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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°87 - Mai 2001
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Sommet des Amériques

Le carnaval contre le capitalisme est un franc succès !


Pendant plusieurs jours du mois d’avril, une mobilisation très virulente contre le Sommet des Amériques a été organisée à Québec, au Canada. Comme lors d’autres initiatives (Seattle, Prague, Nice), on a retrouvé les mêmes clivages entre celles et ceux qui veulent s’opposer concrètement et directement aux puissants de ce monde développant des revendications anticapitalistes, d’action directe, et celles et ceux qui veulent "humaniser" le système. Ce sommet dont l’objectif était la création d’une zone de libre échange entre l’Amérique du Nord, du Sud et Centrale pour réaliser le plus grand marché au monde (ZLEA) se solderait donc par un affaiblissement des garanties et des protections pour les moins riches et par une domination encore accrue des Etats-Unis. Ci-dessous le récit d’une des journées.


Québec, le 20 avril 2001. Contre toute attente, la plus importante opération de sécurité de l’histoire du Canada accompagnée d’une vaste campagne d’intimidation, s’est révélée impuissante à étouffer l’opposition de rue au Sommet des Amériques !!!

Malgré leurs 6500 flics (incluant 1500 affectés à l’anti-émeute), leurs 1200 militaires, leurs dépenses d’au moins 70 millions $ en mesures de sécurité, il n’aura fallut qu’un seul manifestant bien déterminé, épaulé par une poignée de camarades, pour faire chuter un pan complet de la clôture sur la rue René Lévesque !!! Depuis le milieu de l’après-midi, la clôture de 4 km qui ceinture le périmètre de sécurité a été attaquée sur quatre fronts, soit sur le boulevard René-Lévesque, la côte d’Abraham, la rue Dufrain et la Grande Allée. C’est ainsi plus de 100 mètres de distance de la clôture furent abattus par les opposantEs à quelques pas du Centre des congrès.

Sur la rue Dufrain, des manifestantEs réussirent à provoquer l’écroulement d’une portion de la clôture à l’aide de cordes mais décidèrent de ne pas pénétrer dans le périmètre vue leur manque d’équipement pour affronter des forces policières armées jusqu’aux dents. Environs 300 protestataires se sont relayéEs pour lancer des vagues d’assauts contre les lignes de l’escouade anti-émeute. Des projectiles, surtout légers, mais incluant aussi d’occasionnels cocktails Molotov, furent lancés contre les escouades anti-émeute de la SQ (Sûreté du Québec). Des stations de radio telles que CHRC et CHOI ont permit de suivre à la minute près le déroulement des manifestations de la journée.

Devant tant de grabuge, la cérémonie officielle d’ouverture du Sommet des Amériques, qui devait débuter à 18h30, a dû être retardée d’au moins une heure ! D’autres activités prévues dans le cadre du Sommet, telle que la rencontre entre le premier ministre canadien Jean Chrétien et le président du ChiliRicardo Lagos, ont été carrément annulées. Les nuages de gaz lacrymogènes ont enveloppés la haute-ville, empoisonnant les dignitaires et obligeant les autorités à verrouiller et sceller les édifices où se déroulent les travaux du Sommet, de même qu’à interdire l’accès au périmètre à tout véhicule. (...)

Déroulement du Carnaval contre le capitalisme

Environs 5000 personnes étaient présentes au rendez-vous, à l’Université Laval, à Sainte-Foy, sur l’heure du midi, pour participer au Carnaval contre le capitalisme organisé conjointement par la CLAC (Convergence des Luttes Anti-Capitalisme), de Montréal, et la CASA (Comité d’Accueil du Sommet des Amériques), de Québec. La CLAC et la CASA sont des organisations à tendance anti-autoritaires favorables à la diversité des tactiques. Ainsi, la journée d’action du 20 avril a prévu trois différentes zones verte-jaune-rouge, selon le degré de risque des actions (vert étant les manifs à risque minimal, jaune à risques à niveau intermédiaire, rouge à hauts risques). La foule était très diversifiée, comprenant à la fois des jeunes et des moins jeunes, des anarchistes parfois bien équipés (casques, boucliers, masque à gaz, etc.) parfois non, des maoïstes avec leurs drapeaux rouge, des contestataires sans allégeance politique définies, des étudiantEs, un groupe de cheer-leaders radicales, etc. Les éléments combatifs, toutes tendances confondues sont estimés à 200, 300 personnes. Parmi les attractions les plus populaires du Carnaval, mentionnons une magnifique catapulte (grandeur nature !). (...)

