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Hugh, o Pratt !


Avignon, ses remparts et, bien sûr, son festival, incontournable pour le monde du théâtre. Pendant trois semaines, près de 1000 spectacles différents par jour se succèdent à un rythme effréné dans tous les espaces de la ville qui peuvent accueillir des spectateurs. Mais bon, c’est l’été et ses dizaines de festivals, et puis on est invité, alors pourquoi ne pas aller y faire un tour ? Et j’ai eu raison d’accepter l’invitation  : accueillie par une partie de l’équipe de Manuel Pratt (connaissais pas, entendu parler, mais moi les humoristes c’est pas trop mon truc) j’ai eu accès à ses différents spectacles présentés au festival - et aux coulisses de celui-ci.


D’abord ses spectacles d’humour : deux « best-of » de ses one man shows. Un humour corrosif et irrespectueux, un peu dans la ligne de Hara Kiri ou Charlie Hebdo première manière. L’acteur s’adresse à son public comme à des potes, détourne l’actualité, nous raconte des tranches de vies, pendant une heure et demie, il s’attaque à tout et à tout le monde. On rit de tout ou presque et quand on grince des dents, l’acteur désamorce parfaitement. Il n’y a jamais de méchanceté, mais forcément, ses paroles ne sont pas toujours faciles à entendre. Quand on aborde les tabous de la société, il faut s’attendre à déranger : de la pédophilie à Ingrid Bétancourt en passant par les handicapés, exit le politiquement correct. Comme disait l’autre, on peut et on doit rire de tout, et tant pis pour le bon goût... si comme ici c’est en bonne compagnie.

Mais il ne faudrait pas réduire ce talent à l’humour : la pièce Morceaux de la valse des hyènes, par exemple, révèle une autre facette de son oeuvre et la clé pour le comprendre. Manuel nous livre ici ses souvenirs d’enfance, entre une grand-mère juive qui lui raconte la Seconde Guerre mondiale et un père toujours absent et qui, les rares fois où il est là, revit la guerre d’Algérie. Entre l’école catholique, où il découvre la religion sans trop rien y comprendre, et ses vacances dans le sud entouré d’un clan de gitans, l’acteur nous refait découvrir la vie avec les yeux d’un enfant, drôle et sensible. Jusqu’au jour où, à douze ans, il est plongé de force dans le monde des adultes injustement et brusquement, beaucoup trop brusquement. Et là tout vacille, il nous emmène avec lui vers le monde adulte où l’enfance est loin, très loin, trop loin même pour l’enfant de douze ans qu’il était. Une pièce grave à la suite de laquelle il faut du temps pour encore supporter la vie. Et aussi quelques mouchoirs.

Mais l’auteur écrit aussi du théâtre «  documentaire » : après une pièce sur la guerre d’Algérie, une sur la peine de mort, il présentait cette année Sacco et Vanzetti  : l’affaire. Deux acteurs sur scène, dans une pièce qui porte un regard décalé sur cette fameuse affaire de répression politique, ici appréhendée à travers les débats des juristes : Manuel Pratt dans le rôle du procureur et Jean-Marc Santini dans le rôle de l’avocat de la défense. Où le droit n’est bien entendu qu’une porte sur l’histoire et le politique, permettant de mettre en scène de façon à la fois précise et distanciée les enjeux réels du procès...

Et enfin une petite pause dans ce festival à 100 à l’heure : dans une petite cour ombragée, Joëlle Domecq nous lit des nouvelle tirées de Chutes libres, recueil écrit par Manuel Pratt. Des textes dans l’esprit de Roald Dahl, qui naviguent entre drame et absurdité, dans une atmosphère d’ironie désespérée à la Kafka. En émerge une comédie humaine nouvelle époque, entre mariage et enterrement, en passant par les salons de coiffure ou le viol : itinéraires de contemporains pas trop gâtés.

Bref, un auteur et une compagnie talentueuse, joyeusement irrévérencieuse, trop honnête pour rentrer dans le cirque de l’art contemporain ; vous ne l’entendrez pas à la radio (enfin, vous ne l’entendrez plus, il a été un temps chroniqueur sur fRance Inter avant de se faire lourder pour manque de conformité consensuelle), vous ne le verrez pas à la télé, le seul moyen de le voir : allez au théâtre des qu’il passe près de chez vous !

Plus d’infos : http://ciemanuelpratt.free.fr/


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