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Construction des genres et domination masculine


Texte paru dans le journal No Pasaran

Imaginons une société divisée entre gens de couleur blanche et gens de couleur noire, ayant pour norme sociale l’union de deux personnes de couleur différente. Si les personnes de couleur noire se voyaient cantonnées aux tâches ménagères la plupart du temps, si elles étaient sifflées dans la rue et montrées au travers de la pub et des médias comme des objets désirables, si leur travail était systématiquement rémunéré environ 30 % de moins que celui des personnes blanches, si des abus sexuels, voire des viols, n’existaient que du fait des personnes blanches envers les personnes noires… on hurlerait au racisme et à l’esclavage. C’est pourtant la situation qui existe aujourd’hui entre les deux moitiés de l’humanité, à savoir entre les hommes et les femmes. Nous vivons dans un système patriarcal, c’est-à-dire où il y a domination des hommes sur les femmes. Depuis les inégalités profondes devant le travail (domestique ou salarié) jusqu’aux viols, cette domination s’exprime sous différentes formes.


Mais cet article n’a pas pour but de dresser un panorama complet des inégalités sexistes, mais plutôt de tenter de montrer quelle est la place du conditionnement auquel toute personne, quelle que soit son appartenance sexuelle, ethnique, ou sociale, est soumise. Cependant comme toute personne, l’auteur de cet article est issu d’un milieu social bien précis, dans un pays donné, et les arguments défendus ici sont donc socialement ancrés : ils ne doivent surtout pas être compris comme étant globalisateurs. Il s’agit là d’une analyse de la société occidentale moderne et capitaliste, sur le thème du patriarcat. De la même manière, l’auteur de cet article est de sexe masculin et de pratiques hétérosexuelles, sa parole ne doit donc pas être prise comme représentative d’une totalité (comme le sont trop souvent les paroles masculines), mais plutôt comme celle d’une personne ancrée socialement et sexuellement dans un contexte bien précis.
Les concepts de féminité et de masculinité sont très bien connus et forment une bonne part de notre manière de voir le monde. Qu’il est simple de définir tel ou telle individu-e en fonction de critères établis solidement dans notre inconscient, critères bien au-delà des critères physiques. Et c’est tous les jours que l’on peut voir ces mécanismes-là fonctionner, renforçant ainsi la catégorisation des gens selon deux modèles : l’homme « masculin » et la femme « féminine ». Mais ces deux adjectifs collés à des catégorisations d’ordre biologique (le fait d’être de sexe mâle ou femelle) montrent bien qu’ils ne les recouvrent pas totalement : on entend parfois dire que telle femme n’est pas « féminine » ou que tel homme est « efféminé ». Cela montre bien que la répartition n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Que cachent donc les concepts de masculinité et de féminité, et s’ils ne sont pas exclusivement d’ordre biologique comme on peut déjà le soupçonner, comment sont-ils développés ou ancrés dans les manières d’être des individu-e-s ? Il convient alors de s’interroger sur les fonctions sociales de ces concepts, sur leur possible implication dans la domination masculine et dans la construction des inégalités flagrantes entre hommes et femmes.

La construction des genres

« Dès la naissance, on commence à donner au petit garçon des petits fusils en bois, des petites voitures, tout ça… Et puis, la petite fille, elle se retrouve avec une poupée et un petit berceau pour jouer à la maman. Il est évident que pour un gosse qui a le cerveau malléable, tout blanc, quoi, comme de la cire, ça se grave à tout jamais… Même après, s’il a l’impression de réfléchir, il utilise des matériaux qu’on lui a donnés alors qu’il était encore pratiquement inconscient… Ca l’a marqué pour toute une vie », anonyme.

Notre individualité a de profondes racines qui nous échappent car elles ne nous appartiennent pas : d’autres les ont cultivées pour nous, à notre insu. Comme le fait très justement remarquer Elenna Giannini Belloti : « Ainsi, la petite fille qui, à quatre ans, s’extasie devant sa propre image dans le miroir, est déjà conditionnée par les quatre années précédentes en plus des neufs mois de grossesse pendant lesquels se mettaient en place tous les éléments susceptibles de faire d’elle une femme, la plus semblable possible à toutes les autres femmes [1] ». Depuis la plus tendre enfance, des valeurs nous sont inculquées, et leur spécificité sexuelle est extrêmement marquée. Il apparaît donc nécessaire de savoir comment sont intégrées ces valeurs et comment leur pérennité peut être assurée.

