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> Janvier-Février 2009 Numéro 72
> L’antiterrorisme ou la terreur integree
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Entretien avec Serge QuadruppaniL’antiterrorisme ou la terreur integreeEn 1989, Serge Quadruppani a écrit un livre intitulé L’antiterrorisme en France ou la terreur inté - grée (Ed. La Découverte). Il revenait sur différentes affaires dont celle de Black War* qui avait vu la police de Pasqua arrêter une vingtaine de personnes avec grand ramdam médiatique sur le retour des autonomes, les descendants d’Action directe dans l’entre deux tours présidentielle, tous relâché dans les 30 heures. Nous lui avons demandé en quoi y a-t-il des similitudes et des différences entre ces deux périodes.
La différence, c’est que même Pasqua, d’après ce que j’ai lu, a dit, après le juge antiterroriste Gilbert Thiel, que les sabotages de caténaires n’étaient pas du terrorisme. En introduction de mon livre, j’écrivais, à propos de l’instrumentalisation du « terrorisme » : « le citoyen notera quand la politique a manoeuvré à des fins partisanes, quand la justice a consacré une régression du droit, quand les médias ont déliré ou menti, quand l’un de ces pouvoirs a manipulé l’autre ou quand les manipula - tions se sont croisées. Et le citoyen, en sa logique, aura raison à chaque fois de s’éle - ver contre les dérapages des institutions, et d’invoquer l’idéal démocratique contre la démocratie réelle (comme on dit le “socia - lisme réel”). » Puis j’invitais ceux qui, « comme moi, continuent de penser qu’une société sans Etat et sans argent est possible et souhaitable », à une réflexion commune que je puis traduire ainsi aujourd’hui : à quelles conditions notre activité peut-elle se développer dans les démocraties de marché sans devenir une puissance étrangère à nous-mêmes ? Quelles formes doivent prendre nos attaques pour éviter d’être facilement transformées en épouvantail utilisé ensuite pour imposer la terreur étatique contre les pratiques et les idées anticapitalistes radicales ? Ces questions peuvent être reprises aujourd’hui à la lumière de l’échec du cirque antiterroriste monté par la ministre de la Police le 11 novembre, aux dépens de quelques habitants de Tarnac, Rouen et autres lieux. Même si, à l’heure où je te réponds, Yldune Lévy et Julien Coupat restent incarcérés, au vu de l’ampleur des réactions suscitées, avec ces comités de soutien de New York à Moscou en passant par la Dordogne et la Sorbonne, avec ces prises de position du Gotha de la pensée universitaire radicale, de la LDH et même d’élus de la gauche institutionnelle, avec ces journaux qui, comme Libération (trois pages à l’épicier de Tarnac après avoir titré « l’ultra-gauche déraille ») ou Médiapart (excellentes vidéos, après avoir été porte-voix de la police), ne savent plus quoi faire pour se faire pardonner leurs premiers emballements, après tout cela, on peut d’ores et déjà affirmer que l’opération lancée par MAM a foiré. Plus personne de censé ne songe à mettre dans le même sac des sabotages de caténaire et le terrorisme. A part ceux qui ont une confiance aveugle dans la justice et la police de leur pays (ça fait encore un peu de monde, mais une minorité quand même...) tout le monde a relevé l’absence complète de preuves sérieuses contre les inculpés. Outre le caractère délirant de la construction policière (mais il y en a eu d’autres aussi délirantes qui, à d’autres époques, on fonctionné), je vois deux raisons à cette foirade. Et ces raisons permettent d’esquisser une première réponse à la question « quelle forme doivent prendre nos attaques ». Ceux qui ont saboté les caténaires, en choisissant d’éviter soigneusement de mettre en danger la vie humaine, ont facilité le travail de la dérision, face à l’extravagance de l’incrimination terroriste. Il y a aussi le fait qui a été très important dès les premières heures, que les interpellés de Tarnac étaient très liés à la population locale, et avaient tissé des relations sociales non formatées dans une activité à ciel ouvert. C’est grâce au soutien des gens du cru que
l’épouvantail médiatique a été si vite
démonté. Ne pas se couper des rapports
sociaux quotidiens (au contraire de ce que
fit, par exemple, AD), et éviter de confondre
la subversion avec la guerre sont deux des
points essentiels d’une action qui refuse sa
réduction au « terrorisme ». On ne le répètrera
jamais assez : la terreur n’est pas une
arme révolutionnaire, c’est TOUJOURS
l’arme d’un Etat ou d’une force qui aspire à
devenir un Etat.
Sinon, si on compare ce qui s’est passé avec
ce que j’ai analysé dans mon livre, on retrouve
les mêmes mécanismes :
L’inquiétude de Sarkozy, qui a contraint Darcos à retirer son projet pour les lycées, n’est qu’un symptôme, juste un peu plus hystérique vu le personnage, de l’angoisse qui monte dans les classes dirigeantes. La jeunesse de Grèce et celle d’Italie ont, chacune à leur façon, montré au monde que la résignation n’était pas de mise face à la crise de gouvernance déguisée en crise financière. Ni dérive militariste, ni légalisme paralysant, c’est entre ces deux écueils que nous devons tracer notre route. http://quadruppani.samizdat.net/ quadruppani.blogspot.com |
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