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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°12-Septembre 2002 > Unité Radicale : année zéro

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Unité Radicale : année zéro


À l’exception des lecteurs assidus de No Pasaran et de REFLEXes, l’ensemble de la population aura découvert Unité Radicale (UR) en même temps que Maxime Brunerie. De nombreux journalistes aussi, et passée la panique des premiers jours, tous se sont appliqués à remettre leurs petites fiches à jour, et tous les journaux ou presque y sont allés de leur petit historique du mouvement, nous ont offert une biographie détaillée de Brunerie (dont l’intérêt est à la mesure du personnage, c’est-à-dire nul) et se sont réjouis à l’unisson de l’interdiction d’UR. Près de deux mois après l’attentat manqué du 14 juillet, il est temps de revenir sur ce non-événement, dont les conséquences pourraient cependant avoir des répercussions bien au-delà du petit cercle des nationalistes radicaux.


Pas de place ici pour un rappel de ce qu’est Unité radicale : nous renvoyons le lecteur à l’article qui lui est consacré dans un ouvrage collectif publié aux Editions Reflex , et à l’avant dernier numéro du magazine antifasciste radical REFLEXes sur la place réelle ou fantasmée du terrorisme et de la lutte armée dans les milieux d’extrême droite.

Inutile non plus de revenir en détail sur l’attentat lui-même : il suffit d’en retenir son caractère hautement amateur, à la limite du risible (une 22 long rifle dans un étui de guitare !) et la personnalité du tireur, dont l’immaturité n’avait d’égale que le racisme viscéral (mais que dire de la personnalité de la victime ?). À coup sûr un acte isolé, les coups de feu de Brunerie ne pouvaient pourtant pas mieux tomber pour Unité radicale.

Car, n’en déplaise aux forcenés des interdictions en tout genre, le déclin d’UR était amorcé bien avant le 14 juillet 2002, et l’heure était déjà au bilan au début de l’été. Le principal animateur du mouvement depuis sa création en 1998, Christian Bouchet, ayant été mis à la porte par ses anciens amis Fabrice Robert et Guillaume Luyt à la suite d’un " puputsch " qui en rappelle un autre, le mouvement s’est retrouvé sans moteur, car les deux compères, trop occupés par leurs propres petites affaires, n’étaient pas à la hauteur. Seul le site, dont le webmestre est justement Robert, conservait un semblant d’activités. Les groupes de Paris et de Valenciennes disparaissaient dans la nature, et les groupe de province les plus dynamiques (Lille, Nancy, Strasbourg) retrouvaient leur autonomie en tant que GUD.

L’heure du bilan

UR avait permis en son temps de renforcer les pôles locaux existants, de fédérer des personnalités de l’extrême droite radicale (Eddy Marsan, Roland Gaucher, Sébastien Legentil, André-Yves Beck) en leur offrant un espace politique où se retrouver… et exister. Grâce à l’énergie développée par Bouchet, aux compétences et aux moyens techniques de certains autres (dont Robert), les nationalistes à la droite du FN pouvaient avoir une relative visibilité : outre le site internet, le mouvement disposait d’une presse régulière (dont la forme, à défaut du fond, était d’une certaine qualité), d’apparitions publiques annuelles (manif le 1er mai et retraite aux flambeaux le 9 mai à Paris, colloque et dépôt de gerbe le 11 novembre à Nîmes), d’une sorte de congrès annuel (les Assises de la Radicalité), sans compter une vitrine " culturelle " par le biais du RIF. Certes, le tout restait plutôt confidentiel ; par ailleurs, le discours " nationaliste-révolutionnaire ", aux références souvent confuses, n’évoluait guère, si ce n’est sur la question raciale, qui devenait de plus en plus prépondérante, l’imminence de la " guerre ethnique " et l’asservissement des États au " lobby sioniste " servant de grille d’analyse unique. Enfin, sur le plan tactique, nous ne remercierons jamais assez les leaders éclairés d’UR d’avoir fait le choix de se mettre en rang derrière le MNR : là encore, Brunerie mis à part, la chute était assurée…

Luyt et Robert, tout heureux de la publicité qui leur est faite, peuvent aujourd’hui fanfaronner (en déclarant par exemple à la presse qu’UR compte 2000 membres quand on peine à en compter 200, ou encore qu’UR est le digne représentant des " sans-voix ", tous ces électeurs du FN sans député !) et ironiser sur leur ancien site en déclarant " merci Maxime ", soulignant par là non leur soutien à leur ancien camarade, mais la fonction " salvatrice " de son geste. Car selon un raisonnement pour le moins tortueux, l’" absurdité " de l’attentat est censé, selon ses nouveaux Führer, permettre à UR (ou à ce qui lui succédera) de faire le ménage et de se débarrasser de ses éléments mythomanes. Mais alors on s’interroge : où vont-ils trouver leurs militants ?

La justice n’est pas une arme

Dans ces circonstances, l’interdiction d’Unité radicale perd beaucoup de son efficacité car l’on voit bien que les difficultés d’UR ont d’autres raisons ; il est pourtant probable que ceux qui en sont à l’initiative, spécialistes de l’utilisation de la justice à des fins politiques, s’en attribueront tout le mérite.

Sur le fond, l’accusation, à la lumière des activités réelles d’UR et de ses potentialités, semble un peu tirée par les cheveux : entendre l’UEJF déclarer sans rire qu’une des preuves du caractère authentiquement fasciste d’Unité radicale est l’utilisation des couleurs rouge, noir et blanc sur son site (" les couleurs nazies " apprend-on) devrait faire réfléchir No Pasaran, la CNT, Alternative libertaire ou encore Coca-Cola sur le double langage de leur propagande !

Blague à part, la dissolution d’UR permet avant tout au mouvement de trouver un prétexte à son marasme et à se poser en martyr du système, assuré qu’il est de trouver sur ces deux points des échos dans les cervelles de nombreux " petits Blancs " déboussolés et hargneux. Le FN est là pour prouver que la diabolisation, surtout quand elle se double d’une surévaluation de ses capacités par l’ennemi, est une arme politique redoutable.

Enfin, les interdictions précédentes, que ce soit l’interdiction d’Ordre nouveau en 1973 (en même temps que celle de la Ligue communiste) ou celle de la FANE - Faisceaux d’Action Nationaliste, mouvement néo-nazi dirigé par Marc Frederiksen - en 1980 (pour un attentat qu’elle n’avait pas commis, mais après de nombreux actes racistes commis par ses membres) permettent de mettre en perspective une utilisation politique de la justice dont les mouvements libertaires pourraient tout aussi bien faire les frais : en tout état de cause, si la justice peut et doit être utilisée pour défendre les victimes des exactions commises par l’extrême droite, elle ne peut en rien être une arme politique, du moins pour ceux qui ne se placent pas toujours du côté de l’autorité, c’est-à-dire en l’occurence du côté de l’État. Victoire de surface, la dissolution est en outre sans effet pour un mouvement dont la notoriété ne dépassait pas le cercle de ses sympathisants (et de ses adversaires convaincus) : comme le dit leur nouveau site, ouvert aussitôt l’ancien fermé par décision de justice, " le combat continue " : surtout pour nous, antifascistes radicaux, qui entendons bien lutter contre UR non dans un tribunal, mais dans la rue.

Esbé, SCALP-REFLEX Paris


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