L’attente de l’enfant, la petite enfance et la famille

Le garçon a longtemps été le plus attendu lors de la naissance, qu’il s’agisse de raisons économiques (travail au champs, héritage…) ou de pure fierté parentale. Si l’attente des parents en ce qui concerne leurs propres enfants diffère en fonction de leur sexe, il est inévitable que ces derniers réagissent en fonction de leurs demandes dès le premier instant où ils se trouvent dans leurs bras. Il existe de nombreux lieux communs quant à la coquetterie, la propreté, la douceur… des petites filles, ou la vivacité, l’agressivité, la débrouillardise… des petits garçons. Le garçon hypertonique (à mettre en parallèle avec la fille hypotonique) est le plus proche du stéréotype, comme l’analyse très justement Irène Lézine dans son ouvrage sur le développement psychologique de la première enfance [2]. Elle y rapporte le cas extrêmement significatif d’une petite fille turbulente. Il s’agit d’une petite fille très agitée et énergique, qui, subissant la colère de sa mère à l’âge de 18 mois, se transforme en petite fille inhibée, maniaque, à tendance phobique. La mère, refusant un comportement si peu digne d’une fille à ces yeux, lui a clairement fait comprendre ce qu’elle attendait d’elle. C’est ainsi que la petite fille se voit obligée de se replier sur des activités sédentaires où elle canalise toute son énergie, sans réussir malgré tout à se libérer d’un état d’anxiété aigu, qu’elle essaie de tenir en respect en se construisant des rituels rassurants de nature phobique, rituels qui constituent des comportements de défense alarmants. Ce cas, de par la dureté avec laquelle cette enfant a été réprimée, n’est certes pas commun, mais même si cela prend une forme moins violente, plus étalée dans le temps quoique tout aussi efficace, la plupart des petites filles sont victimes d’interventions répressives quand leur tempérament initial les porte à être différentes du stéréotype féminin imposé. Des répressions similaires s’appliquent évidemment aussi aux petits garçons, mais vont dans un sens tout à fait différent. Il s’agit plus de briguer les valeurs dites féminines, comme la sensibilité, la passivité (« ne pleure pas, un petit garçon ne pleure pas », « ne te laisse pas faire et montre-lui »…), d’apprendre à ne pas perdre la face, à masquer ses sentiments… C’est ainsi dès les premiers pas dans la vie que l’enfant est guidé vers les valeurs dominantes accolées à son sexe biologique, et que l’intégration des stéréotypes masculins et féminins se fait.

La famille

Le modèle-même de la famille détient une place primordiale au sein de l’identification infantile : cette première image des rôles masculins et féminins est déterminante pour l’enfant, et il tendra bien évidemment à les reproduire. Sans même s’étendre sur l’intégration du modèle du couple comme norme sociale des relations hommes-femmes, la famille apporte immédiatement des schémas incroyablement forts de représentation des rôles masculins et féminins. On sait aujourd’hui l’importance que joue l’imitation des parents dans le développement psychologique d’un enfant, et, même si la situation n’est jamais la même d’une famille à l’autre, l’environnement familial reste quand même un facteur essentiel de la pérennisation des catégorisations des rôles hommes-femmes. Du Côté des Filles, une association européenne, publie en 1998 un grand nombre de citations tirées d’une enquête auprès d’enfants européens sur la répartition des tâches ménagères. On peut y voir de manière flagrante le regard banalisateur porté par l’enfance sur cette répartition. Même si ce genre d’étude ne peut apporter de certitude quantitative de par son faible échantillonnage, cela reste cependant profondément lucide. « Mon père soigne les plantes, c’est ce qu’il préfère. Il ne fait rien d’autre parce qu’il joue au basket et rentre fatigué », Angela (9 ans) ; « Chez nous, papa s’occupe de se raser, un peu du chien. Maman lave les assiettes, lave par terre », Isabel (10 ans) ; « Mon père, des fois, il fait des gâteaux. Ma mère elle fait le ménage, lui il l’aide quand elle va à l’hôpital faire un bébé », Renaud (10 ans) ; « Maman fait le ménage. Mon père ça l’intéresse pas le ménage. Ma mère elle aime bien le faire. Je crois. Quand même… elle est bien obligée », Jules (9 ans).

Jeux, jouets, littérature enfantine

La période de Noël est révélatrice de la spécialisation sexuelle des jouets. Depuis les pages bleues et roses des catalogues, jusqu’aux rayonnages des grands magasins, on se rend vite compte de la répartition tranchée des jeux en deux catégories exclusives l’une de l’autre. On invite les petites filles à jouer comme maman (dînettes, poupées les prédestinant à leur futur rôle de mère, appareils ménagers en réduction, panoplies d’infirmière -pas de médecin-, d’hôtesse de l’air -pas de pilote-, coffrets de maquillage…) alors que les garçons doivent se croire Marine, physicien, pilote de course, chevalier… Non pas comme papa, mais plus homme, plus viril, mieux que papa… Les jeux de garçon ont des connotations très fortes : la guerre, la découverte, l’aventure, la compétition (d’inspiration sportive ou non d’ailleurs), l’action, l’agressivité, la domination par la force ou la technique… Toutes ces valeurs sont non seulement celles véhiculées par la classe masculine, mais aussi par la société occidentale en général. Les filles reconnaissent donc ces valeurs en tant que masculines, mais aussi en tant que normes dominantes socialement : elles savent donc qu’elles rêvent de trains électriques, de petits soldats…, plus que leurs frères de poupées, dînettes, ou d’aspirateurs miniatures.