Aussi présent sur les lieux, le GOMM (Groupe Opposé à la Mondialisation des Marchés), une coalition d’associations étudiantes et de syndicats apparemment sous l’influence du PDS (Parti de la Démocratie Socialiste, ex-NPD-Québec). Peu après le départ de la marche, les militantEs du GOMM ont tentéEs de détourner le Carnaval pour lui imposer leur propre parcours, une tentative qui a finalement échouée lorsque les activistes de la CLAC et de la CASA ont découvert le coup fourré, donnant ainsi lieu à une confrontation verbale qui aurait pu, mais n’a pas, dégénérée en bagarre. (...)

À un moment au cours de la marche, les participant-e-s se sont vus offrir la possibilité de soit tourner à gauche pour se rendre à l’îlot Fleuri, pour une fête de rue avec DJ (zone verte), ou encore continuer tout droit sur René-Lévesque pour aller manifester devant le périmètre (zone jaune). Quant aux zones rouges, elles n’avaient pas d’endroits précis, mais on pouvait supposer que les actions rouges se dérouleraient à l’intérieur de la zone jaune. La majorité des participantEs, environ 4000 personnes, ont optés pour continuer jusqu’au périmètre.

Rendu là, un manifestant est monté sur la clôture, sur René-Lévesque, et s’est mit à la faire balancer. Avec l’aide d’une poignée d’autres camarades, un pan entier de la clôture a foutu le camps dans le temps de le dire sous les hurlements triomphalistes de la foule en délire. Il est environ 15h30. Une trentaine de flics anti-émeute sont présents de l’autre côté et répliquent en tirant des grenades lacrymogènes, qui sont aussitôt relancés dans leur direction.

D’ailleurs, le vent pousse dans la direction de la flicaille, limitant ainsi l’efficacité de leurs gaz. Des manifestantEs pénètrent à l’intérieur du périmètre sur une distance d’environ dix mètres et sont suivis par la catapulte qui bombarde l’escouade anti-émeute d’oursons en peluche !!!

Durant environ une heure et demi, des projectiles surtout légers, mais aussi quelques pavés, volent en direction des flics, qui eux, font parfois semblant de charger la foule, provoquant certains mouvements de panique, mais ne s’arrêtent pas loin. La stratégie policière consiste essentiellement à regagner mètre par mètre le territoire aux mains du Carnaval. Un des événements les plus déterminants sera l’apparition de deux monstrueux camions équipés de canons à eau. Il s’agit de véhicules gigantesques que l’on retrouve habituellement sur les aéroports et sur lesquels le mot " POLICE " a été inscrit en grosses lettres. Les deux mastodontes se sont mis à avancées parmi les manifestantEs et, après un court moment d’hésitation incrédule, la réplique ne s’est pas fait attendre. Un manifestant a commencé par installer une banderole sur le canon, situé au devant du véhicule. Puis, d’autres protestataires se sont mis à assaillir le camion de coups de bâtons. La fenêtre côté conducteur a rapidement été fracassée, ce qui entraîné automatiquement l’envoi d’un puissant jet d’eau en direction de la foule. Encore là, ce fut la débandade totale pour la SQ, les mastodontes ont fuit honteusement sous les huées hostiles aussi vite qu’ils étaient apparus. Hourra !

Fête populaire sur la rue Saint-Jean

À un coin de rue au sud du champs de bataille se déroulait une fête populaire organisée par le Comité Populaire Saint-Jean Baptiste. Débutant à midi, avec la présence de quelques centaines de personnes sur place, l’affluence a grossit pour atteindre plusieurs milliers de personnes répandues sur une distance de 9 coins de rue dans le courant de l’après-midi.

De nombreux commerces décorèrent leurs vitrines avec des posters annonçant la création d’une " Zone de Libre-Expression ". Quant à la clôture, elle fut aussi décorée de toutes parts de pancartes, tissus colorés, au point où il restait peu d’espace où accrocher des trucs dessus. Plusieurs messages à la craie furent inscrits un peu partout sur les trottoirs et des pierres tombales signifiant la mort (?) de la liberté d’expression étaient disposées à plusieurs endroits.

