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AccueilJournalNuméros parus en 2009Janvier-Février 2009 Numéro 72 > Comment le terrorisme devient un outil de manipulation

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Comment le terrorisme devient un outil de manipulation


Depuis plusieurs mois nous assistons à une violente offensive étatique contre les militantEs radicaux. Les arrestations spectaculairement médiatiques du groupe de Tarnac a permis un début de polémique quant aux méthodes utilisées pour écraser toute résistance politique. La manipulation de l’opinion publique au travers d’attentats terroristes est un risque majeur. Le terrorisme est un outil de manipulation dont peut se saisir un gouvernement afin de créer un sentiment d’insécurité qui justifierait ensuite des mesures de restrictions des libertés individuelles et collectives.


Dans son introduction, la brochure Mauvaises intentions, l’outil « antiterroriste » et la « mou - vance anarcho-autonome » daté de mai 2008 explique : « Depuis quelques années, la figure du terroriste reprend du poil de la bête et, mondialement, cela fonctionne à merveille.(...) L’irrationnel prend alors, dans l’imaginaire collectif, le dessus sur toute analyse politique. Un vieil épouvantail est agité depuis les élec - tions présidentielles de 2007 : les “auto - nomes”. Police et médias accolent l’éti - quette “mouvance anarcho-autonome”, réduisant ainsi à un réseau organisé, tout un ensemble diffus d’idées et de pra - tiques libératrices... ». Cette campagne de répression des opposants et de manipulation de l’opinion publique, menée par l’État avec, à sa tête, Alliot-Marie et sa police, dispose d’un relais considérable grâce à la presse bourgeoise, qui s’alarment d’une « résurgence » du « terro - risme » de l’« ultra-gauche » et reprend allègrement le discours policier faisant des liens entre le groupe « terroriste » Action Directe et les activistes d’aujourd’- hui. Le très pénible Christophe Bourseiller peut ainsi reprendre du service et sauter d’un plateau télévisé à l’autre pour effrayer le quidam.

L’idée, bien entendu, est de pouvoir réprimer de manière plus systématique, plus durement, ceux et celles qui entreprennent de lutter contre l’État, ses représentants et le système économique qu’il défend. Il en est ainsi des opposants aux politiques sur l’immigration et aux centres de rétentions. L’affaire de Fontenaysous- Bois où, le 19 janvier 2008, deux militants sont incarcérés pour « associa - tion de malfaiteurs » « détention et transport de produits incendiaires ou explosifs en vue de commettre des des - tructions ou des atteintes à la personne » et refus de se soumettre aux empreintes digitales, ADN et aux photos, en est un exemple. Connus des ex-Renseignements généraux, ils paient pour leurs activités militantes. Ils avaient fabriqué des fumigènes et transportaient des clous tordus, certainement pour crever des pneus. La presse, fidèle écho des versions policières, titre « les anarchistes transportaient une bombe en kit. »

Moins médiatique, les antifascistes radicaux sont aujourd’hui dans la ligne de mire de la police : en deux jours, à Pa ris et en banlieue parisienne, on compte trois cas de mise en garde à vue pour des durées allant de 24 à 36 heures, et deux perquisitions de domiciles avec de forts déploiements policiers. Le prétexte de cette vague de répression est déjà ancien : ces trois personnes sont soupçonnées d’avoir participé à des actions antifascistes au cours du mois de mai dernier, ayant permis d’empêcher coup sur coup une manifestation où se retrouve la fine fleur des fascistes français et un meeting du groupuscule néofasciste des Identitaires.

LE TERRORISME D’ÉTAT, UN PRIVILÈGE ?

La France et son gouvernement ont, par le passé, expérimenté le terrorisme d’État. On se souvient de l’affaire du Rainbow Warrior, bateau de Greenpeace dénonçant les essais nucléaires et dynamité par les faux époux Turange, membres des services secrets français. L’attentat terroriste coûta la vie à un passager. Selon le juge Gilbert Thiel, « en droit français, on définit le terrorisme par le mobile. Il peut s’agir de dégradations par explosif, d’homicides, d’extorsions de fonds ou même de vols s’ils sont « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». C’est-à-dire si ces crimes ou délits ont été commis en connaissance de cause au nom ou pour le compte d’une organisation terroriste. » L’État français est-il un État terroriste ?

Le gouvernement socialiste espagnol de Felipe Gonzalez, a également été impliqué, via le Groupe antiterroriste de libération (GAL) dans l’élimination physique de 37 personnes soutenant ou appartenant au mouvement nationaliste basque ETA. Dans les deux cas, notons une relative clémence de l’appareil judiciaire. Au même titre que les États pratiquent sans grands risques le terrorisme le plus violent, les politiciens décident de qui est « bon terroriste » et qui ne l’est pas.

