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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°9 - Mai 2002 > Les catastrophés et les désobéissants

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Lettre ouverte à quatre reclus de Ramallah sur la terreur d’Etat mondialisée et les moyens de la saboter

Les catastrophés et les désobéissants



Chers amis,
Vous êtes enfermés dans votre appartement de Ramallah et je vous écris tantôt de Paris, tantôt de Rome. Ma liberté de mouvement contre votre assignation à "résidence". Nos échanges - mais n’est-ce pas une habitude entre ces deux rives de la Méditerranée ? - sont décidément inégaux : je vous ai envoyé quelques documents et un salut fraternel, tandis que vous, dans des courriers qui me parviennent par l’intermédiaire de Résister !, vous nous donnez un témoignage très précieux, irremplaçable dans sa singularité, vous nous faites partager l’expérience d’une résistance à la logique de haine qui connaît un nouvel essor au Proche-Orient, et vos voix sont parmi les seules, comme je vous disais, où l’ont entend "l ‘écho des sans-voix, de ces femmes, hommes, enfants soumis à la terreur d’Etat israélienne".
Hier soir, j’ai dîné avec des amis italiens et français, un de ces dîners confortables et sans tensions que j’espère vous aurez vite l’occasion de refaire. Il n’y avait là que des gens de bonne volonté et sensibles aux injustices, et indubitablement de gauche. On a parlé un peu de tout. Mais pas de la Palestine. image 227 x 133Pourtant, j’ai tenté de mettre le sujet sur la table, à deux reprises, dont la deuxième sous forme de provocation lugubre : on avait une discussion de linguistes sur le terme "faisandé" et j’ai balancé une blague désespérée sur l’état d’un nombre incalculable (littéralement, puisque le dénombrement en est de fait interdit) de corps palestiniens aujourd’hui sans vie et sans sépulture. A y repenser, je vois deux raisons à l’échec de mes tentatives. La première, la plus mauvaise, est certainement celle qui prévaut chez beaucoup de monde, en Europe et en Occident : le sentiment que la situation est complexe et qu’une horreur générale, indiscriminée, affecte l’ensemble du "Proche-Orient", c’est-à-dire Israël et la Palestine. Cette horreur tiendrait aux "extrémismes", celui de Sharon d’un côté, celui des terroristes de l’autre. Or, il me semble que c’est un acquis de la réflexion critique sur l’histoire du XXe siècle : il y a, quelque répugnance qu’on ait à les identifier, des degrés dans l’horreur. La situation des Israéliens qui vivent dans la terreur des attentats suicide est atroce. Mais un minimum d’humanité et de raison oblige à reconnaître que cette situation est quand même bien plus confortable que celle que connaît aujourd’hui la population palestinienne soumise aux exactions d’une armée d’occupation qui multiplie les passages à tabacs, humiliations, assassinats de civils, exécutions sommaires, rafles, bombardements, pillages, destructions de maisons et des infrastructures de la vie quotidienne, enlèvements de blessés dans les hôpitaux, internements de masse et tortures. La vie quotidienne des Israéliens, aujourd’hui, reste infiniment plus vivable que ce qu’elle était pour les Palestiniens, avant même l’offensive sharonesque qui n’est que le décuplement, l’intensification jusqu’à l’insupportable de ce que le gouvernement d’Israël fait vivre depuis presque soixante ans aux populations palestiniennes.
Les responsabilités des politiciens palestiniens sont grandes. La corruption effrénée de l’Autorité a sûrement contribué à l’état de misère d’une population qui avait pourtant tant d’atouts (et notamment sa diaspora souvent riche et éduquée). Mais, confinée comme elle l’était, dans une situation d’apartheid, soumise à l’arbitraire de l’armée, au mitage de son territoire par des colonies en expansion et aux provocations des colons fanatiques, la société palestinienne avait-elle vraiment la possibilité de se mettre aux normes de la modernité démocratique ? Pouvait-elle faire autre chose que bander toutes ses forces contre l’occupant ? En réalité, qu’il ait pu y avoir des ONG dénonçant les détentions arbitraires et les tortures des forces de sécurité de l’Autorité, qu’il ait pu exister des associations non-confessionnelles actives dans ce peuple est déjà un miracle qui témoigne de ses ressources. Dans ces conditions, le refrain sur "Israël, seule démocratie du Moyen-Orient" sonne comme une grinçante ritournelle, une pénible provocation : démocratie assez semblable à celle qui régnait dans la société blanche d’Afrique du Sud au temps de l’apartheid.
