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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°1 - Septembre 2001 > "Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent"

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"Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent"


Yves Peirat, condamné à 5 ans d’emprisonnement, détenu aux Baumettes pour ses actions contre l’extrême droite nous a fait parvenir ce texte témoin sur Gaby Mouesca, militant d’Iparretarak (groupe armé du pays basque nord), emprisonné pendant 17 ans.


Son parcours d’homme et de militant est rempli par la prise de conscience de son appartenance à un peuple, à une nation, à une histoire et par la lutte qu’il a mené avec ses camarades contre son oppression et pour sa libération, en gardant toujours à l’esprit qu’elle s’inscrivait dans le cadre plus large d’une transformation du monde qui le verrait devenir, plus égalitaire, plus solidaires, plus fraternel. Mais aussi par la mort d’ami-e-s et de camarade de lutte (Didier Laffite, Poppo Lare, Madi Hegi) et les années d’enfermement au cours desquelles il restera fidèle à ses convictions, les exprimant et les défenant notamemnt au cours des différents procès qui lui seront intentés.

"C’est au nom de la notion de légitime défense que nous luttons. Au nom du principe du droit de résistance à l’oppression. Et nous ne sommes pas là pour mégoter. Moins d’injustice n’est pas justice, et nous demandons justice. Nous exigeons une réparation historique (...) Il n’y a pas de fatalité en ce bas monde. Il y a des responsables pour tout, et des mécanismes qui expliquent tous les phénomènes. C’est la lutte qui est seule à même de faire évoluer favorablement la situation. Vous pouvez compter sur nous pour continuer à oeuvrer pour apporter notre modeste contribution aux nécessaires changements. Le peuple basque continuera encore longtemps à apporter sa contribution à la marche du Monde, quoique que vous en pensiez, quoi que vous fassiez. Ce soir nous rentournons en prison. Mais ce jour passé nous rapproche encore de l’accomplissement de notre idéal. Nous vaincrons. Nous le savons, les abertzale le savent, nombre d’observateurs le savent. Mais le pire est que, vous aussi, mesdames et messieurs de la cour, vous le savez". Procès de Léon, mars 2000.

En prison il continuera à se battre, partipant à toutes les luttes contre l’arbitraire carcéral et à la défense des droits de tous les prisonniers.

L’acharnement de l’Etat, de sa justice et de l’administration pénitentiaire n’y changera rien. C’est ainsi que Gaby est le recordman de la détention provisoire en France (11 ans pour lesquel l’Etat sera condamné à lui payer des dommages et intérêts). Condamné au final au maximum légal de 20 ans, et en ayant déjà fait 17 ans, il s’avère qu’avec les bénéfices des remises de peine qui s’élève à 6 ans, il aurait du être libre en 1997, soit il y a trois ans !

Peu de temps avant sa sortie, on lui signifiera des frais de justice à payer de 50.000 francs sous peine de deux mois supplémentaires d’emprisonnemnt par contrainte par corps. Somme qu’il refusera de payer car comme il me l’écrivait "il s’agit là d’une bataille à mener pour que ma fin de peine ne soit pas entachée d’une soumission à une logique financière. Une bataille qui va au-delà de sa propre personne car elle concerne tous les détenus, et nous la mènerons jusque devant les instances européennes". Enfin bien que libre, il n’en reste pas moins interdit de séjour au Pays basque, dans le Sud-ouest, le Sud est, la Corse, la Bretagne et la région parisienne.

Néanmoins le 22 juillet il a pu se rendre à Bayonne où une manifestation était organisée par sa famille, ses ami-e-s, ses camarades, pour fêter sa libération.

A cette occasion il aura une nouvelle fois exprimé sa fidélité à son idéal, et témoigné sur ce qu’il a vécu et appris en prison que ce soit auprès des détenus, des représentants de l’Etat et de l’administration.

