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AccueilJournalNuméros parus en 2008N°67 - Mars 2008 > MOBILISATION LE 5 AVRIL

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solidarité avec les immigrés

MOBILISATION LE 5 AVRIL

Liberté de circulation et d’installation - Régularisation des sans-papiers - fermeture des centres de rétention


Nous avons demandé à un militant de la FASTI (fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés) de nous donner son sentiment sur la situation actuelle. Le 5 avril sera une étape importante pour la mobilisation, mais c’est bien dans des gestes de désobéissance et d’entraide quotidien que se construit la solidarité contre la politique xénophobe du gouvernement.


1) depuis plusieurs mois des mobilisations locales ont lieu contre les expulsions. Une mobilisation hexagonale est prévue pour le 5 avril, peux-tu nous en expliquer les raisons  ?

L’idée, c’est de faire une journée nationale contre des différentes attaques concernant l’immigration. La dernière fois qu’il y a eu une manifestation nationale d’importance comme celle-ci, c’est en Mai 2006 contre la deuxième loi Sarkozy. Depuis, que de modifications !! Outre le passage de la loi Sarko 2, une autre loi, Hortefeux cette fois-ci, l’année suivante ; la création d’un ministère puant (immigration, codéveloppement identité nationale et intégration), des attaques chaque jour de plus en plus importantes sur l’ensemble des droits des plus précaires et donc des sans-papiers, la politique du chiffre sur les expulsions....C’est pourquoi le collectif national et ses délégations locales UCIJ (Uni-es Contre une Immigration Jetable) a décidé d’organiser une journée nationale d’action. Il y a urgence a montrer notre mobilisation face à cette lame de fond réactionnaire. Le dernier coup de canif en date, c’est l’annonce de la possible suspension (officiellement pour cinq ans) de la possibilité d’accès à la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte de parents Sans-Papiers. On voit bien que l’on est dans une modification en profondeur du rapport à l’immigration dans la société. Le gouvernement appuie là dessus, réorganise complètement tous les repères sociétaux qui indiquaient peu ou prou l’appartenance de la population immigrée à la société (un accès au soins, un accès à la nationalité...) Tout ceci est remis en cause à l’heure actuelle. Sous couvert de faire de « l’intégration », le gouvernement discrimine totalement la population immigrée ou supposée comme telle du reste de la société civile. L’objectif du 5 Avril, c’est de retrouver la dynamique d’opposition qui existait lors du passage de la loi Sarkozy 2, de lutter pied à pied contre ces nouvelles lois et ce partout où cela est possible.

2) Un projet européen est discutée actuellement sur le passage de la rétention de 30 jours à 18 mois, où en est-on et quelles mobilisations européennes à ce sujet ?

Le vote de cette nouvelle directive a été plusieurs fois décalé au sein du parlement européen. Aux dernières nouvelles, il semblerait que cette directive soit votée en Mai ou Juin de cette année. Il n’y a malheureusement que très peu d’espoir d’avoir une surprise dans ce vote. La France avec ses 32 jours de rétention est un OVNI dans l’Europe. Le reste des pays est plutôt sur la base de 18 mois, deux ans voire une durée illimitée de la mise en rétention. Donc il n’y aura, à mon sens, aucune bataille d’idées lors de ce vote puisque la quasi majorité des pays sont sur des durées de rétention largement supérieure à la française. De ce fait, cette directive fait surtout « du bruit » en France. La journée européenne d’action a certes été relayée en Belgique, Allemagne...mais c’est surtout en France que les cortèges ont été les plus nombreux. De plus, en France, nous étions à un moment où les personnes dans les Centres de Rétention se mobilisaient, revendiquaient, faisaient des grèves de la faim.... De ce fait, il y avait une certaine dynamique, ce qui a permis d’avoir plusieurs milliers dizaines de milliers de personnes dans la rue ce jour là en France. Localement cela c’est traduit par 1 000 personnes à Nantes et 2 000 à Rennes ; ce sont des grosses manifestations pour nous. Nous remettons cela d’ailleurs le 8 mars à Rennes l’après midi et à Nantes le matin sur les centres de rétention de ces deux villes. Nationalement nous commençons à réfléchir à une journée de manifestation devant le parlement européen pour tenter de contrer cette directive, sans grand espoir malgré tout.

