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Analyses à chaud !


Séisme dans le paysage politique français : Le Pen Présent au deuxième tour, éviction de Jospin, un PC moribond et une percée de l’extrême gauche. Le FN devient la deuxième force électorale. Comment en est-on arrivé là ?


Depuis des années, l’ensemble des organisations gouvernementales ont, d’un côté, inscrit leur politique dans les cadres définis par la globalisation, renforçant ainsi les processus d’exclusion, conduisant à la mise en place de l’apartheid social ; de l’autre, elles ont recours aux politiques de plus en plus sécuritaires, à la xénophobie d’Etat, faisant des victimes de ce processus les nouvelles classes dangereuses, qu’il faut mater. Celles-ci sont les boucs émissaires permettant d’évacuer toutes réflexions, critiques à propos de la barbarie capitaliste. La lepénisation des esprits, en particulier ceux de la caste politico-médiatique, n’est plus à démonter. La Gauche plurielle paye au pris fort sa gestion libérale. Elle est entièrement responsable de son échec. A vouloir surfer sur des thèmes comme le sécuritaire, il paraît évident qu’une partie des électeurs a préféré «  l’original à la copie ». Il en va de même pour les immigrés, lorsque le gouvernement ferme des frontières, construisant ainsi l’Europe forteresse. De manière générale, le bilan politique de cette gauche plurielle est catastrophique : l’écart entre les riches et les pauvres n’a cessé d’augmenter ; les 35 h avec la flexibilité et l’annualisation du temps de travail, les privatisations (dont le nombre n’a jamais été égalé depuis 20 ans), la remise en cause des retraites et des acquis sociaux ; la liste est encore longue. On savait qu’il existait un fort ressentiment à l’encontre de cette politique qui n’avait pour but que de se conformer aux diktats de la globalisation. Mais on en a sous-estimé sa profondeur. Ainsi, des bastions du PS comme celui du Nord a vu un taux d’abstention record et Le Pen fait un score jamais vu dans cette région, devançant largement Jospin. Visiblement le FN a su analyser la situation. Pour preuve : la première initiative qu’il proposera sera d’organiser un référendum pour savoir si la France doit sortir de la communauté européenne et réintroduire le Franc au détriment de l’Euro. Pour sûr, cette proposition rencontrera un certain échos auprès des populations victimes de la globalisation.

Le PC fait partie de cette charrette. Sa participation au gouvernement lui a enlevé toute crédibilité, en tant qu’organisation de lutte pour l’intérêt des "travailleurs". N’assistons nous pas à l’agonie de ce parti qui a empêché, pendant près d’un siècle, la construction d’alternative au capitalisme, imposant la fin des mouvements sociaux lorsque ceux-ci devenaient trop contestataires à son goût (1936, 1945, 1968). De ce point de vue, on ne peut pas regretter la disparition de cette force politique qui en 68 se mobilisait contre « le juif allemand » ou dans les années 80 appelait à « produire français ».

Même, les républicains, représentés par Chevènement, n’ont pu faire la percée qu’ils espéraient. Bien qu’ils veuillent surfer sur la vague antimondialisation, ils n’ont pu démonter leur volonté d’être en rupture avec l’évolution capitaliste. Sans doute, l’appartenance de leur leader à la caste politique lui a enlevé de la crédibilité. Mais on ne peut sous-estimer aussi que ce courant n’apporte pas d’alternative à la globalisation. On ne voit pas comment le retour d’un Etat fort pourrait remettre en cause les rapports de domination, d’exploitation que nous subissons. En outre, un de ces thèmes de campagne fut le sécuritaire. Le Pen a pu là aussi engranger des voix, comme le dit un de ses responsables « Nous n’avons pas eu besoin de faire campagne. Les autres l’ont fait pour nous. » (B. Gollnisch)

Un nouveau rapport de force semble se dessiner dans ce paysage politique. La percée de l’extrême gauche est significative. Il paraît évident que cette poussée rentre en raisonnance avec les mouvements sociaux que nous connaissons depuis plusieurs années comme les mouvements antiglobalisation, antiproductiviste, des sans papiers, mais aussi ceux des précaires ou des mal-logés… Pour l’instant, ces luttes n’ont que des revendications ponctuelles (des papiers pour tous et toutes, revenus garanti, gratuité des transports et des services publics, l’abandon des OGM…). Certes, elles sont fondamentales, mais elles ne peuvent, en soi, répondre à la globalité de la lutte qu’impose l’évolution du capitalisme. La bourgeoisie mène une lutte sans merci pour remettre en cause les acquis obtenus depuis 70 ans, comme le droit à la santé, à l’éducation, etc. C’est une véritable conception de la société qui est mise en œuvre et dont tous les partis gouvernementaux sont les exécutants.

La volonté de construire un parti révolutionnaire ne peut être une perspective, tant elle est en décalage avec ce qui se passe dans les mouvements sociaux. Ce qui domine en leur sein, c’est la volonté de construire des multiplicités, en finir avec le mythe du « sujet révolutionnaire » – qu’a été le prolétariat. Bien au contraire, ce sont les multiples aspects de la vie qui prédominent dans les luttes. De même, les formes d’organisation de ces mouvements, fondées sur des modes de démocratie directe, rentre en contradiction avec la volonté de certains de construire un nouveau parti.

La faillite de l’utopie communiste, née au XIXème siècle, laisse un vide, nous plaçant dans un monde sans perspective, alternative à la société bourgeoise. Ce manque d’utopies créatrices fait que idées ultra-réactionnaires sont de plus en plus crédibles pour des pans significatifs de la population. Actuellement, ce sont Le Pen et consorts qui ont le vent en poupe.

Devant l’angoisse de millions de gens, on nous propose de participer à un front républicain pour faire barrage à Le Pen. C’est oublié un peu vite les raisons profondes qui l’ont portées au deuxième tour. Celles-ci sont due à la misère grandissante en raison de la globalisation capitaliste, au pourrissement de la classe politique, la criminalisation des pauvres et des militants et militantes luttant contre le capitalisme, les transformant en terroristes, la lepénisation des esprits. Même si Le Pen ne gagne pas les élections, on ne voit pas ce qui pourrait endiguer le développement de ce courant politique, si l’on n’en finit pas avec la barbarie capitaliste, si l’on fait des immigrés un problème pour la société française, si l’on ne résout pas immédiatement les problèmes que connaissent les mal logés, les chômeurs, les précaires et toutes les victimes, en générale, de l’exploitation capitaliste. Or, il est évident que nous pouvons apporter des réponses concrètes : des papiers pour tous et toutes, fermeture des camps de rétention, réappropriation des logements vides, un revenu garanti, la gratuité des services publics… L’ensemble de ces luttes et leurs convergences doivent servir de socle pour commencer à imaginer des utopies créatrices, véritables alternatives, en terme de choix de société, à l’ordre capitaliste. C’est pourquoi nous n’appellerons pas à voter Chirac. Les militants et militantes du réseau NO PASARAN continueront à s’investir dans les luttes et participeront à la construction de pôles anticapitalistes pour qu’un autre futur se construise, pour en finir avec l’apartheid social, la domination, l’exploitation, la recherche sans fin de profits, le racisme et la xénophobie, le patriarcat…

JC - La Canaille/No Pasaran Tours


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