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Contre Darcos et la casse du service public

AGIR, DESOBEIR


Le démantèlement du service public est une oeuvre qui a démarré il y a une vingtaine d’années. Mais ces dernières années, la libéralisation de l’ensemble des services n’a fait que s’accélérer sous l’égide de Sarkozy et Fillon. En effet, une fois l’Éducation nationale dégraissée, comme aurait dit Allègre, il ne restera plus rien de ce qu’on a appelé l’État social. À celui-ci se sera substitué l’État pénal et policier pour contrôler et réprimer les quartiers populaires, les désobéissants et les dissidents du monde capitaliste. La précarité sociale et économique sera devenue la Norme et rien n’échappera à la marchandisation, à la compétition, à la guerre de tous contre tous.


La destruction de l’Éducation nationale va-t-elle arriver à son terme ? Lorsqu’en novembre, les étudiant-e-s et les lycéen-ne-s se sont mobilisés contre la loi sur l’autonomie des universités, peu de voix s’étaient jointes au mouvement pour dénoncer ce qui était en train de se jouer. Comme le stipulait un écrit de Positive Entreprise d’aoûtseptembre 2007, la question est de changer l’image de l’entreprise dans les facs, et de promouvoir l’idéologie libérale qui est encore trop peu valorisée par les enseignements et les professeurs. Pour y répondre positivement, le gouvernement, en accord avec ces thèses, va encore renforcer l’enracinement de l’université dans son environnement territorial et socio-économique, consacrant l’entrée de l’entreprise dans le domaine de l’éducation aussi bien par la nomination au conseil d’entreprise « d’au moins un chef d’entreprise ou cadre dirigeant » que par le recours au mécénat d’entreprise. Le président d’Université voyant s’accroître ses pouvoirs, devenant en quelque sorte le PDG d’Université. Après deux mois de lutte acharnée sans aucun soutien, de répressions policières, les étudiants et lycéens ont dû retourner sur les bancs de l’école.

Mais cette « réforme » n’était qu’une des cibles du gouvernement. À terme, c’est bien tout le système éducatif qui doit passer à la moulinette de l’idéologie libérale. Et en février, c’est au tour de l’école élémentaire d’être dans le collimateur des néo-libéraux. Sans concertation aucune sont adoptés entre autre la fin du samedi, le « retour » aux fondamentaux, la fin des RASED1, etc. Tout ceci au nom de la lutte contre l’échec scolaire... Le passage en force va-t-il réussir là aussi ? D’anciens ministres de l’Éducation nationale comme Jack Lang ou Luc Ferry sont en désaccord sur le contenu, mais la mobilisation syndicale reste centrée autour des questions d’effectifs et de la suppression de dizaines de milliers de postes. Le texte « Consultation sur le projet de programme ARGUMENTAIRE UNITAIRE » signé par 19 associations2 fin février alerte sur les conséquences de la réforme tout en demandant une nouvelle concertation.

VENT D’OUEST CONTESTATAIRE

Dans la Loire-Atlantique, le 3 mai, près de 2000 personnes se rassemblent contre la réforme Darcos et notamment contre les programmes. Pendant plusieurs semaines, des débats et des rencontres entre parents, instituteur-rice-s et structures pédagogiques se sont déroulées dans le département pour culminer le 24 mai avec plus de 10 000 manifestant-e-s sous une pluie battante, représentant presque la moitié des personnes descendues dans la rue ce jour-là dans l’hexagone. On peut se poser la question : comment se fait-il que le travail d’explication et de sensibilisation entrepris dans le 44 ne l’ait pas été ailleurs ? Comment se fait-il que le texte signé par les 19 associations n’ait pas donné lieu dans les autres départements à une même volonté de mobilisation ?

Il est certain que l’action des parents d’élèves (avec la FCPE3 ou non) a grandement favorisé ce mouvement. Le lien avec les instituteur-trice-s lors des occupations d’écoles par les parents d’élèves a permis de débattre et de discuter du contenu des réformes.

Ceci est un point essentiel. En effet, cette lutte se caractérise par le refus d’un enseignement rétrogade (les manuels de 2008 pouvant se comparer à ceux de 1923) et qui veut faire de chaque élève un mouton docile. Au-delà de la question financière et budgétaire, du problème des fermetures de classe, etc. qui sont bien sûr présents, c ’est bien ce qu’on veut inculquer aux enfants qui est récusé ; c’est un engagement politique au sens plein du terme  ; c’est le refus de voir se concrétiser encore un peu plus une école qui renforcera les exclusions des enfants des quartiers populaires comme l’a souligné Antoine Prost (historien de l’éducation) : « J’attends qu’on m’explique comment des programmes plus copieux contri - buent au resserrement sur les fondamen - taux, et comment on apprend plus et mieux en travaillant moins ». D’ailleurs, c’est étonnant que Sarkozy qui ne parle que de « Travailler plus pour gagner plus » fasse le contraire avec l’école !!!