3) avec la politique du chiffre de Hortefeux, les centres de rétention ne désemplissent pas. Et les révoltes en leur sein se sont développées ces derniers mois. Certains disent qu’il y a une “industrialisation” de la rétention, qu’en penses-tu ?

On est sur une politique du chiffre, et donc il y a un certain besoin de « rationalisation » de l’expulsion. On sait par les chiffres et les statistiques de ces dernières années qu’à peu près un tiers des personnes qui entrent en rétention sont réellement expulsées. Donc cela veut dire que si Sarko veut 28 000 expulsions en 2008, il doit prévoir d’arrêter 84 000 personnes. Cela nécessite des lois adaptées pour pouvoir arrêter autant de monde. Ce volet est en place : arrestation au faciès, injonction aux policiers de faire du chiffre, élargissement par les procureur des moyens de contrôle d’identité sans justification dans des zones définies....Pour la partie enfermement, Sarko peut compter sur son ami Bouygues pour l’aider à avoir des centres de rétention un peu partout en France. On est ainsi passé de 780 places de centre de rétention en 2002 (début du ministère de l’intérieur Sarkozy) à 15000 places en 2007(fin de son ministère). Je ne sais pas si on peut dire qu’il y a industrialisation de la rétention, en tout cas, il y a réflexion et « optimisation des moyens » pour une augmentation du chiffre d’expulsés. Le dernier volet, ce sont les accords de ré-admission passés entre la France (et plus largement l’Europe) avec les pays d’Afrique. Sous couvert d’aide au développement, on oblige les pays du Sud à accueillir les Sans-Papiers expulsés de France (et plus largement d’Europe). Il y a donc, c’est vrai une véritable « filière » de l’expulsion qui s’est installée. Avec en prime des marchés qui s’installent : le marché de la construction des centres (celui-ci, il est pris par Bouygues) mais également le marché de la surveillance et de l’expulsion en elle-même. Le Ministère de l’Intérieur réfléchit depuis des années à intégrer des compagnies privées de surveillance des centres de rétention et de faire appel à des personnels non étatiques pour accompagner les expulsions.

4) On remarque une fois encore que, lorsque le pouvoir a des difficultés, la démagogie reprend ses droits ; l’immigration redevient un thème de prédilection avec appui médiatique à la clef -le mardi 12 février une rafle dans un foyer avec l’intervention de 400 policiers et 105 personnes déférées au tribunal- et la mémoire des enfants juifs morts en déportation être instrumentalisé par Sarkozy. Hasard du calendrier ? Ou volonté de renforcer les discours communautaristes et d’aiguiser les ressentiments entre communautés ?

C’est clair que l’on est dans la politique de l’arbre qui cache la forêt. Officiellement, la rafle du 12 février était destinée à attaquer les « marchands de sommeil ». Résultats des courses : plus de 100 arrestations de Sans-Papiers. Pas un mot sur les marchands de sommeil...CQFD. L’opération à Villiers le Bel en est un autre exemple : quand on patauge dans les sondages, une petite piqûre de tout sécuritaire fait toujours son petit effet. Sauf qu’en faisant cela, on stigmatise des populations, à grand renfort de couverture médiatique en plus, et de fait, on renforce une certaine tendance à la communautarisation. Avec une annonce par jour, sur des dossiers mal ou même pas préparés Sarko commenceà se prendre les pieds dans le tapis qu’il a lui même placé. Sa volonté d’occuper le terrain en permanence lui fait faire des bourdes. L’annonce concernant les enfants juifs est consternante. Au delà de l’absurdité d’une telle annonce, ce qui frappe, c’est qu’elle est réalisée en dehors de toute consultation préalable du monde enseignant, de pédopsychiatres...On est dans la politique spectacle et le larmoyant. Sarko est en difficulté, il brandit les enfants juifs en pensant que sur ce terrain personne ne peut l’attaquer sans passer pour un antisémite. Sauf que cette recette ne marche pas en ce moment. Malheureusement cette méthode peut fonctionner de nouveau. Sarko a bien été élu, par une large majorité de personnes. Ce qui a fait qu’il était populaire à ce moment là peut très bien revenir, la population est tellement instable politiquement. Plus grave, d’après moi, c’est que même pendant la période de difficulté que connaît Sarko à l’heure actuelle, la réaction populaire ne s’organise pas. Il n’y a pas de mouvement de masse. Ah oui pardon, j’oubliais qu’on était en période électorale.

