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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°9 - Mai 2002 > La Lepenisation des esprits

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supplément électronique à la formule papier du journal No Pasaran

La Lepenisation des esprits

Par Frédéric Goldbronn, réalisateur.



Parmi les différentes manifestations de la régression du débat politique consécutive à la présence de Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, la moins paradoxale n’est pas la tentative massive de culpabilisation des abstentionnistes et des électeurs de l’extrême gauche. Je me suis abstenu au premier tour non par indifférence mais au contraire par choix politique : je ne voulais pas voter pour la gauche de gouvernement car je pense que sa campagne sécuritaire ne pouvait que faire le jeu de la droite, tout en ne souhaitant pas opter pour une liste d’obédience léniniste, comme ont pu le faire certains de mes proches. Je suis plus généralement convaincu que les véritables changements de société ne résultent pas des urnes mais des mouvements sociaux (juin 1936, mai 68, pour n’en citer que deux).

Sachant également que l’abstention ne saurait en elle-même tenir lieu d’acte politique, je m’emploie à contribuer – très modestement – à ces mouvements, notamment en participant au « Réseau contre la fabrique de la haine » qui s’efforce justement de résister à l’idéologie sécuritaire et à la stigmatisation de la jeunesse des quartiers populaires. Durant les manifestations antifascistes qui ont suivi le premier tour, j’ai eu la peine d’y voir des jeunes porter une pancarte indiquant « abstention = collaboration ». D’autres, moins inexpérimentés, ont accusé les candidats d’extrême gauche et leurs électeurs d’être responsables de la déroute socialiste. Belle conception de la démocratie que de faire d’un droit un acte obligatoire – et de mettre ainsi en cause la liberté même de ne pas l’exercer – ou de taxer d’irresponsable l’expression la plus élémentaire du pluralisme.

Les tenants consensuels de la bonne conscience feraient bien de méditer cet autre paradoxe : en nous exhortant à l’union sacrée derrière un escroc patenté, déguisé en hérault du combat moral (fusse-t-elle établie en « se bouchant le nez », sans doute à cause du « bruit et de l’odeur »), ceux-là même qui, par leurs renoncements, ont jeté les classes populaires dans les bras du fascisme, achèvent aujourd’hui de brouiller les repères politiques et de discréditer l’idée démocratique.


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