Et de ces valeurs érigées en normes par le conditionnement social naît une double aliénation. Tout d’abord, qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes, les stéréotypes dans lesquels doivent se mouler les comportements et attitudes ne sont justement que des archétypes : personne ne peut être pleinement un archétype. Qu’il s’agisse du sur-mâle viril et sûr de lui, ou de la femme incarnation parfaite de la féminité, on ne peut exister en tant que stéréotype. Naît ainsi une première frustration de la violence qu’il y a à se construire à partir de normes, mais aussi de ne pouvoir jamais s’y conformer totalement (quel gouffre entre la vie de tous les jours d’un petit bureaucrate et les idéaux de l’aventure ou de l’action par exemple). La seconde aliénation tient dans la subordination des valeurs dites féminines aux valeurs masculines dominantes socialement. Nous pointons ici l’un des mécanismes fondamentaux de la domination masculine : le fait de subordonner la reconnaissance et donc l’existence sociale des femmes au regard, à l’assentiment de la gent masculine.
Les jeux auxquels se livrent les jeunes enfants sont eux aussi révélateurs de la future répartition sexuelle des rôles : jeux masculinisés à forte tendance compétitive, violente (football, courses…) et jeux féminisés où l’espace occupé est beaucoup plus restreint (corde à sauter, élastique…). La pression sociale est déjà très forte et cloisonne énormément les deux catégories : un garçon se fait traiter de fillette s’il désire jouer à la corde à sauter et une fille aura bien du mal à se faire accepter dans un jeu masculin comme le football. Les différents rôles sociaux peuvent donc ainsi prendre forme, où l’homme se doit d’aller de l’avant et la femme se doit de rester tranquille, cantonnée à un espace restreint destiné à devenir la sphère familiale (à savoir ménage, éducation des enfants).
Les modèles masculins et féminins sont avant tout véhiculés de manière prédominante dans la littérature destinée aux enfants. Les albums présents dans les écoles, les bibliothèques, et les centres de documentation sont la première littérature de jeunesse, un matériel pédagogique et un support privilégié du processus d’identification, de l’apprentissage des rôles sexués et des rapports sociaux de sexes. L’association Du Côté des Filles a lancé en 1996 un programme de recherche sur les albums illustrés au sein de trois pays (France, Espagne et Italie), qui prend en compte toute la filière du livre (depuis la création et l’édition, jusqu’aux parents et aux enfants) et a ainsi analysé 537 albums, issus de 46 maisons d’édition différentes. Les personnages masculins sont toujours prédominants et occupent bien plus souvent le rôle du héros. 83,3 % des 156 pères mis en scène dans les albums occupent le rôle de personnage principal, contre 16,7 % des 202 mères. Le travail du père, peu évoqué concrètement, est symbolisé par le porte-documents, qui parle d’horaires définis, de droit au repos et au loisir, privilèges masculins. Cartable et grand fauteuil s’opposent au tablier, symbole du rôle féminin : la maternité, le service domestique sans horaires, la disponibilité permanente pour la famille.

L’école et la scolarité

La sortie du milieu familial s’effectue par l’entrée à l’école « maternelle » : terme judicieusement choisi, qui a été préféré à celui d’école enfantine, et qui montre bien le consensus général sur le rôle de la mère dans l’éducation. Guichard écrit en 1993 : « l’école apparaît comme un lieu de compétition, où chacun est amené, d’une part à découvrir ses propres performances et à les situer par rapport à celles des autres, et, d’autre part à "incorporer" ces performances à sa propre image 3 [3]  ». Comme le fait très justement remarquer Duru-Bellat, « comme tout individu engagé dans une interaction sociale, les enseignants abordent leurs élèves avec des attentes stéréotypées ; en l’occurrence ils tendent à prévoir des succès inégaux, chez les élèves garçons et filles, dans les disciplines connotées sexuellement 4 [4]  ». Des études montrent que dès l’école primaire, les maîtres passent plus de temps en maths avec les garçons et en lecture avec les filles 5 [5] , et les garçons ont plus de difficultés avérées en lecture quand les maîtres en sont convaincus que dans le cas contraire. De la même manière, dans les matières connotées plus masculines (les maths ou la physique), il y a moins d’interaction et d’encouragements adressées aux filles 6 [6]. Evidemment, cela se reflète dans les évaluations des enseignants-e-s, et concerne les enseignants des deux sexes. Globalement, il a même été constaté une différence significative entre le temps consacré aux garçons et aux filles (2/3-1/3). Les enseignantes qui avaient tenté de corriger le déséquilibre arrivaient avec peine à 45 % du temps consacré aux filles, et cela avec un fort sentiment de favoritisme : la « neutralité » consiste donc bien à favoriser les garçons. Bien au-delà des contenus académiques, c’est donc toute une socialisation diffuse qui prend place, du seul fait de la cohabitation de deux groupes catégorisés avec des stéréotypes bien précis et asymétriques. Sans compter qu’à chaque instant, les filles sont confrontées à une « sexuation » des situations, qui les renvoie à leur contrainte de féminité 7 [7] (souci de l’apparence, effacement devant les garçons…). La mixité scolaire les expose donc à l’heure actuelle à des interactions pédagogiques moins stimulantes et à être mises en situation de récession par rapport aux garçons. Comme l’ont écrit Bourdieu et Passeron : « la différence entre les sexes n’apparaît jamais aussi manifestement que dans les conduites ou les opinions qui engagent l’image de soi, l’anticipation de l’avenir 8 [8] C’est donc à l’école, antichambre socialisatrice des futurs adultes que les inégalités sociales sont déjà mises en place et anticipées…
Comparables à certains rites initiatiques, le service militaire était la consécration de la virilité et le passage obligatoire à l’âge adulte. Heureusement, et pas seulement sur le plan du sexisme, il est aujourd’hui aboli en France.

