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Retour de Gênes, retour sur Gênes

Multitudes en marche contre l’Empire


image 266 x 345par samizdat.net

Gênes - 19, 20 et 21 juillet 2001
Multitudes en marche contre l’Empire
336 pages, format 15x21, illustré (noir et blanc)
Prix : 16 Euros en librairies

A commander à Reflex distribution, 21ter, rue Voltaire, 75011 Paris (chèque à l’ordre de Reflex)
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Les dernieères parutions des Editions Reflex


« Dans la capitale ligure elle-même, il existe un chant traditionnel, polyphonique, celui des dockers qui, une fois le labeur terminé, font trallalà, trallalà en chœur dans les bars. Gênes, des choses et d’autres, des voix et des sons. Durant les jours du G8, avant, pendant et après la catastrophe, un gigantesque trallalero a retenti dans toute la ville. Des centaines de milliers de manifestants, des femmes, des hommes et des enfants, qui hurlent tantôt de panique, tantôt de bonheur, tantôt de colère ; des forces militaires qui cognent leurs matraques tantôt sur leurs boucliers, tantôt sur la gueule qui passe à leur portée ; des commentaires idiots mais énoncés doctement ; des idées de transformation avancées à voix basse, des histoires, des prières, des chants » [1].

Du 19 au 21 juillet 2001 se réunissait à Gênes le G8, dans une Italie qui venait tout juste de passer sous le contrôle d’une coalition de droite, sous la direction du très controversé Silvio Berlusconi, rassemblant aux côtés de Forza Italia (le parti du cavagliere), les « post-fascistes » de l’Alleanza nazionale, les « séparatistes » xénophobes de la Ligue du Nord, plus quelques restes de la vieille Démocratie chrétienne.

Un sommet du gouvernement autoproclamé du « Monde » qui s’annonçait aussi d’emblée comme un enjeu majeur, tant pour le pouvoir qui - après les contre-manifestations massives de Seattle, Pragues, Davos, Nice, Québec ou encore Göteborg - doit absolument faire une démonstration de force politique aux yeux du monde et imposer sa suprématie ; que pour la contestation de la mondialisation néolibérale qui ne peut que saisir cette nouvelle occasion d’être acteur - tout à fait indésirable - d’un processus de transformation sociale globale que l’on tente d’imposer « par le haut ».

Mais le rendez-vous de Gênes s’annonce aussi comme bien plus que cela. Il ne pouvait de fait que marquer, à plus d’un titre, un tournant pour le mouvement dit « anti-globalisation », et clore ainsi un cycle de luttes et de mobilisations initié quelques années auparavant (1999) avec les journées de Seattle [2].

Tout d’abord parce que les sommets futurs des organismes internationaux de pouvoir (Forum économique, Organisation mondiale du commerce, G8, etc.) offriront probablement, de par leur localisation, bien moins prise à des mobilisations de masse internationales : ne parlait-on pas dès l’approche de Gênes d’un prochain sommet du G8 dans les Rocheuses canadiennes [3] ou d’une session de l’OMC au lointain Quatar. Ensuite, et surtout, parce que le mouvement lui-même - à partir de Seattle - a produit des parcours collectifs qui ne peuvent être indéfiniment reproduits de façon mécanique : que ce soit l’effet de surprise du processus coopératif des multitudes qui s’est vérifié à Seattle, ou encore l’agrégation affinitaire dans l’action collective qui est apparue à Prague, aucun de ces « modèles » ne s’est répété à Gênes où, qui plus est, le mouvement s’est particulièrement confronté à la force brute de la violence du pouvoir d’État.

C’est dans cet état d’esprit que nous avons pris la route pour Gênes. Nous, c’est-à-dire des dizaines de milliers de femmes et d’hommes, de syndicalistes, de militants associatifs, d’activistes divers et variés, de féministes, de religieux, de « casseurs », de pacifistes, etc. Des dizaines de milliers d’individus, venus des quatre coins de la planète, qui ont investi dans cette sorte de nomadisme de la contestation leurs parcours, leurs expériences, leurs affects, leurs espérances et leur rage. Les multitudes du « peuple de Seattle », qui s’étaient transformées au fur et à mesure en « peuple de Prague », « peuple de Québec » ou « peuple de Göteborg »... et qui s’est fait « peuple de Gênes ».

C’est que nous avons voulu raconter dans ce livre. Le récit de cette histoire en train de se faire.

Car, plus encore que des raisons purement « politiques », l’envie de faire un livre « sur » Gênes tient surtout au fait que ceux d’entre nous qui y ont participé d’une façon ou d’une autre - qui étaient à Gênes et qui ont participé à la mobilisation avant - n’oublieront jamais ces journées incroyables, et ne peuvent se retrouver dans les interprétations médiatiques et/ou idéologiques qui, après coup, tentent d’occuper l’espace imaginaire et subjectif.

