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AccueilJournalNuméros parus en 2008N°71 Novembre-Décembre 2008 > SARKO UBER ALLES

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Renseignements

SARKO UBER ALLES


Après la création de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) le 1er juillet 2008, placée sous la direction d’un proche de N.S., Bernard Squarcini, la réorganisation des services de renseignement se poursuit. Deux orientations se confirment : la concentration du pouvoir dans les mains présidentielles, et le ciblage de l’activité policière contre la menace « islamiste » - soit, pour le gouvernement, contre le monde arabe et contre l’activité utilement floue du « terrorisme ».


Après le renseignement intérieur, c’est au tour du renseignement extérieur d’être réorganisé. Rien d’aussi grande ampleur que pour le renseignement intérieur, mais une cascade de nouvelles nomination lourdes de sens. Le 1er août, la Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD) est confiée à Didier Bolleli : officier parachutiste, celui-ci était depuis 2006 en charge de la direction des opérations à la DGSE, un des postes cruciaux des activités secrètes de l’État. Pour mémoire, la DPSD, créée en mai 1981 en remplacement de la Sécurité militaire, compte environ 1470 membres (3/4 armée, 1/4 police), et est chargée de la sécurité des personnels, matériels, et des informations relatives à la « défense » - avec tout ce que la notion de « défense » peut avoir de flou, et donc (si besoin d’Etat) d’englobant.

La Direction du renseignement militaire (DRM, créée en 1992 après la guerre du Golfe) voit le 1er septembre 2008 la nomination de Benoît Puga. Cet ancien officier parachutiste de la légion étrangère, connu pour être un catholique très pratiquant, a été entre 2004 et 2007 à la tête du commandement des opérations spéciales à l’étatmajor, et à ce titre impliqué dans les opérations en Afghanistan. Une fois encore, le monde « arabo-musulman », le « terrorisme  »...

La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, créée en avril 1982, succède au SDECE, Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) passe à Erard Corbin de Mangoux. Celuici, qui appartient au corps préfectoral, est un proche de N.S. : sous-directeur de l’administration générale et des finances à la Direction de l’administration de la police nationale (1999-2004), il a ensuite été de secrétaire général de la préfecture des Yvelines (2004-2006), directeur des services du département des Hauts-de-Seine, fief de N.S. (2006-2007), enfin depuis 2007 conseiller présidentiel... pour les affaires intérieures ! Eh oui, un « expert » de l’intérieur pour diriger le renseignement extérieur : on ne peut pas être plus explicite sur le rapprochement via le renseignement du maintien de l’ordre et du contre-espionnage. Comme pour la DCRI, le message est clair : tous les services à la botte personnelle de N.S., et tous ensemble, par tous les moyens possibles, contre un ennemi informe, à la fois intérieur et extérieur - le « terrorisme », entendez «  toute tentative de subversion ». La clé de voûte de cette réforme d’ensemble des services de renseignement est la création d’un organe de coordination entre tous les services de renseignement, à l’intérieur comme à l’extérieur. Jusqu’à présent, cette coordination était de la responsabilité du Premier ministre, via le Secrétariat général de la Défense Nationale (SGDN) où siège le Comité interministériel du renseignement (CIR). Depuis cet été, elle est assurée par le Conseil national du renseignement (CNR), basé directement à l’Elysée - histoire d’être sûrs et certains que tout passe par N.S., qui de toute évidence n’a jamais assez de pouvoir.

La nomination à la direction du CNR de Bernard Bajolet est elle aussi significative. Il s’agit en effet d’un diplomate de carrière, spécialiste du monde arabe. Il a été ambassadeur à Amman (Jordanie, 1994-98), Sarajevo (Bosnie, 1999-2003), Bagdad (Irak, 2003-2006) et Alger (depuis 2006), et a tissé de nombreux liens avec la Direction de la sécurité du territoire (DST, désormais intégrée à, et dont l’expatron chapeaute la DCRI). Le sens politique de cette nomination est clair, et renforce la logique perceptible dans l’organisation de la DCRI : la menace vient du monde arabe (ou musulman, c’est quasi synonyme pour l’État), et le renseignement étatique est prioritairement tourné contre le « terrorisme » - parmi les multiples champs d’intervention imaginables, la lettre de mission de Bajolet ne mentionne explicitement que la « lutte contre le terrorisme ».

Et la question demeure : qu’est-ce que ce fameux « terrorisme » ? Bien sûr, on pense immédiatement aux réseaux islamistes
- quoiqu’on voie mal en quoi les talibans afghans menacent l’ordre intérieur de l’hexagone. La rhétorique des grévistes « preneurs d’otages » que nos gouvernants déploient depuis plusieurs années indique une autre voie, que confirme la note de service du ministère de la « justice » du 13 juin , qui assimile la mouvance dite « anarcho- autonome » au terrorisme et lui fantasme une échelle internationale. Le terrorisme, c’est toute organisation et toute activité politique qui ne passe pas par les voies de la logique élective / représentative, c’est toute volonté de subversion du système étatique ou capitaliste, voire toute tentative de contestation du bon vouloir princier.

Chaque semaine un peu plus, « l’hyperprésident  » nous démontre qu’il est, ou en tout cas qu’il veut être un « monarque républicain », un souverain qui règne et dirige au-dessus de toute loi et de tout principe. Un adepte du « coup d’Etat permanent  », selon la formule mitterrandienne qui n’a jamais été autant d’actualité, qui enterre non seulement toute perspective d’émancipation, mais aussi les rares acquis de la démocratie libérale et de l’État de droit, les rares éléments qui les distinguaient des États autoritaires : un certain respect a priori des libertés individuelles et collectives, civiles et civiques.

Alf


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