Le matraquage quotidien et la construction du genre

Dans la vie de tous les jours, tout est là sans cesse pour nous rappeler les rôles que l’on attend de chacun et asseoir les inégalités entre les sexes. Le vocabulaire que l’on emploie à chaque instant est le miroir des mentalités : n’apprend-on pas depuis le plus jeune âge que le masculin prime sur le féminin en grammaire (mais je reviendrai ultérieurement sur la notion de masculin neutre), qu’un secrétaire est un homme de confiance et une secrétaire une dactylo, qu’un cuisinier est un cordon bleu, et une cuisinière une cantinière…
Les médias sont à la source de beaucoup de lieux communs, d’archétypes qui construisent les individus. Entre la télévision, la radio, ou même les publicités placardées dans les rues, c’est toute une image des stéréotypes masculins et féminins qui s’ancre chaque jour un peu plus. Les femmes y sont encensées en tant qu’objet de désir sans défense. Une publicité récente pour Toyota montre une voiture à côté d’une femme mannequin et titre : « A votre avis, laquelle de ces deux top-models coûte le plus cher ? » Le mythe de la beauté est le pilier qui soutient l’idée moderne de la féminité. Cette notion de beauté est d’ailleurs on ne peut plus culturelle et fluctuante : au XIXe siècle, les canons de la beauté n’avaient rien à voir avec les femmes mannequins d’aujourd’hui. Un corps replet et grassouillet était alors symbole de beauté et de désir. Et les femmes se doivent de tendre vers cet idéal artificiel et bien peu émancipateur : elles sont là pour paraître et non pas pour être en tant que personne à part entière. C’est ainsi que leur statut est immédiatement subordonné à celui des hommes, car exister au travers du paraître revient à s’en remettre au regard masculin afin d’avoir une caution d’existence. Les femmes sont donc amenées à trouver leur légitimation au travers des hommes, et donc, plus précisément au travers de celui avec qui l’existence est partagée. Ceci n’est possible que parce que le mythe du Grand Amour est entretenu depuis la plus tendre enfance des femmes. « Un jour viendra un prince charmant », voici une maxime qui résume pleinement l’idéal d’une soi-disant nature féminine qui se réaliserait au travers de l’union avec l’homme qui lui serait destiné : quelle aliénation !!! Voir son existence et sa réalisation personnelle subordonnées à celles d’une autre personne, qui, elle, est par contre individuellement réalisée. Car ce mythe du Grand Amour n’existe pas chez les hommes, ou si peu : ce qui est plutôt encensé et considéré comme positif est la figure du séducteur, du Dom Juan, qui aligne les « conquêtes » amoureuses (à noter le vocabulaire guerrier). Mais un tel comportement est bien sûr déploré chez une femme, on la traite alors de « salope », de fille de peu de vertu, car là n’est pas la place qu’elle doit avoir pour maintenir l’ordre social en place.
De tels concepts en amour ne peuvent d’ailleurs pas être sans engendrer d’importantes répercussions sur la construction sexuelle des individus. La rigidité des rôles assignés aux hommes et aux femmes conditionne en grande partie leur souffrance. Cantonner les hommes à un rôle agissant et dans le mythe du « j’assure » et les femmes à une place d’objet désirable est un des fondements de la répression sexuelle que subissent les individus aujourd’hui. Car la répression sexuelle existe bel et bien dans les sociétés occidentales. Sous couvert de libération sexuelle, c’est plutôt la « liberté » de consommer du sexe commercialisé et stéréotypé qui est de rigueur. N’entend-on pas depuis le plus jeune âge : « touche pas à ça », « petit cochon », « ce n’est pas propre »… La découverte de son corps est primordiale pour un enfant, et la répression exercée très tôt peut avoir une influence considérable sur son développement. Dans la plupart des cas, la désinformation est constante aussi bien dans les familles qu’à l’extérieur, et même s’il est aujourd’hui bien plus courant d’expliquer comment sont fait les enfants, le problème est abordé du point de vue purement biologique. Aucune information n’est jamais dispensée sur la sexualité et le plaisir en tant que tels. Selon Suzanne Képès, psychosomaticienne de la faculté de médecine de Paris-Nord : « pour de nombreuses femmes à partir de 17 ans et jusqu’à 60 ans et plus, l’ignorance de leur propre corps et de leur sexualité provoque toutes sortes de méfaits. Les malaises et les plaintes des femmes, dans la plupart des cas, proviennent de leur volonté de conformer leur sexualité et leurs fantasmes aux désirs masculins. Par ailleurs, beaucoup d’hommes croient que les femmes doivent jouir comme eux, en même temps qu’eux. Ils imaginent aussi que la satisfaction et la jouissance de leurs compagnes sont entièrement tributaires de leurs performances érectiles 9 [9]  ». ». Plus généralement, on peut même dire que la société moderne tend à camoufler ou en tout cas à invisibiliser le plaisir sexuel chez les femmes : on présente toujours la jouissance masculine et le désir masculin comme irrépressibles, sans se préoccuper des femmes et de leurs désirs. Ceci a beaucoup de conséquences au niveau du développement psychologique féminin. Car la sexualité est un élément fondamental avec lequel se construisent les individus. L’être humain possède une véritable sexualité pour le plaisir et n’est plus du tout subordonné à la reproduction. Le sexe est un phénomène entièrement culturel qui n’obéit à aucune loi biologique de renouvellement de l’espèce. Dans une vie, combien de fois fait-on l’amour dans le but d’avoir des enfants ? Même les « instincts » sexuels ne sont que des constructions culturelles. Les récits faits par des anthropologues qui ont eu le loisir d’étudier des enfants sauvages montrent clairement que, dans les meilleurs cas (la plupart du temps jamais), il faut au minimum une dizaine d’années de socialisation avant que ces enfants éprouvent du désir sexuel, et ce, même dans une mise en situation « érotique » 10 [10]  [11]. Dans ces conditions, comment croire que la sexualité possède une normalité. Ce sont les normes sociales qui nous conditionnent à l’hétéronorme. Pourquoi ne pas pouvoir prendre du plaisir sexuel avec des personnes de sexe identique ? Nous devrions toutes et tous nous interroger sur les carcans construits socialement qui nous inhibent et freinent le plaisir que l’on pourrait avoir avec toute personne consentante, quels que soient son sexe, sa couleur, son âge… On ne naît pas hétérosexuel, on le devient… pas toujours !