La logique du martyre qui s’est emparée d’une bonne part de la population palestinienne est, dans tous les sens, insoutenable. Insoutenable pour nous et par nous, sensibles spectateurs. Insoutenable pour l’homme de la rue israélien, notre semblable. Insoutenable aussi pour les palestiniens, nos frères. D’abord, évidemment, parce que ce sont des attentats massacres, des actes de terrorisme au sens propre — réponse artisanale à la terreur institutionnalisée d’Israël, mais réponse terrorisante, toute de même. Et qui comme toute politique de terreur, creuse des sillons de haine, y sème de la mauvaise graine vindicative pour l’avenir et contribue dès maintenant au développement de la terreur d’Etat, à la logique sécuritaire mondiale, à l’identification de la résistance palestinienne au nouveau Satan planétaire : le terrorisme et son fameux " Axe du Mal ". Ensuite, parce qu’il s’agit d’attentats-suicides, et donc, qu’ils soient ou non perpétrés par des gens sous influence religieuse, lourds d’obscurantisme mortifère et d’oppressions à venir. Une politique qui trouverait dans la haine et l’exaltation de la mort sa principale force ne pourrait à terme accoucher d’une société où il ferait bon vivre.
Mais il faut bien constater que la population israélienne, à l’exception d’une courageuse minorité, s’était installée dans une schizophrénie qui frappait tous ceux qui étaient amenés à passer de Tel-Aviv, ses bars branchés, ses boîtes de nuit, sa rue joyeuse et bariolée, aux territoires occupés soumis aux exactions et humiliations de l’occupation militaire.
Qu’une bonne part du peuple palestinien voie dans les attentats suicides la seule solution pour tirer les Israéliens de leur confortable refus de voir l’oppression sur laquelle repose leur société (quand ce n’était pas chez eux un racisme tranquille), que le martyre soit la seule orientation qu’une jeune fille de 17 ans songe à prendre à l’orée de sa vie, c’est une tragédie affreuse. Mais, à peine d’être ravalée à des larmes de crocodile, la déploration qui monte de l’Occident devrait s’accompagner de la question : dans la nuit où on l’avait plongé, quelle autre solution pouvait-il voir, ce peuple ? quelle autre voie s’offrait à cette jeune fille ? et qu’avons-nous fait pour lui en ouvrir une ?
Nous n’avons rien fait. Voilà la deuxième raison de la surdité de mes convives, hier soir. " Nous n’avons rien fait et nous ne savons pas quoi faire " : le sentiment d’impuissance s’aggrave à mesure qu’on prend conscience de l’ampleur de la catastrophe en cours. Malgré les 30 000 manifestants à Paris, et un nombre sans doute équivalent à Rome et beaucoup de monde ailleurs, l’inertie prédomine chez la plupart de ces Européens éclairés qui furent capables de se mobiliser pour d’autres cause. Samedi prochain, les de-gauche italiens qui étaient absents à la manif de samedi dernier (au nom d’une pseudo-équidistance du terrorisme et de l’ "extrémisme" sharonien) vont certainement participer nombreux à une nouvelle "ronde" autour du ministère de l’Instruction publique, pour défendre l’enseignement, après avoir défendu la justice et la radio-télé d’Etat. Dans cette défense d’institutions rongées par l’évolution néo-libérale qu’elle s’est bien gardée de contrecarrer quand elle était au pouvoir, l’impuissance de la gauche va donc se donner à voir dans son activité préférée : tourner en rond. En France, combien de ceux qui étaient descendus par dizaines de milliers pour exiger la régularisation des sans-papiers savent-ils que le problème n’a pas été résolu mais plutôt aggravé par les lois Chevènement ?
Combien sont surtout occupés aujourd’hui à opérer leur virage sécuritaire avec Chevènement et Jospin ?
