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AccueilJournalNuméros parus en 2008N°68 - mai juin juillet 2008 > Dix ans de collaboration militaro-policière entre la France et le Mexique

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No queremos presos politicos, sino politicos presos !

Dix ans de collaboration militaro-policière entre la France et le Mexique


Voilà dix ans qu’ont été signés les premiers accords officiels sur la collaboration policière franco-mexicaine. Le Mexique est, comme chacun sait, une grande démocratie avec un méchant peuple. Il faut donc qu’un Etat avancé comme le nôtre l’aide à réprimer, à torturer, à tuer, à faire disparaître la canaille révolutionnaire... euh, à lutter contre le narcotrafic. N’allez pas croire que cela soit intéressé, l’Etat est neutre, et ce n’est qu’un malencontreux hasard si les entreprises d’armement qui profitent de cette belle entente démocratique transnationale sont françaises. Le plus beau, c’est que vous participez vous-mêmes à cette oeuvre civilisatrice, par le biais généreux d’une partie de vos impôts. Vous n’en payez pas ? Il reste la TVA, afin que tous et toutes puissent participer.


En 1986, une délégation du Service de Coopération Technique Internationale de Police a été ouverte au Mexique, à l’initiative du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua. Le 12 novembre 1998, à Mexico, Jacques Chirac signe avec le président mexicain E. Zedillo un accord bilatéral de « coopération des polices et de coopération technique en matière de sécurité publique  ». En découle en 2000 un décret présidentiel français contresigné par Jospin et Védrine qui « établit des programmes pour former le personnel de sécurité publique [mexicain] (...) à l’accès et l’uti - lisation, le cas échéant, des signaux de satellite » (qui permettent d’écouter les communications téléphoniques captées par les satellites français Hélios et Syracuse). Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur pendant que la police française apportait l’assistance de ses «  experts » pour réprimer les mouvements populaires mexicains à Atenco et à Oaxaca en 2006. Il offre à l’actuel Président du Mexique Felipe Calderon l’aide d’une « police scientifique » ; démarche utile au marché français de la biométrie et des nanotechnologies.

Le Mémorandum de la France au Comité d’Aide au Développement du 24 janvier 2006 permet de mieux comprendre la « philosophie » de cette collaboration  : « renforcer ou constituer des unités spécialisées dans le maintien de l’ordre », « en synergie avec la politique d’améliora - tion de la justice de proximité dans les quartiers sensibles français  ». Cette formule digne du 1984 de George Orwell montre que l’idéologie sécuritaire joue dans ce micmac un rôle aussi important que l’appât du gain engrainé par le marché des armes. Dans son bulletin Noticias de Francia (1999) l’ambassade de France à Mexico annonce qu’« un groupe d’experts français [assistera] des corps de police, parmi lesquels la PFP, en matière de transfert technologique, échange de données et formation ». La PFP (Police Fédérale Préventive) est réputée pour sa violence (c’est elle qui a réprimé à Atenco et à Oaxaca). Quant à l’armée, « les échanges entre les armées françaises et mexicaines » auront été marqués, outre quelques guignolades grandiloquentes et maritimes, par le « courant faible mais régu - lier d’officiers mexicains dans les écoles françaises », notamment le Collège interarmées de défense. Là sont enseignées depuis un demi-siècle les subtilités de la « guerre révolutionnaire », ainsi les « méthodes contre-insurrectionnelles » développées et mises en pratique en Indochine puis en Algérie avant d’être exportées - et particulièrement en Amérique latine dans les années 70. L’accord de collaboration policière Chirac- Jospin-Védrine permet à la France de fournir « le matériel et l’équipement nécessaires pour être utilisés et maniés par le personnel en formation ». Cela expliquerait la similitude de l’équipement des flics de la PFP avec celui de nos CRS et gardes mobiles.

Ce même texte souligne « la valeur des conditions financières proposées » par la France au Mexique  : « les actions prévues par le présent accord sont réalisées dans la limite des disponibilités budgétaires de chacune des parties ». Pour permettre au gouvernement mexicain d’acheter de l’armement (fabriqué en France), une partie du programme est donc à la charge de l’État français. C’est Lagardère, Matra, et probablement Dassault qui encaissent. Les frais de transport et de séjour des spécialistes de la « guerre révolutionnaire » sont aussi à notre charge. Entre janvier 2001 et décembre 2005, l’Union européenne a vendu au gouvernement de Vicente Fox plus de 243,5 millions d’euros d’armement varié. En 2005, le gouvernement de Vicente Fox a quasiment multiplié par trois, par rapport à 2004, l’achat d’armes à la France, qui est passé de 12 à 34 millions d’euros. Le conseil des ministres du 12 septembre précise que sur les 56 millions d’euros livrées au Mexique, 48 millions d’euros (85 %) venaient de France.

Les bénéfices ne sont pas seulement financiers  : le rapport de la « Mission effectuée au Mexique du 20 au 28 février 1999 » par des représentants de la commission des affaires étrangères du Sénat (!), indique que le « nouvel élan » donné ainsi aux relations franco-mexicaines se manifeste également par « une grande convergence de vues sur les questions internatio - nales ». Comment s’acheter, sur le sang du peuple mexicain, une voix de plus au gouvernement des Nations unies... Au niveau institutionnel, de nombreuses choses ont été faites par Amnesty International, par la CCIODH, une commission civile internationale, des parlementaires... Si bien que quand le Mexique a voulu acheter des armes à la Belgique, le gouvernement belge a bloqué la transaction. Mais quand en mai 2007 les partis Verts et Izquierda Unida au Parlement européen ont proposé une « réso - lution urgente » concernant la vente d’armes au Mexique, les parlementaires du Parti populaire espagnol et du Parti socialiste européen ont empêché par leur veto que cette question soit inscrite à l’ordre du jour.

Des choses ont donc été faite sur le plan institutionnel, mais comme on voit, ça ne suffit pas. Alors, que chacun-e choisisse ses modes d’action dans un esprit d’unité et de complémentarité : lutter aux côtés des zapatistes ou des « lutteurs sociaux » de Oaxaca doit signifier lutter ici même contre « notre » Etat et « nos » multinationales.


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