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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°1 - Septembre 2001 > Après Gênes, Bruxelles...

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Après Gênes, Bruxelles...


Le débat entre " Tute Bianche "* et ce que l’on nomme improprement les "Black Blok" apparu ces dernières semaines résume assez bien la pensée manichéenne au sujet de la radicalité.


Pour les révolutionnaires, les "vrais", les Tute Bianche ne sont que des réformistes au mieux à la solde de la gauche de la gauche, voir accusée de collusion avec la police. Peut-on encore débattre de la violence et de son utilité, de ses formes sans être taxé de "traites" ou de "staliniens ? Dénonçant la violence qu’ils subissent - parfois à juste titre-, il serait bien qu’il commence eux-mêmes à ne pas s’ériger en donneurs de leçons et en comportements haineux. Celles et ceux qui ont choisi par une démonstrationvirulente la dénonciation de l’ordre marchand (magasins, banques, voitures…) à Gênes représentent une partie du mouvement anti-mondialisation et il ne s’agit ni de dire comme la LCR que ce sont des " groupes manipulés" qu’il faut dénoncer, ni d’en faire des "agents" à la solde de la police, cette rengaine imbécile de la "gauche de la gauche". Mais comme plusieurs textes de groupes "radicaux" ou même des interventions sur place le démontrent, les désaccords existaient bel et bien entre "Black Blocs", "groupes affinitaires", "regroupements informels" dans ce qu’il fallait détruire ou non. Il n’y a pas en effet de conceptions politiques communes entre des insurrectionnalistes, des marxistes-léninistes, des résidus maoïstes, des anarchistes, etc.. Ce qui fait consensus est le fait de "détruire" les représentations du capitalisme ou de s’affronter aux forces de l’ordre.

Les Tute Bianche avaient clairement annoncé leur intention de pénétrer la zone rouge. On peut regretter leur manque de stratégies de rechange devant la férocité de la répression. Mais leur volonté de " pratiquer le conflit sans que celui ne devienne destructif" (1) nous semble très novateur à l’image d’ailleurs des zapatistes. Car la question n’est pas celle de la violence ou de la non-violence, mais celle de la correspondance entre un contexte politique et social et l’affirmation collective de la résistance

Et ce n’est pas une défense de la non-violence comme méthode que défendent les Tute Bianche comme l’écrit Léonce Aguirre dans le journal Rouge de la LCR (ligue communiste révolutionnaire), mais une confrontation qui n’est pas pensée en terme militaire, mais politique, de la légitimation des actes de désobéissance. Celui-ci se prend d’amour pour des pratiques que la LCR a toujours refusé dans l’hexagone au nom d’attitudes provocatrices ou manipulés par les flics… Enfin, les contradictions font partie de la dialectique trotskyste…

Tout en estimant que les pratiques des Tute Bianche sont intéressantes - ce qui pour le Réseau No Pasaran n’est pas une découverte, pour rappel, nous avons mener plusieurs initiatives communes les années antérieures - cela ne nous empêche pas de revenir sur des questions politiques de fond. Quelles que soient les différences des mouvements entre l’hexagone et l’Italie et donc de l’importance de comprendre dans quel cadre politique et historique s’insère chaque groupe, il y a évidemment des divergences sur des points politiques, notamment en ce qui concerne l’analyse que l’on fait de la gauche et des rapports à avoir avec la "gauche de la gauche" ou des organisations institutionnelles.

Comment après Gênes aborder Bruxelles ?

Un certain D. Cohn-Bendit, qui décidément vieillit très mal, avait appelé pour Gênes dans un interview à la Republica du 19 juin 2001 "à organiser la présence de la police pour affronter cette partie des manifestants qui cherchent la confrontation de rue". Il vient de récidiver en appelant de tous ses voeux à la constitution d’une "zone verte" à Bruxelles, zone tampon entre les manifestants et les policiers. C’est-à-dire que la protection de l’Europe libérale, xénophobe et policière ne serait plus seulement le fait de ses propres institutions, mais aussi de la part de représentants politiques, en l’occurrence les Verts, qui dans les discours pourtant se veulent représenter une "autre mondialisation". Bon courage pour eux !

Pour le Réseau No Pasaran qui a mené plusieurs campagnes sur le thème de la gratuité des transports le mettant en application lors de ses déplacements en 99 à Cologne, lors des marches, ou à Nice en 2000 pour le sommet de l’Union européenne, il semble que la continuation de cette pratique pour l’affirmation de la liberté de circulation, d’expression et de revendications pour toutes et tous reste essentielle. Nous avons bien vu à Nice pour les camarades italiens arrêtés à Vintimille ou pour les Anglais qui voulaient se rendre à Gênes, la difficulté de passer les frontières. Mais de la dynamique collective et de notre capacité inventive ainsi que de notre construction d’un rapport de force dépendra notre succès. De plus, la multiplication de points de fixation n’est pas en soi une défaite, mais peut aussi devenir un élément constitutif de notre résistance. Atteindre Bruxelles est un objectif, qui ne doit pas nous étouffer et nous devons être en mesure de créer partout des zones de confrontations sur les thèmes du chômage, de la précarité, du racisme, du productivisme, etc.

Certains estiment que la manifestation centralisée est le lieu déterminant pour affirmer notre refus d’un système et sont donc prêts à satisfaire aux exigences financières que coûtent ce genre de déplacement. Mais l’affirmation d’une mobilité libre en Europe pour toutes et tous " ceux d’en bas " peut devenir en soi une exigence collective. La revendication de la liberté de circulation et du droit pour toutes et tous de manifester (donc de pouvoir se rendre à une initiative) est fédérateur entre de nombreuses composantes militantes. Les questions pour lesquelles on manifeste à Bruxelles se posent n’importe où l’on peut se trouve stoppé. Le capitalisme n’a pas de centre.

Par ailleurs, un débat mérite d’être posé. Certains groupes posent la question de continuer à courir de sommet en sommet et seraient tenter par d’autres approches de la lutte contre la mondialisation capitaliste. Car la question n’est pas seulement comment se rendre à Bruxelles, c’est aussi pour y faire et y dire quoi ? Si l’on ne veut pas simplement faire nombre en s’ajoutant aux anti-libéraux et leur laisser la parole, il nous faut affirmer le courant anticapitaliste par des initiatives politiques. Serons-nous en mesure d’amorcer une ébauche de ce dernier pour Bruxelles, au niveau hexagonal comme au niveau européen, à ce jour, rien n’est moins sûr.

Laurent

* Tute Bianche : regroupement des centres sociaux du nordeste. Les Tute Bianche ont été très actif depuis plusieurs années dans des luttes sociales et politiques (sans-papier, solidarité avec les zapatistes, lutte des sans-travail, etc.).

(1) Déclaration de Luca Casarini à Il Manifesto du 3 août 2001.


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