Au travers de tout ceci, on a pu s’apercevoir de la force et de la profondeur des constructions sociales qui divisent l’humanité entre les hommes « masculins » et les femmes « féminines ». Mais on ne s’est pas appesanti sur les sources-même de l’inégalité entre hommes et femmes. Car si une telle catégorisation est à l’œuvre, elle est obligatoirement primordiale dans la mécanique inégalitaire des rapports sociaux de sexes.

Une articulation entre catégorisation et domination masculine ?

On a pu voir qu’il existait des mécanismes puissants d’intégration des normes associées à chaque sexe. Ces normes ont pour l’instant été désignées par le terme genre, terme un peu abusif qui mérite d’être explicité plus clairement. Ce développement sur les articulations entre inégalités sexistes et catégorisation et des deux moitiés de l’humanité selon leur sexe aura donc aussi pour but d’éclaircir ce à quoi renvoie le genre dans cette analyse.

Identités, genres, stéréotypes : des relations complexes

Il est donc question ici d’expliciter les enjeux de la construction des genres. Maurice Godelier, anthropologue, écrit sur la peuplade des Baruya, une population de Nouvelle-Guinée, que leurs mythes fondateurs font déjà apparaître les enjeux associés à la construction des catégories de sexe, et qu’il s’agit d’enjeux de pouvoir : pouvoir de contrôler les personnes, de contrôler l’accès aux dieux et aux forces qui règlent l’univers, aux ancêtres, et bien entendu l’accès à la terre, aux moyens de destruction (armes), de production (outils), d’échange (monnaie, biens précieux), et aux moyens de subsistance [11]. Les mythes fondateurs, plaçant l’homme dans un rôle englobant celui de la femme, lui confèrent un rôle créateur. Ainsi, il acquiert le droit de concevoir les outils (mais toutes et tous peuvent les utiliser globalement), d’hériter de la terre, et plus encore, il le place au cœur même des représentations du processus de création de la vie au travers du sperme, réduisant ainsi la femme au seul rôle de porteuse de vie. Il y a dans tout ceci un mécanisme qui exacerbe les facultés des hommes et dépossède les femmes Baruya de certaines des leurs au point de les rendre entièrement tributaires des hommes pour la majeure partie de leurs activités. Elles leurs sont subordonnées. Plus globalement on peut voir là un mécanisme très explicite qui n’est pas sans rapport avec les valeurs inculquées au travers des constructions de genre. Ainsi, une opération de catégorisation-hiérarchisation comme celle-ci n’est possible que si elle porte sur des classes d’objets comparables, elle consiste ainsi à créer du différent (différend ?) par séparation au sein d’un ensemble homogène. C’est cette opération de différenciation par opposition qui précède et ouvre la voie à la hiérarchisation. Il peut ainsi être amené qu’au sein de l’humanité, il existe des humains d’une « autre sorte », ce qui prédispose bien évidemment à les considérer comme une sous-classe d’humains et donc à terme, une classe de sous-humains. C’est seulement ainsi que peut être amenée initialement la hiérarchisation entre le masculin et le féminin.
Cependant, il ne faut pas être trop péremptoire quant à ces catégories de sexe, car elles sont bien évidemment mouvantes, malléables, et présentent de nombreux décalages : d’une culture à l’autre, d’une période à l’autre… Il est ainsi possible de voir aujourd’hui des valeurs « viriles » (donc initialement considérées comme masculines) transparaître dans le comportement de jeunes filles issues de banlieues défavorisées, mais seulement dans des cadres bien précis, comme au milieu du métro, alors qu’elles ne sont pas accompagnées de garçons. Il est ainsi possible pour elles de se réapproprier le lieu public dans lequel elles se trouvent, ce qui ne serait aucunement possible en mettant en avant les valeurs féminines traditionnelles. Il est d’ailleurs flagrant de constater le recul de ces comportements de la part de filles lorsqu’il s’agit de groupes mixtes. Bref, tout ceci pour montrer que les champs masculins et féminins ne sont pas seulement très cloisonnés, mais aussi qu’ils se recomposent très rapidement dans le sens de la préservation de la hiérarchie hommes-femmes. Daniel Welzer-Lang nomme cela « recomposition de la domination masculine ». Comment cela peut-il s’expliquer ? On peut bien sûr avancer le maintien de l’ordre social en place, mais il apparaît plus intéressant de se pencher au niveau individuel sur les mécaniques cognitives qui peuvent entrer en action. Les stéréotypes sont un recours automatique pour les individus, et, intégrés depuis le plus jeune âge, ils sont donc inscrits profondément en mémoire et activables très facilement, et cela, quelles que soient les croyance et les attitudes propres de tel ou tel individu. Des études sur le racisme montrent bien qu’il s’agit d’un processus automatique déclenché au moment même de la catégorisation. Plusieurs