De la balle qui a traversé le crâne de Carlo Giuliani à Gênes en juillet 2001, en passant par la crise de la new-economy et l’écroulement des tours qui surplombaient l’imaginaire de la planète jusqu’à l’entrée des chars dans Ramallah, la conscience que des temps difficiles s’annoncent ne cesse de progresser. Contre la récession, l’économie de guerre. Contre la remise en cause du pouvoir impérial des organismes transnationaux et du commandement étasunien, la croisade contre l’ " Axe du mal ". Contre la crise des banlieues du monde, la logique sécuritaire, la fabrique de la haine. Selon toute probabilité, dans les mois et les années à venir, la vie devrait être plus dure et plus laide. C’est ce qu’on appelle une "prophétie auto-réalisante" : la décourageante conscience des malheurs à venir aide à leur venue.
A ce sentiment d’impuissance devant la "Course à l’abîme", (pour reprendre un titre du Monde), s’ajoute un autre facteur sur lequel on retombe chaque fois qu’il s’agit de critiquer Israël : l’accusation d’antisémitisme. Comme à chaque fois que la politique de cet Etat est violemment mise en cause, ses soutiens s’emploient à resserrer les rangs de la communauté. Comme vous l’avez notamment montré avec la citation de cet expert que vous tirez de Haarez, ils font tout pour donner le sentiment que c’est l’existence même du peuple juif qui est menacée : "Stephen Roth, de l’Institut pour l’étude du racisme et de l’anti-sémitisme contemporains (Université de Tel Aviv) a prévenu lundi, lors d’une conférence de presse, que la vague actuelle d’antisémitisme est la pire qui va frapper la planète depuis la Deuxième guerre mondiale… Les chercheurs ont dit que le problème ne se limitait pas à la violence et au vandalisme. Ils ont expliqué qu’étaient particulièrement inquiétantes les déclarations faites dans les médias et même dans des cercles intellectuels et gouvernementaux, en particulier en Europe de l’Ouest" Comme vous dites : "les médias occidentaux, on croit rêver !"
Cet alarmisme intéressé prend appui sur les actes judéophobes enregistrés récemment, telle l’attaque de synagogues en France. La plupart d’entre eux, comme le dit Théo Klein, ancien président du CRIF, et comme le montre l’arrestation des incendiaires de Montpellier, sont plutôt des actes de paumés. Mais que des sentiments antijuifs existent dans des milieux sympathisants de la "cause palestinienne", en particulier ceux qui sont touchés par l’intégrisme est indéniable. Il est bien sûr vital de s’opposer à toute expression de ce genre, et de ne jamais manifester la moindre complaisance à leur égard, y compris au nom de l’ " unité " (j’ai moi-même été amené à réagir à une caricature de Sharon diffusée sur le net, pour le moins ambiguë). C’est vital pour une raison tactique : éviter la délégitimation d’un juste combat. C’est vital surtout pour une raison de fond. On ne peut dénoncer les crimes racistes de Tsahal en acceptant une autre forme de racisme : sur ce chapitre, il ne faut jamais avoir peur de se répéter. La déclaration des écrivains arabes dans Le Monde du 10 avril est la bienvenue.
Car chacun le sait et le comprend, la mémoire de l’entreprise d’extermination conduite par les nazis contre les juifs en tant que juifs demeure toujours douloureusement à vif. Cela doit nous rendre attentifs au danger des assimilations polémiques. Parler de "génocide "à propos de l’opération en cours en Cisjordanie est faux(1) : malgré l’horreur de ce qui s’y passe, malgré les massacres, il ne s’agit pas d’une entreprise d’élimination physique de la totalité du peuple palestinien, mais d’une ponction dans ses forces vives, opérée avec tout le cynisme nécessaire, d’une destruction de sa jeunesse, de ses cadres et de ses combattants les plus résolus. On peut sans doute parler de "sociocide" : il s’agit du rêve follement cruel et heureusement irréalisable de ramener une population au plus près de l’anomie, de l’inorganisation afin de provoquer une décomposition de la société, de la réduire à une agrégation de groupes faciles à réprimer et à reformater.
Deux remarques, quand même :
1) Les organisateurs des manifestations pour la Palestine n’ont pas attendu mes bons conseils, au moins en France, pour s’opposer aux ambiguïtés. Lors de la plus importante d’entre elles, pas le moindre dérapage n’a été signalé.
2) Il n’y a pas de vague d’antisémitisme ni en France, ni en Italie, ni enaucun pays d’Europe occidentale. Toute personne de bonne foi en conviendra, on ne va pas citer les sondages, mais il est clair que la condamnation du judéocide nazi et de l’antisémitisme font partie des données de base de la conscience commune.
