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AccueilJournalNuméros parus en 2009Janvier-Février 2009 Numéro 72 > Bienvenue en Europe !

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Bienvenue en Europe !


L’année 2008 aura été une des années les plus intenses en terme de discussions et d’accords européens en matière d’immigration. A travers le pacte européen et la directive retour dite “ directive de la honte ” on a aussi pu prendre conscience du point de la France en matière de “ gestion des flux migratoires ”. Petit retour sur une année charnière également pour les organisations de défenses des sans-papiers. (des ponts pas des murs, forum euro-Afrique du Maroc, forum social des migrations...)


On le savait déjà, un des premiers actes de politique commune en Europe s’est fait sur le dos des personnes étrangères. Il s’agit de la Convention de Dublin de 1991, puis celle de 1994 qui acte que le premier pays de l’espace Schengen traversé est le pays qui instruit la demande d’asile. Déjà à l’époque, l’Europe sait qu’elle va s’étendre, à terme, vers l’est et donc l’idée générale de ce texte est de faire en sorte que les pays les plus riches de cet espace européen en pleine création soient « protégés » et « supportent » de moins en moins le prétendu poids des personnes en demandes d’asile sur leurs territoires respectifs. Après plusieurs sommets européens en la matière (Nice, Tampere, Madrid) l’Europe, doucement, harmonise ses pratiques et met en place ses premiers dispositifs communs :
- fichiers SIS (système Informations Schengen dans lequel sont répertoriées le nom et les empreintes de toutes les personnes interdites de séjours dans l’Union ;
- fichiers VIS (VIsas Schengen) concentrant toutes les attributions de visas au niveau de l’espace Schengen ;
- Eurodac permettant de répertorier les empreintes des personnes entrantes et sortantes non volontairement de l’espace Schengen
- Frontex (police européenne aux frontières de l’Europe-il faut prendre le terme de frontière au sens large et même très large puisque Frontex est présente par exemple à la limites entre les eaux internationales et mauritaniennes pour stopper les « passeurs » en pirogue).

Avec la directive retour, l’Europe franchit un cap supplémentaire. Elle met en place une rétention pouvant atteindre 18 mois pour des personnes dont le seul délit est de vouloir vivre en Europe et instaure une interdiction pour 5 ans de revenir en Europe pour toutes les personnes renvoyées. Cette directive stigmatise les sans-papiers et les transforme en délinquants à exclure. C’est la généralisation d’une politique d’enfermement des personnes étrangères qui devient le mode normal de gestion des populations migrantes.

Ce texte a fait beaucoup parler de lui car il s’inscrit également au début de la période durant laquelle la CIMADE, seule organisation en France accréditée pour intervenir en centre de rétention pressent que son autorisation ministérielle va être remise en cause. Décidément, 2008 restera comme l’année des luttes sur l’enfermement et les expulsions de personnes sans-papiers. Pendant tout l’été, nombreux sont les centres de rétention dans lesquels les cellules brûlent (comme à Vincennes où là, c’est le centre entier qui flambe). Le gouvernement s’arque boute et attaque les associations de défense des personnes Sans-papiers comme SOS sans-papiers ou RESF, les accusant de fomenter les révoltes de sans-papiers. Mais cette fin d’année a été marquée par la signature du pacte européen sur l’immigration. Avec Vichy comme sommet incontournable, il est le symbole de la politique d’immigration européenne à la française.

