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Réforme des services de renseignement

Sarko lave ses grandes oreilles


Annoncée en septembre dernier, la réforme des services de renseignement policiers devient effective fin juin 2008. Avec, au programme, la fusion des RG et de la DST, au profit de la seconde. Rapide aperçu d’une réforme qui dépasse de loin l’argument technique avancé par le gouvernement...


Jusqu’à présent, la police nationale disposait de deux principaux services de renseignement : les Renseignements Généraux (RG) et la Direction de la Surveillance du Territoire (DST).

L’expression « Renseignement généraux  » apparaît dès 1911, mais le service n’est vraiment structuré que sous le Front populaire, en 1937, quand est créée une «  Direction des services de renseignements généraux et de la police administrative », qui devient en 1938 « Inspection générale des services de renseignements généraux et de la police administrative ». Après la seconde guerre mondiale, la mission se précise : il s’agit principalement de récolter de l’information sur les acteurs et l’actualité sociale et politique afin d’assurer un maintien de l’ordre efficace. Plus une mission de surveillance des établissements de jeux et des champs de course - mission au contenu politique marginal, mais importante au regard des sommes d’argent en jeu... La DST, quant à elle, est créée en 1944, dans un contexte de guerre puis de guerre froide : il s’agit à l’origine de protéger les intérêts de l’État contre les menées de puissances étrangères, en clair : le contre-espionnage. D’abord concentrée sur le contre-espionnage militaire, la DST intègre à partir des années 1970 de nouvelles missions : contre- espionnage civil, « intelligence économique », autrement dit contreespionnage industriel et, bien sûr, lutte contre le terrorisme. Si l’activité des RG est l’objet de nombreuses polémiques, que dire alors de celle de la DST ? Pas grand- chose... pour la bonne raison qu’elle est classée « secret défense ». Ce qui, bien sûr, est déjà tout un programme de barbouze !

La nouvelle entité, créée par fusion des RG et de la DST, mais aussi de la Sous- Direction Anti-Terroriste de la police judiciaire (SDAT), regroupera 5 000 flics et s’appellera « Direction Centrale du Renseignement Intérieur » (DCRI). Elle sera basée rue de Villiers, à Levallois-Perret - qui, ça ne s’invente pas, est la ville pilote en France pour la vidéosurveillance et le fief de Balkany (UMP), par ailleurs condamné pour corruption. L’argument avancé par le gouvernement est technique  : il s’agit de rationaliser l’activité de renseignement, d’éviter les enquêtes en doublon et d’assurer une meilleure communication entre services concurrents, en particulier en termes de croisée des fichiers. Et, rien qu’à ce niveau, il y a déjà des inquiétudes à se faire pour l’avenir - puisque, comme chacun sait, la séparation des pouvoirs est la meilleure garantie de la liberté. Mais surtout, dans la police comme dans l’industrie, une fusion ne profite pas à tout le monde. Or, ici, ce sont les RG qui sont les grands perdants, et la DST qui impose sa logique - celle du contre-espionnage et de l’anti-terrorisme. La DCRI se débarrasse en effet d’une partie des missions des RG : les 100 flics chargés de surveiller les «  courses et jeux » intègrent la PJ. Environ 400 RG de province, chargés de suivre les manifestations et les voyages officiels, seront versés dans les services départementaux d’information territoriale rattachés aux préfectures. De même, exit la mission que les RG s’étaient eux-mêmes fixés au début des années 1990 pour assurer leur légitimité après la fin de la guerre froide et le recul de la contestation politique, et qui fit tant pour attiser le vent sécuritaire : la veille sur les quartiers populaires, la lutte contre les « violences urbaines », les «  bandes » et les « incivilités ». Cette activité est rapatriée au sein de la Direction centrale de la sécurité publique. Et, au passage, exit Joël Bouchité, l’actuel patron des RG : la DCRI sera dirigée par Bernard Squarcini, actuel dirigeant de la DST et proche de Sarkozy (qui l’a nommé à ce poste le 27 juin 2007).

La DCRI est organisée en quatre départements  : le contre-espionnage (ex DST), l’anti-terrorisme (ex DST, SDAT, RG), l’intelligence économique (ex DST) et la contestation sociopolitique (ex RG). À lire cette énumération, il est évident que la DST donne le ton, et assure sa mainmise sur le renseignement policier - à l’exception, notable, de Paris, où les 700 membres des RG restent rattachés à la Préfecture de police, véritable « maison dans la Maison » Poulaga. Reste que la suprématie désormais bien établie de la logique DST laisse présager un durcissement de l’activité, d’autant plus inquiétant que, de fait, la contestation se trouve ici rapprochée du terrorisme et de l’espionnage comme autant de « menées subversives  ». Autant dire qu’il s’agit d’un pas de plus dans l’assimilation de la contestation politique à l’ennemi intérieur, à la cinquième colonne et à l’anti-France : un pas de plus vers une démocratie blindée où la frontière entre différence, déviance et guerre civile se fait de plus en plus floue.

Alf


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