Mais, comme le disent les signataires d’un appel (2) publié par le journal du soir : "Prétendant parler au nom des Juifs du monde entier, les dirigeants israéliens et les porte-parole communautaires usurpent la mémoire collective du judéocide et commettent un détournement d’héritage." Et c’est justement parce que l’opposition à l’antisémitisme reste une donnée de base de la conscience collective en Europe occidentale (on n’en dira pas autant de certains pays d’ex-Europe de l’Est) que le détournement et l’usurpation consistant à appeler à une manif "contre l’antisémitisme et pour Israël" ont pu fonctionner à plein. Cent mille personnes, en France, ont soutenu cette assimilation d’un Etat en train de mener une guerre de terreur, à la cause universelle de la lutte contre l’antisémitisme.
Détournement et usurpation s’ajoutant à l’unanimisme autour de la croisade contre le terrorisme expliquent sans doute l’extrême prudence des médias.
Quelques exemples simplement, pour l’illustrer. Pendant et surtout à la fin de la manif pro-israélienne de dimanche dernier, les nervis fascistes du Bétar et de la Ligue de défense juive ont procédé à de véritables ratonnades, rouant de coups Arabes et Noirs. Imagine-t-on la très légitime indignation qui aurait saisi les médias si, la veille, à la manif pro-palestinienne, on s’en était pris à des juifs ? Il faut bien constater que l’épisode a été traité sur le mode du service minimum. Et s’agissant de la LDJ, si le Monde a rappelé que son fondateur, le rabbin new-yorkais Kahane, avait été tué par un Palestinien, le journal du soir a oublié de préciser qu’il avait été destitué de son mandat de député israélien pour racisme anti-arabe ! A Rome, pendant la manif propalestinienne, certains responsables communautaires avaient si bien chauffé leurs troupes que les rues autour de la synagogue (celles que les journaux appellent le "ghetto") étaient remplies de policiers et de groupes de défense juifs, comme si un pogrom était à craindre. Non seulement c’était un fantasme très loin de l’humeur de la manif, mais la banderole la plus applaudie par les manifestants était celle des "juifs contre l’occupation". Signalons pour terminer le journal télévisé de Rai2 qui reprend purement et simplement la terminologie de Tsahal en parlant d’"opérations antiterroristes" pour désigner la campagne dans les territoires. Détresse devant l’offensive impériale, incapacité de penser les formes de la terreur au Moyen-Orient comme celles des dangers racistes et antisémites, soumission aux priorités médiatiques dominantes : les raisons ne manquaient pas aux porteurs de la mauvaise conscience de la gauche européenne pour rester à la maison. Devant la catastrophe, ils savent seulement rester catastrophés.

Heureusement, il y a encore des gens pour penser qu’un autre monde est possible. L’intervention des Missions civiles, des "internationaux", "action for peace" et autres "désobéissants" a introduit dans ce conflit une nouveauté absolue, riche de promesses pour l’avenir. Au début des années 80, des Gluksman, Kouchner, et autres Sartre vieillissant, confrontés à l’exode des boat-people vietnamiens, s’étaient mobilisés autour de ce slogan : "il faut sauver les corps". Ainsi annonçaient-ils l’essor de l’humanitaire, cette défaite de la politique, qui allait s’occuper des humains réduits à des corps dans leur seule dimension biomédicale, des êtres séparés, coupés de leurs relations sociales, de leurs solidarités, de leur histoire, de leurs combats. Faute d’avoir participé à leur résistance à l’oppression, on panserait les plaies de leur défaite. Les désobéissants, eux, viennent en Palestine pour sauver des corps, ce en quoi ils se distinguent de la solidarité abstraite du gauchisme ordinaire, mais ce sont des corps dans toutes leurs dimensions, c’est-à-dire avec leurs relations sociales, leurs rêves, leurs racines et leurs envies de bouger.
