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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°9 - Mai 2002 > L’axe des plus forts contre les droits des peuples

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L’axe des plus forts contre les droits des peuples



image 198 x 196Je vous écris d’un pays où la discrimination et l’exclusion règnent où la destruction des ressources locales et celle des infrastructures publiques tiennent lieu de politique ; un pays où la manière de traiter un peuple est d’attiser la haine et de réprimer systématiquement ceux dont les voix sont jugées discordantes et dangereuses ; un pays où, au nom d’un idéal politique et sacré, on nie, jusqu’aux droits les plus élémentaires des personnes et des peuples, la liberté d’expression et d’opinion, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au travail. Dans ce pays, la sécurité est le thème favori de la classe politique.
La réponse apportée par tous les partis politiques, de gauche comme de droite, est le renforcement des dispositifs sécuritaires. Des sommes considérables d’argent sont affectées à la répression et à ce qu’on appelle pudiquement des opérations de maintien de l’ordre, comme le faisait l’armée française en Algérie dans les années 50.
Dans ce pays, la peur est le ressort irrationnel qui laisse croire aux principaux hommes politiques qu’ils peuvent substituer à la réflexion et à l’action politique de fond avec les citoyens l’exploitation des pulsions d’un public-cible, manipulé lors des grandes kermesses électorales.
Dans ce pays, la peur est entretenue à grands coups de propagande et de mensonges, rarement dénoncés par les principaux médias. Cette peur a ses cibles privilégiées : les populations dont les droits sont bafoués et, ce sont les mêmes, les populations les plus pauvres. Mais on ne parle pas d’elles ainsi : on préfère parler d’elles en termes géographiques (des zones non-contrôlées, des zones de non-droit), voire en termes ethnologiques douteux (les populations arabes par exemple, et tous ceux dont on laisse entendre que la présence est tolérée, peut-être légale ou justifiée historiquement, mais en aucun cas légitime.
Dans ce pays, la réponse apportée par le discours sécuritaire permet de ne pas se poser de questions sur les raisons politiques et sociales de la contestation. Pourtant, les raisons politiques sont fondamentales. Elle relèvent de l’organisation de la vie démocratique, de la reconnaissance de la souveraineté du peuple, de l’absence de la légitimité en soi de la violence institutionnelle, si elle est un déni systématique du droit et de l’identité des peuples.
Les raisons sociales sont tout aussi importantes. Elles touchent à l’exploitation des forces de travail et des ressources à un bas coût par des structures monopolistiques - dans cette inversion flagrante du concept de liberté - à l’intérieur du système d’économie libérale.
Dans ce pays, un autre trait caractéristique de l’actualité politique est l’absence de tout projet politique réel. On endort les citoyens en leur promettant moins d’impôts, en les confortant dans leur désir de bien-être, comme si le monde autour n’existait pas. On oublie, si une campagne électorale se présente, de parler des vrais problèmes : la mondialisation libérale et la dépossession de la souveraineté politique, économique, culturelle, alimentaire des peuples, la place des pays riches et leurs choix dans le mouvement de domination des plus pauvres, la critique du modèle libéral.
Cette dernière est-elle si difficile ? Ces zélateurs comme M. Bush osent sans crainte franchir les limites de la décence en assimilant modèle libéral et modèle libre, glissement sémantique dont la portée idéologique est considérable. Il doit être possible de relever le défi d’une telle pensée...
Je vous le demande en toute simplicité : dans ce pays, quel est l’homme politique qui préfère à ce point taire ses objectifs à long terme parce que, trop évidents, ils sont tout simplement indignes ?
Quel est l’homme politique pour lequel l’étranger est le responsable de l’insécurité ?
Quel est celui pour lequel l’expulsion, le nettoyage ethnique à plus ou moins long terme, est la réponse aux défis de sa société, pour lequel la discrimination tient lieu de projet ?
Cet homme, c’est toujours, dans le discours non critique et non critiqué, le plus moderne. Souvent, le plus libéral - celui qui ne fait que délivrer, jusqu’au bout de sa logique, l’idéologie dominante des moments, celle du primat de l’économie et de l’hégémonie du système capitaliste face auquel, paraît-il, il n’y a plus aucune alternative. En clair donc, le plus fasciste : Bush aux Etats-Unis, Sharon en Israël, Le Pen en France.
Je vous écris d’un pays sans frontières.
Je vous écris de la patrie de ceux qui croient en la force du combat politique par les peuples et pour les peuples.
Je vous écris de la Palestine occupée, annexée aux ambitions ultra nationalistes d’un gouvernement d’extrême-droite dans lequel la gauche a accepté de collaborer et perd son âme. Je vous écris d’une Palestine où le peuple continue à résister dans la dignité, malgré l’occupation et la terreur de l’Etat pratiquée par Israël.
Je vous souhaite beaucoup de courage pour faire vivre un autre monde.

En France aussi.

François WEISER,
La Moqata’a, Ramallah,
23 avril 2002


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