expériences ont ainsi montré que des sujets opposés aux préjugés racistes, soumis expérimentalement à un bombardement d’éléments appartenant à un stéréotype raciste (présentés à des seuils perceptifs ne permettant pas leur identification), ont des réponses proches de celles des sujets affirmant leurs préjugés racistes. Il y a manifestation d’un certain « racisme implicite », qui produit sans volonté consciente de la part des individus des réponses conformes au stéréotype, dès lors que le contenu de ce stéréotype est activé en mémoire [12] . Il convient doncdedistinguerles croyances des stéréotypes, qui peuvent donc apparaître de manière indépendante du contenu conscient des croyances. De la même manière, les étiquettes de sexe activent inévitablement un réseau d’inférences définies. On peut alors définir le genre comme un produit socio-cognitif, lié aux idéologies relatives à la féminité et à la masculinité qui participent elles-mêmes au maintien d’un ordre social donné [13].
Cependant, il est possible de tenter de déterminer les plus importants régisseurs des relations de genre. Ainsi, des expériences effectuées sur les bases de populations de positions hiérarchiques différentes (échantillons de l’INSEE) à propos du remplissage d’un questionnaire standardisé (qui est sensé fournir un score de féminité et de masculinité), montre une influence prépondérante de la position par rapport au pouvoir. Ainsi, dans les échelons hiérarchiques supérieurs, les scores d’« androgynie » sont plus élevés pour les sujets femmes, et dans les échelons inférieurs, les résultats de « féminité » importants (toujours pour les femmes) mais pour des caractéristiques féminines à forte valorisation sociale. Pour les hommes, les échelons supérieurs montrent une très faible proportion de « féminité », mais pour les échelons inférieurs, une bonne part de caractéristiques « féminines » habituellement dévalorisées. Ainsi, la relation entre pouvoir et genre semble déterminante, au même titre que celle entre sexe et genre. Les personnes à haute position hiérarchique ont donc plus tendance à mettre en avant des comportements dits masculins et inversement pour les individus situés plus bas sur l’échelle du pouvoir.
Il convient cependant de nuancer un tel propos, car pour accéder à ce que Daniel Welzer-Lang nomme la « maison des hommes » 14 [14]. Il s’agit de montrer des signes redondants de différenciation par rapport aux femmes. Il y a construction en opposition hiérarchique avec le féminin : apprentissage des codes virils et de la violence (contre soi, avec d’autres hommes, contre les femmes). Ainsi, les hommes fragiles, efféminés, qui refusent de se battre ou en sont incapables, sont symboliquement relégués dans le groupe des femmes et des dominés, donc traités ainsi. Le célèbre « quelle femmelette », suprême insulte pour un homme puisque féminisation du terme de femme, prend alors tout son sens. L’homme traité ainsi correspond avec les attributs négatifs du groupe dominé et est donc catalogué en conséquence. Les agressions contre les homosexuels (le masculin du terme « homosexuel » est voulu) ou hommes déviant de la norme masculine viennent alors souder la communauté masculine qui prend sa force dans la domination et le rejet des autres. Les frontières de genre sont donc ainsi solidement définies.
Pourtant, il convient de faire la part des choses quant aux délimitations des genres, qui ne sont pas équivalentes pour les deux sexes. Il existe au sein même de ces délimitations des contradictions. Ainsi, les positions de père et d’homme, toutes deux complémentaires au sein des normes masculines sont différentes de celles de femmes et de mères. Si l’homme autant que le père est sensé bâtir, créer, inventer, la femme est source de désordre, et par là même de dangers (la séductrice, la tentatrice), et au contraire doit prendre le rôle de garante de certitude et de continuité en tant que mère. Une telle tension au sein même des rôles à assumer annonce déjà les différences fondamentales entre les manières de vivre homme ou femme conformément aux normes sociales en vigueur.
On constate donc déjà la complexité des relations entre identité et genre pour les femmes, où il existe des contradictions entre les différents modèles. La question est moins pertinente pour les hommes étant donné que le modèle de la personne est indexé sur le modèle masculin. Ce sont ainsi les relations intersexes qui activent le système de sexe chez les femmes, alors que les relations intrasexes en sont aussi un facteur d’activation chez les hommes, où les relations de pouvoir et de domination sont très présentes. Ainsi, les femmes sont beaucoup plus amenées à se définir en fonction de leur appartenance de sexe (qui fait d’elles implicitement une sous-classe des humains), alors que les hommes, sous couvert du masculin « neutre et universel » sont beaucoup plus amenés à se définir individuellement.

