L’université ne doit pas être un terrain de chasse, il ne doit pas y avoir de « concurrence » entre les chercheurs, les étudiants, les professeurs, mais au contraire un rapport d’intérêt commun, une émulation et une joie partagée dans la recherche et l’invention - joie que ne connaît pas la concurrence, ou alors sous sa forme triste du chacun pour soi, quand L’INTELLIGENCE, L’ENTENDEMENT, LA PENSEE n’appartiennent à personne, ne sont et ne doivent pas être des biens privés.

C’est ainsi que nous, étudiants, disons non à la privatisation de l’université qui, si les mots étaient employés selon leur sens et non selon celui que l’on veut leur faire revêtir, devrait être le nom de cette loi. Les étudiants répondent à la LRU, à l’esprit de la loi :

Nous, étudiants, ne sommes pas des machines en formatage, l’intelligence n’est pas et ne doit pas être subordonnée à l’Etat, surtout pas à celui-ci, ni aux entreprises, surtout pas à celles-là, les étudiants refusent l’augmentation des frais de sélection à l’université et l’orientation à l’issue de la terminale. Nous refusons cette orientation à laquelle le gouvernement Sarkozy et ses alliés du medef veulent nous soumettre, orientation qui viendrait dire à chacun à quel métier il a droit de prétendre, à quelles études on le soumettra.

Etudier n’est pas une soumission, c’est un choix.


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