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Mobilité et immobilité
en système capitaliste


« Liberté de circulation pour toutes et tous ! » Hiver 98. Alors que les chômeurs et précaires revendiquent la gratuité des transports, ce slogan réapparaît sous un jour nouveau. Quelques années auparavant, les sans-papiers rejetés par l’Etat français, scandaient les mêmes mots. Des militants lancent alors de manière hasardeuse : « La lutte pour les transports gratuits, des précaires est liée à celle des sans-papiers. » Et pourtant difficile de dire en quoi les transports gratuits seraient un tournant pour les luttes de l’immigration ? « Les sans-papiers indiquent qu’ils se font souvent arrêter dans le métro lors de simples contrôles de tickets » précisent certains.

Durant cette même année 1998, les Belges du Collectif Sans Nom occupent un logement vide du centre-ville bruxellois, et lancent deux dynamiques autour de ce lieu. L’une en soutien aux sans-papiers avec le Collectif Contre Les Expulsions, l’autre pour l’accès aux transports avec le Collectif Sans Ticket (Cst). Le Cst va aller au-delà du slogan « transports gratuits pour tou-tes », pour réclamer le libre et égal accès à la mobilité. Les militants belges vont réaliser un saut qualitatif considérable dans la réflexion. En parlant de mobilité, ils établissent des ponts vers d’autres luttes : celles des sans-papiers certes, mais aussi vers tous ceux qui, cloisonnés dans leur quartier, sont victimes de l’ordre sécuritaire.

En face, les pouvoirs étatiques et financiers cherchent à contrôler, sans jamais l’entraver totalement, notre mobilité. Les Etats occidentaux régulent le passage aux frontières, en ouvrant ou fermant les vannes à leur guise, suivant le besoin du moment. Satisfaire les pouvoirs économiques reste l’enjeu principal. Ainsi, « les chômeurs, jugés improductifs, ne bénéficient que très rarement de la gratuité des transports, sauf si leur déplacement est lié à l’insertion dans le monde du salariat. » (1)

Le système capitaliste est d’ailleurs traversé tout au long de son Histoire par des politiques qui tantôt favorisent la mobilité et tantôt la contraignent. L’entreprise paternaliste de l’entre deux-guerres pour conserver l’ouvrier dans l’usine offre le logement, l’instruction aux enfants, la couverture santé, etc. Dans la même optique, la carte de travail ouvrière de la fin du XIXe siècle interdit de retrouver un emploi sans le quitus de son ancien patron.

Mais à d’autres périodes, lorsqu’il a fallu approvisionner les usines en main d’œuvres, l’Etat s’est attelé à favoriser la mobilité des populations rurales. Les immigrés Polonais n’ont pas été arrêtés aux frontières quand les usines des bassins miniers cherchaient des travailleurs. Et lorsque pour satisfaire l’industrie nationale l’on a besoin de construire un barrage, on n’hésite pas à déplacer des populations entières ; sans contrôle de papiers bien évidemment.

Ainsi, nos dirigeants se trouvent dans une contradiction permanente entre favoriser et contraindre la mobilité. Ils trient alors sur le volet les populations qui doivent être mobiles – les salariés d’Île-de-France ont les transports en commun remboursés à 50% par leur employeur – et les populations qui doivent être immobiles – les habitants de Bedford-Stuyvesant à New-York, n’ont pas le droit de sortir de leur ghetto sans carte de travail. La mobilité apparaît donc comme une grille d’analyse de notre société, un concept pour analyser le système capitaliste, mais aussi au-delà, car le contrôle de la mobilité dépasse la simple organisation d’une société sous un mode capitaliste, et existe avant elle.

La revendication pour la liberté de circulation devient alors d’autant plus pernicieuse qu’elle met le doigt sur cette contradiction de nos dirigeants tiraillés entre l’organisation de notre mobilité et de notre immobilité. Les partisans de la liberté de circulation ne demande ni une mobilité excessive ni une immobilité absolue, ils revendiquent d’avoir le choix d’aller où l’on veut, quand l’on veut ! C’est alors que demander les transports gratuits devient une lutte pour l’égalité, mais aussi pour la liberté.


1. Collectif (2002), Fraude de mieux, Editions Reflex

Articles du dossier :
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Quand la mobilité des uns détermine la vie des autres
Mobilité et immobilisation en régime globalitaire
Le symbole comme programme politique
Il n’y a pas de fumée sans fraude


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