L’assimilation androcentrée au centre du pouvoir masculin

Pour continuer avec Maurice Godelier, la relation d’englobement et d’assimilation est au fondement même du pouvoir politique, c’est-à-dire, du pouvoir, pour une partie de la société de représenter le tout. Pour le citer : « construire un lieu d’où l’on peut à la fois dominer les autres et parler en leur nom est l’essence même du pouvoir politique ». Et la construction des catégories de sexe est au centre même des enjeux qui légitiment l’appropriation de ces lieux dont parle Godelier. Car s’il est avéré que le masculin est du côté du public, à l’inverse du féminin dont la sphère privée est le domaine, ce n’est là qu’une conséquence, un épiphénomène, de la mise en place de la primauté de la parole masculine, de son aptitude à être « neutre et universelle ». Le modèle masculin sert de référence, de modèle et de prototype au genre humain 15 [15] Ainsi, lorsque l’on parle des « hommes » en désignant des êtres humains des deux sexes, on établit déjà les premières bases d’une domination masculine. Car ne pas nommer l’autre revient à l’occulter. Dans le domaine du droit, qui régit implicitement de nombreuses sphères du monde moderne, Francine Demichel précise que ce qui n’est pas nommé n’existe pas, et qu’alors, l’assimilation revient à une annihilation 16 [16]. « Les hommes naissent libres et égaux en droit », précise la déclaration universelle, ce qui fait de la femme un « homme » juridique. Car en droit, nommer revient à porter à l’existence ; « en droit, dire c’est faire », précise Demichel. L’homme est un être juridique à part entière. Quand la femme veut pénétrer le droit, elle ne peut le faire qu’en entrant par la porte du masculin. La femme est alors réduite à l’apparence de son être sexué, qui reste son moyen de différenciation avec un universel qui ne lui est pas applicable. Tout le lui rappelle constamment, notamment le langage de tous les jours. Ainsi, si on emploie des termes sexués en précisant la féminité du terme (comme de parler de « Madame le docteur », ou de « Madame le ministre »), on entérine ce fait, permettant à des femmes d’obtenir un statut qui dès lors est par excellence exceptionnel et temporaire. Le langage conditionne à chaque instant notre manière de percevoir le monde et nous façonne à voir les choses telles qu’on les décrit. Il est incroyable de voir qu’on ait pu être amené à parler de suffrage universel alors que les femmes n’avaient pas le droit de vote (qu’elles n’ont obtenu qu’en 1944). C’est là totalement représentatif de la manière dont peuvent être considérées les femmes, en tant que totalement assimilées par le masculin, au point de parler d’universalisme alors qu’il n’y a que la moitié de la population concernée. La définition de Godelier quant à l’essence du pouvoir en politique qui consisterait à dominer les autres en parlant en leur nom apparaît alors très explicite. C’est là un problème majeur (voire fondateur) des « démocraties » universalistes (qui prirent leur essor au XIXe, avec le colonialisme aux relents très « universalistes ») clamant haut et fort le principe d’universalité alors que les inégalités sont culturellement inscrites. Revient donc alors la primauté d’une lutte permanente et très difficile sur le plan culturel. Des déclarations de principe sur une « parité » au sommet de l’échelle ne représentent rien. Car le pouvoir est infiltré au plus profond des relations de chaque instant.