L’annonce de la limitation de l’accès à la nationalité à Mayotte participe du même phénomène. Le ministre n’a pas hésité à parler " d’invasion " en toute impunité. C’est vrai quoi, Mayotte, c’est loin, on s’en fiche un peu ici en métropole...Sauf que Mayotte est une île française. Donc sur le territoire de cette fameuse république dont on nous rebat les oreilles en permanence, il y aurait des zones où on serait un peu moins français que d’autres ? Je suis cynique quand je pose cette question. Les territoires d’Outre Mer sont profitable à la France principalement pour faire décoller des fusées et avoir des richesse premières et des zones d’influence militaires. Pour ce qui est de la population de ces territoires... lisez l’extrait de l’article qui suit paru dans kashkazi n°69, il raconte ce qui se passe à Mayotte.

Images de déjà vu à Maore. Méthodes policières que l’on pensait oubliées avec les départs du lieutenant-colonel Guillemot -qui réinventa en 2006 les rafles villageoises d’envergure sur le territoire- et du procureur Guy Jean -celui qui dégainait les réquisitions pour les opérations de contrôle d’identité plus vite que son ombre, même à 2 heures du mat’. Elles n’étaient en fait que suspendues. Le début de l’année 2008 a ainsi vu les autorités renouer avec la "répression- spectacle".

Mercredi 16 janvier, aux abords du marché de Mamoudzou, des dizaines d’hommes en bleu quadrillent la zone. Près de 80 gendarmes et policiers sont mobilisés pour cette vaste opération de contrôle d’identité. "A croire qu’on est dans un état en guerre", se plaint un passant. 106 personnes seront interpellées en quelques heures ; plus de 60 feront l’objet d’une reconduite à la frontière. "Nous avions décidé de frapper un grand coup contre les vendeurs à la sauvette", indiquera plus tard M. Carratero, responsable de la Police aux frontières (PAF) de Maore. De plus en plus nombreux aux alentours du marché, ces vendeurs en situation irrégulière développent, selon Patrice Martinez, commandant de la gendarmerie, "une concurrence déloyale vis-à-vis des marchands [qui payent leur patente]". En parallèle à la lutte contre l’immigration clandestine, cette descente a ainsi permis "de recueillir des éléments sur les sources d’approvisionnement de ces vendeurs", poursuit M. Martinez. Les principaux intéressés, eux, ont du mal à s’en réjouir. Le représentant des commerçants s’est ainsi plaint, sur Télé Mayotte le soir de cette opération, "de cette chasse au clandestin" qui, selon lui, "n’a aucun effet si ce n’est de faire fuir nos clients" -qui sont en grande majorité des sanspapiers- et "ne sert qu’à faire croire que l’Etat agit". Pour l’opération séduction des Mahorais, c’est raté.

Deux jours plus tôt déjà, les forces de l’ordre n’avaient pas fait dans la dentelle : au petit matin, des dizaines de gendarmes se sont positionnés dans le village de Mzouazia, au sud de Maore. "Il y avait une trentaine de véhicules", se souvient un habitant du village. "C’était très impressionnant. Ils se sont positionnés vers 3 heures, et ont débuté les contrôles vers 4 heures, lors de l’appel à la prière. Ils ont raflé tout le village." Plusieurs dizaines de sanspapiers ont été arrêtés. "Cette opération a été lancée en réponse à une hausse de la délinquance", informe M. Martinez. Comme pour l’opération du marché de Mamoudzou, "nous avons mutualisé nos moyens comme cela se fait en mer".