"Evidemment, je commence mes remerciements à des gens qui ne sont pas là : les prisonniers, ceux qu’on appelle communément les prisonniers sociaux, des gens qui n’ont pas le privilège d’avoir une conscience politique éveillée, et qui m’ont beaucoup apporté, qui m’ont permis de savoir ce qu’était la vie des gens qui vivaient des galères, qui depuis leur naissance vivaient des vies impossibles, vies qui les ont malheureusement menés au fond des geôles. Tous ces hommes et femmes de par leur témoignage de vie m’ont permis de comprendre que les maux dont nous souffrons au Pays Basque sont les mêmes que souffrent d’autres peuples, d’autres communautés et d’autres individus de par le monde ; sans vouloir utiliser ce mot un peu surfait, je crois que "la bête immonde" s’appelle le Kapitalisme, et qu’il nous faut nous battre et renforcer nos diverses luttes, nos temps et nos liens de résistance pour combattre ce système qui produit tant d’injustices et qui mène tant de gens à la prison ou à la mort.

Je voudrais maintenant avoir une pensée pour les magistrats, les "remercier". N’interprêtez pas mal son sourire. Ces gens-là ont cru que je me foutais de leur gueule en leur souriant comme ça. Ils avaient en partie raison mais pas toujours. Donc je les remercie parce que leur férocité, leur peu de sens de la justice réelle et de l’équité m’a permis de constater que nous avons encore bien des raisons de lutter et en particulier aux gens qui disent "Aujourd’hui la lutte des classes n’existe pas, c’est quelque chose du temps passé, ça fait ringard" je puis vous assurer que j’ai rencontré des gens qui sont magistrats aujourd’hui et qui savent vraiment que la lutte de classes existe, qui savent vraiment quels intérêts ils défendent : j’en ai rencontré assez qui ont eu beaucoup de jouissance à mettre en prison des mois et des années durant, des pauvres gens - et qui du même temps, passaient leur temps à libérer ou à aider leurs copains "de classe"... Donc ces gens-là m’ont permis de comprendre et d’alimenter la foi que j’ai en la lutte de classes et en la nécessité de changer cet ordre-là.

Je vais maintenant remercier les matons et les flics. Il y a parmi eux une extrême minorité de gens qui respectent la dignité de tous les individus, une extrême minorité. J’ai par contre rencontré beaucoup de gens dans ces rangs-là qui avaient des comportements sauvages, des comportements haineux, et ces gens-là m’ont appris qu’effectivement là encore nous avions bien du travail pour effacer de ces fonctions-là, à défaut d’effacer ces fonctions-là, des individus extrêmement nocifs. (...)"

"Enfin, dirons certains, je voudrais m’adresser aux non abertzale parce que l’avenir, notre travail est là. Il ne faut pas oublier que notre "mission" n’est pas de ronronner, de tourner en rond entre nous mais de faire aimer notre cause, aimer notre idéal au maximum de gens dans notre pays. Donc je pense aux futurs abertzale d’Iparralde, particulièrement. Ces derniers temps, ces derniers mois, on a vu au travers des médias qu’il y avait une certaine sympathie avec ce qui se passe au Chiapas, avec le sub commandant Marcos, on a vu le phénomène Bové ; on voit ce qui se passe à Gênes ces jours-ci, bref la lutte contre la mondialisation se structure de plus en plus, la mondialisation de la solidarité, de l’humanité prend de l’ampleur. J’ai envie de dire aux gens d’ici qui ne sont pas encore abertzale "Vous avez aimé Marcos, vous avez aimé Bové, vous aimerez les abertzale" Parce que l’avenir de ce pays est un avenir abertzale et il faut que nous parvenions à convaincre nos concitoyens que l’avenir d’Euskal Herria est un avenir abertzale..."

Cette solidarité qui est là, qui a permis à Gaby de résister et de sortir, doit se poursuivre comme hier, comme aujourd’hui et demain, pour que l’on oublie pas tous ceux qui restent encore à l’intérieur, pour qu’enfin ils sortent eux aussi, qu’ils viennent nous rejoindre pour participer à l’élaboration d’une multitude de futurs.

Agur libertario Gaby bat osasuna eta borroka

Les extraits de déclaration de Gaby proviennent de la revue Ekaitza 25 cordeliers Karrika 64100 Baiona n°781 et 782

On peut discuter avec Gaby sur le site www.polokolagunak.org

e-mail : polokolagunak@yahoo.fr

Site de la commission anti-répression www.prisonniers-basques.com


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