On peut donc noter au travers de toutes les contributions de cet article que le principe organisateur de la catégorisation de sexe, le fil directeur qui relie les constructions des deux genres, est le rapport de domination des hommes sur les femmes. Englobement, assimilation, invisibilisation, « complémentarité », hiérarchisation, tensions, tels sont les relations instaurées par la construction du masculin et du féminin, qui cimentent de manière incroyable les inégalités de sexe. Comme le décrit Marie-France Pichevin, la mécanique sexiste prend ses racines dans la structure sociale inégalitaire, et celle-ci lui confère donc le pouvoir de la pérenniser [17] non seulement en structurant les individus selon des normes précises, mais aussi en inculquant la structure même des outils qui permettent à chacun de voir le monde. La réalité sociale en est donc doublement altérée. Tout d’abord directement par les conditionnements et les normes imposées, mais aussi et surtout par la façon de voir les choses qu’elle fait intégrer. On a pu voir la force qu’avaient les stéréotypes, notamment au travers des expériences effectuées sur le racisme, et il apparaît donc évident qu’une simple déclaration de principe sur un antisexisme politiquement correct ne vaut rien (ou très peu). Si les genres sont aussi profondément construits en chacun et intégrés (à divers niveaux bien entendu), leur déconstruction est une étape nécessaire et indispensable à un progrès vers l’égalité entre les êtres humains. Et la déconstruction de ces normes qui nous sont inculquées depuis notre plus tendre enfance n’est pas seulement l’affaire d’une prise de conscience, mais surtout d’un véritable travail et d’un effort permanent. Tenter de comprendre d’où peuvent nous venir certaines pulsions ou de discerner la part du choisi et de l’intégré dans nos comportements et pensées est déjà un pas fait en ce sens. Par exemple, un homme qui coupe la parole à une femme peut tout simplement se demander s’il aurait agi de même avec un autre homme. De la même manière, une femme victime du syndrome de l’escroquerie (« je suis à la place que je suis parce que j’ai trompé les gens, je ne mérite pas cette place objectivement »), syndrome typiquement féminin s’il en est, peut tenter de faire la part des choses objectivement. Le questionnement sur soi et le monde qui nous entoure est la première étape d’une volonté de changement. La vigilance sur ses attitudes propres et son quotidien, ou la discussion en non-mixité (ainsi que tout autre manière de prendre conscience et de déconstruire les carcans dans lesquels on veut nous faire vivre) sont des moyens à mettre en œuvre pour permettre à chacun de tenter de s’épanouir et de se développer à l’écart des diktats genrés de la société actuelle. Volonté qui ne peut qu’apparaître subversive étant donné que les inégalités actuelles sont la fange sur laquelle fleurit l’ordre social moderne. Travailler sur les représentations sociales, sur les espaces entre le dire (impératif d’égalité) et le faire (pratique de l’inégalité), sur les contradictions entre ces deux univers, sont des pistes données par Anne-Marie Daune-Richard et Marie-Claude Hurtig 18 [18]. Il peut s’agir aussi de réinjecter de l’incertitude dans les relations humaines, car « l’humanité existe dans l’ouvert », et le principal apport de la catégorisation est d’amener des certitudes sur autrui, « toute certitude sur autrui étant une violence qu’on lui fait » 19 [19]. Ainsi donc, en tentant de se départir de ses préjugés sur l’autre, qu’il soit homme ou femme, on provoque déjà un premier dépassement des catégorisations. Pourtant, il faut absolument conserver à l’esprit que « jamais on a observé dans l’histoire qu’un groupe social dominant abandonne ses privilèges sans une lutte acharnée et sans l’établissement d’un rapport de force de la part du groupe dominé. 20 [20] » Si la déconstruction des genres est l’affaire de toutes, tous, et de tout-e un-e chacun-e, c’est avant tout dans la pratique que les choses peuvent et doivent changer. Que faire d’un discours parlementaire sur l’inégalité des sexes à l’Assemblée Nationale. La volonté de changement, l’organisation et la prise de conscience ne doivent pas être l’apanage d’une minorité. Pour reprendre un slogan féministe qui devrait être plus que jamais au goût du jour, « ne me libère pas, je m’en charge ».

Pirouli


[1] E. G. Belloti, Du côté des petites filles, éditions Des femmes

[2] I. Lézine, Le développement psychologique de la première enfance, PUF

[3] J. Guichard, L’école et les représentations d’avenir des adolescents, PUF

[4] M. Duru-Bellat, L’école des filles. Quelle formation pour quels rôles sociaux ?, L’Harmattan

[5] J. Brophy, Interaction of male and female students with male and female teachers, Wilkinson, Marrett eds

[6] G. C. Leder, "Teacher Student Interaction : A Case Study", Educational Studies in Mathematics, vol. 18, n°3

[7] E. Sarah et D. Spencer, Learning to lose. Sexism and Education, The Women’s Press

[8] P. Bourdieu et J. Passeron, Les Héritiers

[9] S. Képès, "Violences sexuelles et prostitution dans la société patriarcale", in La place des femmes, La Découverte

[10] B. Cyrulnik, Mémoire de singes et paroles d’hommes, Points Seuil

[11] M. Godelier, La production des grands hommes : pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, Fayard

[12] P. G. Devine, "Stereotypes and Prejudice : Their Automatic an Controlled Components", Journal of Personality and Social Psychology, vol. 56

[13] A. Durand-Delvigne, "Schéma de genre et cognition sociale", Revue internationale de psychologie sociale ; et "Identités et modèles sexués des personnes", thèse de doctorat d’Etat

[14] D. Welzer-Lang, "Les transgressions sociales des définitions de la masculinité", in La place des femmes, La Découverte

[15] M-C. Hurtig et M-F. Pichevin, "The Sex Category System", Small Meeting on Gender, Management, and Science, université de Minho, Portugal (1994)

[16] Francine Demichel, "Sujet de représentation et théorie du droit", in La place des femmes, La Découverte

[17] M-F. Pichevin, "A New Look Essentialism", Recent Trends in Theoretical Psychology, vol. 4

[18] A-M. Daune-Richard et M-C. Hurtig, "Catégories et représentations de sexe, un débat loin d’être clos", in La place des femmes, La Découverte

[19] M-J. Dhavernas-Levi, "Différence, égalité : enjeux épistémologiques, enjeux stratégiques ?", in La place des femmes, La Découverte

[20] B. Marques-Pereira, "Représentation du genre ? Genre de la représentation", in La place des femmes, La Découverte


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