Une pratique spectaculaire appelée à se développer, selon M. Carratero, alors que les objectifs chiffrés de 2008 devraient se rapprocher de ceux de 2007 (initialement fixé à 12.000 reconduites à la frontière, l’objectif a été largement dépassé, puisque plus de 16.000 personnes, dont 2.000 mineurs, ont été expulsés vers Ndzuani). "Nous allons de plus en plus travailler ensemble [gendarmerie, PAF et autres services comme la police municipale, ndlr] pour des grosses opérations", indique le responsable de la PAF, "dans le but de marquer les esprits et d’avoir un meilleur ciblage".

Si cette option n’est pas nouvelle -en 2006 déjà, le lieutenant-colonel Guillemot avait développé les rafles villageoises, qui avaient provoqué la fuite dans les hauts de nombreux sanspapiers pendant plusieurs jours- elle alerte les associations qui luttent pour que les droits des étrangers soient respectés. Ainsi à Mzouazia, plusieurs témoins évoquent des portes fracturées et des interpellations à l’intérieur des foyers. "Je les ai moi-même vus défoncer les serrures et rentrer dans les maisons", soutient un habitant, qui a photographié les portes défoncées. D’après lui, "ils ont dit à une femme qu’ils ont amenée avec son bébé : ’Toi tu es la première sur la liste à cause du ramdan que font tes copains mzungu [afin de l’aider à obtenir des papiers]’".

M. Martinez nie ces infractions comme à chaque fois que des agents travaillant sous sa responsabilité sont accusés. Selon lui, "lors de chaque opération, nous agissons sur ordre du Procureur de la République, et nous rappelons les procédures aux gendarmes. Les seuls motifs qui nous permettent de rentrer dans un domicile sont une invitation ou un appel au secours". Un discours qui ne convainc pas les militants associatifs, selon lesquels "les forces de l’ordre sont prêtes à tout pour faire du chiffre". Pour preuve : les cas de violation de domicile se multiplient. Outre Mzouazia, à Choungui, plusieurs témoins certifient que les gendarmes ont pénétré dans une maison pour interpeller un sans-papiers. Sans autorisation, bien sûr. Pis : en Petite Terre, une femme a été arrêtée dans sa propre chambre par le cousin -un gendarme- de son mari. Entré en tant que cousin, sorti en tant que gendarme, voilà un procédé digne du déguisement des fourgonettes de la PAF en taxi -technique développée en 2005. A quand l’appel des autorités à la délation  ? pourrait-on se demander dans un excès de colère irréaliste. Qu’on se rassure, c’est déjà fait. A des femmes voulant empêcher des enfants d’Anjouanais d’accéder à leurs classes de maternelle, à Ouangani les gendarmes ont conseillé de "lutter différemment" contre l’immigration clandestine, en utilisant la voie légale, comme, par exemple : la dénonciation des propriétaires qui hébergent des "clandestins". Mussolini était un génie.

Depuis le début de l’année, plus de 1.500 personnes (dont des enfants) ont été officiellement renvoyés -en un mois !- sur une île dont plusieurs centaines ont fui les exactions de la gendarmerie. Dans le même temps, le nombre de cartes de séjour refusées à des adultes qui y auraient droit est hallucinant, certifient les associations. Ainsi, le nouveau credo préfectoral pourrait être celui-ci : "La politique du chiffre, faut qu’on la voie ! (à condition d’en taire les excès)". Interrogé sur ce sujet par nos soins, le préfet Vincent Bouvier nie officiellement toute exaction. En coulisses, il reconnaît timidement qu’il peut y avoir des abus -"on n’est pas parfait" dit-il. Faut-il en déduire que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins ?


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