RÉSISTANCE = EXISTENCE

Dans des dizaines d’écoles du département, des banderoles, des tracts, des pancartes ont été confectionnés, de multiples actions ont été faites (à la raffinerie de Donges, à l’Inspection académique, diffs sur des ronds-points, etc.) qui ont créé de nouveaux liens et des rencontres entre tou-te-s les acteur-rice-s. Et c’est bien une fois encore dans le mouvement, dans la grève que l’on a pu expérimenter, agir sur notre quotidien et être en capacité en s’associant de dire non, de sortir de l’isolement et du sentiment d’impuissance face à la régression généralisée. La capacité de s’organiser (avec et en dehors des syndicats de profs ou de la FCPE) a permis d’acquérir une certaine marge d’action vis-à-vis des structures comme le démontre la « Nuit des Ecoles  » du vendredi 13 juin4.

Loin d’être résignées, même si le gouvernement fait la sourde oreille (comment pourrait-il en être autrement, d’ailleurs ?), et malgré le peu d’attention des médias qui occultent souvent les raisons de fond pour focaliser sur le problème des suppressions de postes, les assemblées générales font toujours salle comble. Ne pas perdre les acquis du mouvement et travailler à l’élargissement de la mobilisation sont des enjeux des semaines à venir. En effet, c’est une action d’ampleur, de désobéissance active à la rentrée qui est en préparation et cela doit être hexagonal pour instaurer un rapport de force avec le gouvernement. En créant des espaces communs de débats et d’actions, en étant capables de garder une autonomie vis-à-vis des partis politiques par des structures d’organisation horizontale, ce mouvement ouvre la porte à d’autres ripostes et à un réengagement collectif pour revendiquer la socialisation de l’ensemble des services publics : SNCF, Sécurité sociale, La Poste, etc.

La victoire du libéralisme n’est pas inscrite dans une loi naturelle, comme voudraient nous le faire croire la Droite et même la Gauche, rangée derrière l’idée selon laquelle rien ne peut échapper à la marchandisation du monde. Comme l’a si bien dit Lucie Aubrac : « Résister est un verbe qui se conjugue au présent », et de notre engagement individuel et collectif dépend cette possibilité de ne pas voir se perpétuer un système mortifère, où seuls comptent le profit et la concurrence, où pendant que certains se gavent avec leurs stock-options, leurs salaires mirobolants de PDG, d’autres en bavent avec leur précarité et leur salaire de misère. Ce monde, on n’en veut pas, ni pour nous, ni pour nos enfants, ici ou ailleurs et il n’est pas question qu’on leur enseigne cette philosophie de la vie où L’homme est un loup pour l’homme.

Cette lutte pour une vision émancipatrice de l’éducation, les questions sur quelle école pour quelle société sont autant de signes sur des interrogations plus larges, sur la possibilité de changer son destin quand on le prend en main. Jusqu’alors, chacun s’est battu dans son coin sans voir que le plan d’attaque était général ; il est vrai que les syndicats, par leur dispersion et leur désunion n’ont pas donné les outils pour contrecarrer l’offensive. Et dernièrement encore, leurs journées de mobilisation espacées n’ont eu comme effet que de décourager et d’éparpiller les mécontentements. Parce que l’Éducation nationale est le dernier secteur où une riposte convergente peut encore faire reculer le gouvernement, il faut rappeler que l’avenir appartient à celles et ceux qui luttent ! ■

1 RASED : Réseau d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté. 2 Le 28 février dernier, 19 organisations se réunissent et décident d’écrire un texte commun sur le projet de programme du primaire : AFEF, AGEEM, AIRDF, CEMEA, CRAP, FCPE, FOEVEN, Francas, GFEN, ICEM, JPA, Ligue de l’enseignement et USEP, OCCE, SE-UNSA, SGEN-CFDT, SI.EN-UNSA Education, SNUipp-FSU, SNPI-FSU. 3 FCPE : Fédération des Conseils de Parents d’Élèves des Écoles Publiques. C’est la fédération de parents d’élèves la plus implantée dans l’hexagone. 4 Nuit des écoles : http://nuit.des.ecoles.over-blog.com


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