Leur présence, que ce soit sous forme de manif (soutien aux réfractaires emprisonnés, manif à Jérusalem réprimée par la police montée) ou d’interposition (à l’hôpital de Ramallah, à Gaza…) contribue à sauver des vies. Ce qui, à soi seul, suffit largement à justifier leur présence. Mais ils vont nettement plus loin. Ils contribuent à dégager une autre voie que celle des attentats-suicides. A sortir la société palestinienne du tête à tête mortifère que cherche Sharon. En effet, si l’on peut créditer ce soudard d’une stratégie, c’est celle qui a été utilisée dans la zone arabo-musulmane par tous les pouvoirs soucieux de se débarraser des contestations laïques, et qui a donné les fruits qu’on sait depuis vingt ans en Algérie, en Afghanistan et ailleurs : il s’efforce de n’avoir plus en face de lui qu’un ennemi bien satanique, à sa main, les intégristes. Que des Palestiniens puissent rencontrer dans une solidarité concrète des gens venus de Marseille, de Pérouge ou de New York pour s’opposer activement aux exactions de Tsahal ne peut qu’encourager des échanges subversifs, c’est-à-dire qui transforment les deux parties.
Avec le recours aux nouvelles techniques de communication (portables, vidéos et appareils photos numériques, internet) que vous maîtrisez si bien, chers correspondants, cette présence contribue à développer une conscience critique mondiale. Des gens comme vous qui racontent la réalité quotidienne de l’invasion israélienne nous permettent de mieux saisir l’unité croissante du monde, et de la terreur qu’on y fait régner. En lisant vos descriptions des comportements de l’armée israélienne, il me semblait retrouver les récits des exactions russes en Tchétchénie.
Comme le disent les désobéissants dans le document que j’ai traduit et que je vous ai envoyé, ils interviennent du "cœur de la guerre globale permanente". On pourrait signaler aux amateurs d’intégration républicaine que José Bové, en pénétrant dans le bureau d’Arafat, a plus fait pour l’intégration des banlieues dans la patrie du Roquefort que mille contrats locaux de sécurité. Mais le président de l’Autorité défendu par des anti-autoritaires, l’apologiste du sacrifice sanglant (voir ses déclarations aux télés arabes, proches de l’hystérie : sans doute le moment était-il difficile) secouru par des pacifistes, tout cela fait beaucoup de paradoxes pour moi.
Je préfère penser à ces deux femmes, une jeune et une moins, dont m’a parlé avec admiration un ami cameraman de retour des territoires. Sans notoriété particulière, ces deux-là ont poussé à bout la tactique des désobéissants (utiliser les contradictions de la "seule démocratie du Moyen-Orient") en accompagnant des ambulances pendant 48 h sans discontinuer, brandissant leurs passeports français face aux canons des tanks pointés. Elles et leurs semblables sont en train de vivre une formation accélérée à la brutalité du monde et à la beauté du désir de le changer. On n’a pas fini de prendre la mesure de ce que représente leur intervention. Une chose est sûre : ces gens-là et vous avec, avec votre humanité obstinée, vous représentez, aux côtés des Palestiniens qui résistent, la bonne raison de ne pas désespérer devant la catastrophe en cours. Aux désobéissants, aux pacifistes, comme à vous, sur place depuis plus longtemps, permettez-moi de répéter la conclusion de mon précédent message : Prenez bien garde à vous, surtout pas d’héroïsme inutile : la Palestine et notre malheureuse terre toute entière sont recrues de héros. Ce qu’il nous faut, c’est du courage, de l’humour et de l’amour. Visiblement, vous n’en manquez pas. Nous avons besoin de vous.

Serge Quadruppani

(1) De même, il est indispensable de s’opposer aux slogans (j’en ai vu dans la manif italienne) du type " SSionistes aSSassins " : tous les sionistes ne sont pas d’accord avec Sharon (par exemple les réservistes qui refusent de servir dans les territoires sont sionistes). Et les sionistes, de toutes façons, ne sont pas des SS, et pas même Tsahal : il n’y avait pas d’objecteurs de conscience chez les SS !
(2) "Soutenir Israel ? pas en notre nom !" paru dans Le Monde du 6 avril, signé par Daniel Bensaïd, Rony Brauman, Suzanne de Brunhoff, Liliane Cordova-Kaczerginsky, Marc Cramer, Joss Dray, Rachel Garbaz, Gisèle Halimi, Samuel Johsua, Francis Kahn, Pierre Khalfa, Hubert Krivine, Isabelle Kzwykowski, Dominique Lévy, Henri Maler, Willy Rozenbaum, Nicolas Shashahani, Catherine Samary, Michèle Sibony, Pierre Vidal-Naquet, Olivia Zemor.


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