ARNAQUE À TARNAC

Mercredi 12 novembre, Libération titre : Sabotage du réseau TGV, l’ultragauche déraille. Après quelques temps d’accalmie, l’offensive reprend. « L’opéra - tion de ce jour a été rendue possible par le travail de renseignement effectué à ma demande depuis plusieurs mois par la Direction centrale du renseignement inté - rieur » annonce Alliot-Marie. Une vingtaine d’arrestations, dix gardes à vue et l’annonce du démantèlement d’un groupuscule « d’ultra-gauche mouvance anarcho- autonome ». Le sabotage de caténaires de la SNCF ne pouvait pas entraîner de déraillement de train, juste provoquer des dégâts importants selon un expert cité dans ce même journal. Cela suffit pourtant à agiter un spectre de menace, à attiser la paranoïa et à instrumentaliser l’événement. La conférence de presse du procureur de la république de Paris, Jean-Claude Marin3, est particulièrement éloquente. Voici quelques extraits commentés : « Il y a une sorte de noyau dur, composé de cinq personnes, qui va se voir demain reprocher par le parquet, pour l’un d’entre eux, le fait d’être le dirigeant d’une structure à vocation terroriste. Je vous rappelle que ce crime est puni de vingt ans de réclusion criminelle. »

Dans une interview recueillie par Patricia Tourancheau, le juge d’instruction antiterroriste parisien Gilbert Th i e l4 revient sur le fond et la forme : « Le mode opératoire comme l’utilisation d’ex - plosifs ne suffit pas à incriminer en terro - risme, pas plus que le simple fait de poser une bombe. Sur la SNCF, je ne peux répondre, s’agissant d’une affaire en cours. Mais je rappelle que le procureur, aussi magistrat soit-il, n’est pas un juge. Et qu’il appartient au juge d’instruction seul d’examiner les charges et de dire si oui ou non des actes de sabotage s’inscri - vent ou non de façon globale dans des visées à caractère terroriste. Le fait d’em - merder le monde et d’occasionner un pré - judice financier n’est pas suffisant pour caractériser une démarche terroriste. Dans tous les cas, il revient au juge et à lui seul de déterminer, à travers les écrits retrouvés en possession des mis en exa - men, si tel ou tel groupe entend déstabili - ser l’État, c’est-à-dire imposer ses vues par la violence. Sinon, le juge antiterroriste peut changer son fusil d’épaule, se décla - rer incompétent, au profit d’un juge de droit commun. » Dès lors, il devient évident que le magistrat, profitant de la soumission des médias, a outrepassé son rôle, désignant par avance les suspects comme des « terroristes ».

« Vous savez que les perquisitions ont amené la découverte d’un certain nombre d’éléments comme des pinces coupe boulons, comme des manuels relatifs à l’action violente, comme des guides sur le réseau. » Tremblez militantEs ! Évitez les lectures séditieuses. Fini Blanqui ou Mesrine, même en édition originale. Jetez vos brochures, brûlez vos bibliothèques, l’État contrôle vos lectures. Tremblez, ouvriers et paysans ! Vivre sur le plateau des Millevaches et posséder un coupe boulon vous désigne de fait comme appartenant à une « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Tremblez voyageurs et voyageuses ! Posséder des guides sur le réseau (terroriste ?) fait de vous des suspectEs potentiels. Mieux vaut arriver en retard !

« Enfin, ce n’est pas une preuve mais un élément de contexte supplé - mentaire, le comportement en garde a vue de ces cinq personnes, notamment refusant de répondre à toutes les ques - tions y compris et pratiquement sur leur identité, sur le cursus, sur leur implication bien entendu. Leur refus de se prêter à toute recherche de police technique et scientifique montre des gens déjà ancrés dans un parcours de marginalisation et d’opposition. » Ce n’est pas une preuve...mais pardon, il semble que la conférence de presse ne mentionne aucune preuve. Un faisceau d’éléments tout au plus et encore, y adjoindre un comportement de « margi - nalisation et d’opposition » pour refus de collaborer avec la police après une arrestation pourrait faire sourire les militantEs si les accusations n’étaient pas aussi graves, le sort des inculpéEs si préoccupant, la manipulation politico-médiatique si inquiétante et les pratiques policières si brutales... « Euh, il n’est pas exclu que se groupe ai envisagé des actions plus violentes et notamment contre des per - sonnes. »

Il faudra attendre le 2 décembre pour que la cour d’appel de Paris ordonne la remise en liberté sous contrôle judiciaire de trois des cinq incarcéréEs. Ils/elles restent mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entre - prise terroriste » tandis que Julien Coupat et sa compagne sont accuséEs de « direc - tion d’une entreprise terroriste et destruc - tion en réunion à visée terroriste » et «  association de malfaiteurs ». Solidarité avec les militantEs inculpéEs !

Tricotin


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