De par le travail réalisé par les réseaux de communication alternatifs (en particulier autour de samizdat, du réseau Indymedia ou de Carta en Italie), qui d’autre que « nous » finalement dispose de la « matière première » pour raconter Gênes sans autre prétention que de donner la parole à des acteurs de ce mouvement, sans d’autre prétention que de restituer du vécu, de la subjectivité, du désir ou de la rage, et une diversité d’expressions politiques. Qui d’autre pouvait envisager de livrer les sources de cet instant d’histoire mineure à l’intelligence collective des sujets sociaux, loin de toute reconstitution apocryphe ou mythologique [4].

« Donner corps à la polyphonie des multitudes de l’Empire », comme nous l’avions annoncé avant Gênes [5]. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Parler avec dix mille voix, raconter de cent mille façons, construire un point de vue politique riche de la diversité de nos points de vue.

Cet ouvrage est donc d’abord un recueil de documents du mouvement et de récits à la première personne. Des textes qui sont tout autant les minuscules « dépêches » que nous diffusions à chaud [6], les appels des différentes composantes du mouvement de Gênes, que les insatiables paroles écrites de ceux d’entre nous (et d’autres, tant d’autres) qui ont ressenti le besoin de dire dans les jours ou les semaines qui ont suivi ce qu’ils ont vécu à Gênes. Des images aussi, qui saisissent ces fragments instantanés infimes de ce à quoi nous avons assisté et participé.

Peut-être faut-il, pour conclure et pour lever toute ambiguïté, justifier aussi certains choix. Nous n’avons, bien sûr pas « tout » publié : comme pour n’importe pour quel ouvrage, il fallait trier, sélectionner et organiser une importante quantité de matériaux disponibles en particulier sur les mailing lists et les sites web du mouvement. Ces choix sont bien sûr parfaitement subjectifs. Nous avons cela dit cherché à respecter au maximum les diverses sensibilités qui se sont exprimées, indépendamment de nos propres proximités ou engagements politiques personnels ou collectifs. Répétons-le : la qualité du débat dans le mouvement nous importe plus que les « vérités » hâtives.

C’est pourquoi aussi, loin d’esquiver le débat sur la « violence » dont ont fait usage une partie des manifestants, ou sur les « provocations policières », nous avons par contre écarté les prises de positions par trop polémiques et réductrices, préférant illustrer la diversité - et éventuellement les oppositions - de points de vue et de logiques, et les livrer ainsi à la réflexion collective. C’est dans cette logique que samizdat.net avait déjà, dans le feu de l’action, accordé une certaine place aux prises de positions de diverses composantes du « Black Block », tout comme à celles des composantes pacifistes et non-violentes, des « Tute Bianche » ou encore des « sorcières féministes » comme Starhawk. Polyphonies, encore... [7]

Enfin, comment conclure sans avoir une pensée pour Carlo Giuliani, tombé sous les balles de la police de l’Empire, et aux centaines et centaines de blessés, torturés, frappés, interpellés, emprisonnés, pour être venu exprimer leur conviction qu’un autre monde, un monde fait d’autres mondes, est nécessaire et possible.

[1] Thomas Lemahieu, Trallalero genovese - Polyphonies génoises, août 2001.

[2] Sur Seattle voir : Starhawk, Comment nous avons bloqué l’OMC.

[3] Le prochain sommet du G8 aura effectivement lieu à Kananaskis, localitée isolée dans les Montagne Rocheuses (genre Davos en moins accessible), près d’Ottawa au Canada.

[4] Qu’il s’agisse, par exemple, des inepties mensongères d’une Susan Georges qui reprend le refrain complotiste sur les « casseurs manipulés par la police », ou l’imbécillité paranoïaque d’une partie de l’ultra-gauche parisienne qui dénonce avec hargne la « trahison réformiste » de tous et verse dans un douteuse éloge de l’émeute.

[5] Voir notre texte : samizdat.net, « Donner corps à la polyphonie des multitudes de l’Empire », repris dans cet ouvrage.

[6] Voir en particulier le web de samizdat (Hacktivist News Service) et le Temporary News Engine mis en place au moment de Gênes.

[7] Le lecteur attentif remarquera aussi que nous n’avons pas cédé à la tentation, contrairement à d’autre, de noyer la « leçon gênoise » dans le trauma du 11 septembre. « Apocalypse New York » marque très certainement un tournant dans la politique de l’Empire (le passage à l’état de guerre permanent), mais n’oblitère en rien la nécessité d’une évaluation du parcours collectif des multitudes de Seattle à Gênes. Sur les évaluations du 11 septembre et de ses effets collatéraux.


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