Il s’agit de développer une politique commune en matière d’accueil des personnes migrantes. Concrètement, il est acté la mise en place d’un système liant accueil des migrant-es et marché du travail au niveau européen. Ceci prolonge le système de liste des métiers ouverts mises en place entre décembre 2007 et janvier 2008. De manière concomitante, il s’agit d’amplifier la fuite des cerveaux en “ proposant de nouvelles mesures pour faciliter davantage l’accueil des étudiants et des chercheurs et leur circulation dans l’Union ” Limitant l’immigration privée et familiale, il s’agit donc de mettre en place également de nouveaux moyens “ de mieux réguler l’immigration familiale en invitant chaque Etat membre à prendre en considération dans sa législation nationale, ses capacités d’accueil et les capacités d’intégration des familles appréciées au regard de leurs conditions de ressources et de logement dans le pays de destination ainsi que, par exemple, de leur connaissance de la langue de ce pays ”. On voit bien là la “ griffe ” Sarkozy-Hortefeux avec leurs réformes respectives du CES EDA visant, entre autre, à l’apprentissage obligatoire du français, l’attachement aux valeurs de la république, la connaissance de la Marseillaise.. Le pacte se place très clairement dans la droite ligne des différentes décisions euroépennes en matières de lutte contre l’immigration clandestines : renforcement de la coopération européenne en matière d’expulsion, renforcement de la signature d’accords de réadmission avec les pays de départs, renforcement de la politique des visas biométriques, le renforcement, notamment à partir d’un appui financier à l’agence Frontex... A charge pour chaque état de développer sa politique nationale dans une orientation tendant vers le tout-contrôle : renforcement des sanctions en matière d’aide au séjour irrégulier, interdiction pour les états membres de régulariser massivement mais bien de se limiter à du cas par cas. De ce fait, on assiste à la continuité de la casse des lois régissant le droit au séjour des étrangers dans les états membres pour encore moins d’obligation de régularisation, et encore plus d’arbitraire. Sarkozy, par ce pacte, réussit également à laver l’affront que lui avait infligé Zapaterro. En effet, quand ce dernier avait régularisé massivement en Espagne, Sarkozy, alors encore ministre l’avait critiqué et jugé irresponsable une telle décision. Zapaterro l’avait alors rappelé à l’ordre lui signifiant qu’il n’était pas (encore) chef du gouvernement espagnol.

Bien entendu, tout ceci doit être fait dans le respect des droits de l’homme et des diverses conventions internationales. Cette orientation répressive s’accorde avec le discours argumentant l’immigration choisie : on ne peut pas accueillir tout le monde, les Sans- Papiers sont des fraudeurs et doivent être punis, moins accueillir, c’est mieux accueillir.

En 2009 sera créé un bureau européen chargé de mettre en place une harmonisation européenne en matière d’octroi du droit d’asile à l’horizon 2012. Il y a fort à parier que la petite spécificité française d’avoir la présence du HCR dans l’OF PRA risque alors de disparaître. Sur un autre point, le pacte acte la “ nécessaire répartition des demandeurs d’asile sur le territoire européen ” afin qu’un pays dont la situation géographique particulière ne soit pas seul à recevoir une grande majorité de demandes d’asile. Cette décision, qu’on pourrait au premier abord trouver progressiste tend, au contraire, à mettre doucement en place un système de quotas ; nous sommes bien là encore dans l’immigration choisie.

Immigration choisie toujours, il s’agit de développer au niveau européen un partenariat avec les pays de départ afin de mettre en place des quotas de migrants légaux, dans la limite du marché de travail européen. Il s’agit également de développer les accords de réadmission et le “ co-développement ” afin de pouvoir tarir à la source les velléités de migrations clandestines. Ainsi, on légitimise, si besoin était, la politique de l’externalisation des camps. Enfin, quelque part entre le co-développement et le développement solidaire le pacte représente “ l’argument de vente ” de Brice Hortefeux. Le développement solidaire semble être à l’origine des signatures des pays africains.

Pour preuve, dans l’accord passé avec le Bénin, le volet s’intitule “ co-développement et coopération en matière de santé ”. Quatre actions prioritaires dans le domaine de la Santé ont été proposées par le Bénin et la France “ reconnaît la légitimité de ces projets et s’engage à leur apporter son soutien, dans les conditions qui devront être fixées par un avenant au Document Cadre de Partenariat signé le 25 novembre 2005 ”. Certaines de ces mesures seront d’ailleurs financées non pas par l’Aide publique au développement mais par un prêt concessionnel de l’Agence Française de Développement. Même chose pour la Tunisie. Dans cet accord, il est fait mention d’un volet “ développement solidaire ” qui couvre tous les domaines de la coopération : l’éducation, la recherche scientifique et technologique, la santé, la culture, l’environnement, le développement rural, l’agriculture et le tourisme et cible en priorité les régions d’origine des migrants.

Il n’en fallait pas plus pour comprendre l’intérêt d’une partie de l’Afrique pour ce plan. Suivant la politique de la main tendue, ces pays acceptent l’aide financière française sans se soucier des répercussions sur leurs populations (fuite des cerveaux, possibilité de migrations légales limités). Brice Hortefeux l’a bien compris. Le ministère français de l’Immigration s’est doté en 2008 d’un programme dédié au co-développement de 29 millions d’euros. Grâce à cette “ enveloppe ”, M. Hortefeux peut viser les 20 signatures d’accords qu’il s’est fixé pour 2010...Néanmoins, on peut se poser la question de l’égalité de discours et de rapports de force entre l’Europe d’un côté, et les pays d’Afrique pris un par un de l’autre.


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