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Juin-Juillet-Août 2002
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Catalogne

Okupation à Barcelone


Le mouvement Okupa fait suite en Espagne aux expériences européennes de pays comme l’Allemagne, l’Angleterre ou les Pays-Bas.


L’occupation illégale de logements vides a toujours existé, mais son aspect revendicatif en tant que mouvement politique s’est intensifié durant ces dix dernières années et s’insère maintenant dans un mouvement de mécontentement général. La population réalise que ceux qui nous gouvernent ne s’occupent ni de justice sociale, ni de nos nécessités premières. Le confort général se dégrade, les aides sociales diminuent et le chômage frappe de plus en plus fort. Beaucoup de gens sont à la rue et beaucoup de logements sont vides. Tandis que les banques et les agences immobilières s’enrichissent en spéculant, un large secteur de la société contre-culturel et plus radical se retrouve exclu des lieux officiels de participation politique et artistique. Ce manque d’espace où vivre, créer et s’organiser politiquement, pousse des centaines de personnes à enfreindre la loi et à « okuper » des bâtiments vides. La caractéristique de notre mouvement, n’est pas le fait de s’approprier des lieux de vie, mais plutôt de revendiquer publiquement l’utilisation politique de ces lieux afin d’impulser une transformation sociale. L’objectif de ce mouvement est de partir du problème social de l’exclusion, qui représente au bout du compte la priorité de l’argent sur les besoins des individus soumis au joug du capitalisme. Nous tentons ainsi de faire apparaître la complicité des gouvernements « démocratiques » à cette injustice.
Le mouvement Okupa est hétérogène ; on y trouve des personnes de tous âges et origines, ainsi que des collectifs aux intérêts très variés qui vont de l’écologie à l’antimilitarisme. La différence de points de vue individuels plus ou moins politiques, anarchistes ou nationalistes, n’empêche pas qu’à l’heure des conflits nous nous nissions en un front commun. Notre esprit militant nous fait nous retrouver tous dans un combat contre les abus de pouvoir et les injustices.
Nous nous efforçons de prendre en charge le maximum de nos moyens de subsistance ; nous fuyons autant que faire se peut le travail salarié et essayons de vivre avec ce que nous produisons. L’argent récolté dans les cafétérias et lors des concerts est utilisé pour l’entretien des lieux de vie, pour financer les projets et les actions des collectifs ainsi que pour couvrir les frais de justice des camarades détenuEs. Nous essayons aussi de sortir le plus possible d’un processus de consommation aussi bien pour la nourriture, les vêtements que pour les matériaux que nous récupérons.
Nos lieux de vie se composent de logements et de Centres Sociaux Occupés (CSO) où nous proposons gratuitement des ateliers de jeux comme de formation, ainsi que des concerts et des manifestations politiques de toutes sortes.
Le mouvement, qui met en pratique la démocratie directe, la tolérance, l’anti-autoritarisme, l’action directe et la désobéissance civile, s’organise horizontalement en assemblées citadines de quartiers.
Il repose sur un réseau d’entre-aide entre les maisons « okupées » pour ce qui concerne les questions de survie quotidiennes, les expulsions et la coordination d’actions de groupes affinitaires. Nous faisons notre possible pour maintenir le plus de vigueur possible à la dynamique de nos mouvements tout en protégeant nos lieux de vie et en élaborant des stratégies de combat face à la répression lors des expulsions et des manifestations.
Nous nous appuyons également sur une structure de contre-information très efficace à base de bulletins et de radios qui retransmettent nos activités ainsi que nos revendications. Mais nous comptons surtout sur une protection juridique qui nous oriente et nous défend à l’heure de la répression policière. Pour nous, l’« okupation » est un moyen et une fin en soi. L’objectif principal est de mettre en évidence les carences et les contradictions du système actuel.
Notre axe de lutte s’articule autour de l’injustice et l’exploitation générées par le capitalisme, la démocratie et ses institutions, parmi lesquelles la dictature qui se dissimule derrière l’Etat, et pour finir, la société et ses valeurs absurdes et rétrogrades.
Plutôt que de s’époumoner en discours politiques, nous croyons en la mise en forme de nos revendications par la pratique de nos idées et de nos valeurs. « Okuper » devient une façon de vivre et un défi d’émancipation personnel. Nous essayons de nous épanouir en vivant en communauté et en éprouvant des attitudes cohérentes avec nos principes. Notre mode de vie alternatif est notre proposition politique de transformation sociale. Nous sommes des acteurs sociaux et prétendons rendre son engagement politique à la société civile.
Notre critique portée sur la propriété et la démocratie, qui sont les bases sur lesquelles reposent le système, ainsi que la puissance de nos mobilisations populaires, ont amené l’Etat à nous considérer comme une sérieuse menace pour son « harmonie sociale ». Pour cela, il nous fait payer le prix des condamnations et de la diffamation. Depuis 1995 le code pénal nous assimile à des délinquants et les mécanismes judiciaires se simplifient afin de nous couper l’herbe sous le pied en nous expulsant plus rapidement. La légitimité de nos revendications nous a apporté le soutien de partis politiques, d’associations citoyennes, de syndicats et de magistrats qui commencent à refuser de traiter ces affaires par la voie pénale.
Des milliers de déclarations publiques, de marches et de manifestations de soutien au mouvement Okupa continuent d’empêcher l’Etat de nous faire disparaître. Néanmoins, la stratégie de criminalisation du gouvernement relayée par les médias, nous associant à la violence, aux délits et au terrorisme, est en train de porter ses fruits. Une fois l’opinion publique tournée contre nous, la torture et les violences policières sont facilement justifiables. Les enquêtes de la police destinées à nous contrôler, tout comme les stratégies de poursuites et de persécutions, sont les mêmes que sous la dictature franquiste. La répression harcèle notre mouvement, en particulier ses composantes autonomes et les plus radicales. Sans vouloir être pessimistes, nous pensons être capables de pouvoir résister encore de nombreuses années à cette pression. Le panorama européen prouve que le mouvement des squats à fini par être détruit ou « acheter » par les gouvernements.
Nous verrons bien comment le mouvement espagnol pourra résister, ce qui nous renseignera sur le degré d’authenticité de « notre démocratie ».

Laïa


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