Vers 15h00, le Collectif de résistance ludique a organisé une action rigolotte consistant à lancer trois tonnes de rouleaux de papier de toilettes au-dessus de la clôture à l’intérieur du périmètre de sécurité, afin de permettre aux dignitaires du Sommet des Amériques de ramasser toute la merde qu’ils vont faire avec leur ZLEA. (...) Plusieurs combattantEs usèrent de la zone verte comme une aire de repos, se relaxant une demi-heure le temps de reprendre pour retourner sur le front pour résister aux flics.

Lors de leur point de presse, les flics ont aussi précisé qu’ils en étaient rendus à 24 arrestations (ce nombre a grimpé à 28 au moment d’écrire ces lignes, le lendemain, le 21 avril il y eu plus de deux cent personnes arrêtées). Ce chiffre comprend l’arrestation de deux personnes à l’intérieur d’une automobileen matinée, à Sainte-Foy.

Répression

Les flics prétendent avoir saisi dans le véhicule des tiges de métal, des casques, des balles de granit, des batteries, etc. L’un des individus est accusé de " complot ", tandis que l’autre a été libéré par la police sans aucunes accusations.

En fin de journée, les flics revendiquaient cinq blessés dans leurs rangs. Du côté des manifestantEs, nous avons connaissance de quatre cas de blesséEs, ce qui n’inclue pas les personnes affectées par les effets des gaz. Cela comprend une personne ayant reçu six points de suture sur la tête et un cas d’hémorragie sérieuse.

La répression a été dénoncée par la CLAC et la CASA au cours d’un point de presse, de même que par la coalition non-violente OQP-2001 (Opération Québec-Printemps), qui revendiqua elle aussi la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées par le biais d’un communiqué. Ce n’est pas une surprise qu’on ne puisse en dire des dirigeantEs collabos-réformistes du Sommet des peuples, qui se sont empressés de dénoncer la " violence " à la fois des flics et des opposantEs, qu’ils et elles ont mis sur un même pied d’égalité.

Françoise David, la présidente de la FFQ (Fédération des Femmes du Québec) et Claudette Charbonneau, la vice-présidente de la centrale CSN (Confédération des Syndicats Nationaux) pointèrent du doigt "un très petit groupe bien organisé depuis longtemps" comme étant à l’origine des troubles alors que leur teach-in sur la ZLEA qui était offert plus tôt dans la journée par l’Alliance continentale des peuples n’a pas attiré un chat !

Les échauffourées entre flics et manifestantEs se sont poursuivies jusqu’à tard en soirée alors que des vans remplis d’agents en civil ratissent les rues à la recherche de proies à embarquer. Et pendant ce temps, le bruit des hélicoptères de police donne un caractère de ville assiégée à la vieille capitale…

Bubuv, en direct de Québec

Salut à toutes et tous les camarades de la NEFAC, aux libertaires et aux anticapitalistes,

Le Réseau No Pasaran (réseau libertaire anticapitaliste) apporte son soutien à toutes celles et à tous ceux qui subissent la répression lors du sommet des Amériques. Alors que la résistance à la globalisation capitaliste s’étend, les pouvoirs politiques et financiers cherchent par la répression à faire taire les rébellions et les revendications de Justice, d’Egalité et de Solidarité sur tous les continents. Cette année lors du Sommet de Prague, de Nice et bientôt à Barcelone contre le FMI et à Gênes contre le G8, les manifestant-e-s solidaires de tou-te-s les opprimé-e-s ont su mener des actions d’envergure, démontrant une vitalité et une prise de conscience internationale, rejoignant le "Penser global, Agir local".

On ne peut se satisfaire des discours citoyennistes, souverainistes ou de la "’gauche de la gauche", qui refuse de nommer les responsables de la destruction de l’environnement et de l’exploitation économique et sociale, à savoir les capitalistes et les libéraux qu’ils soient de droite ou de gauche. Leurs politiques ayant pour corollaire un renforcement de l’idéologie sécuritaire et des pratiques de domination, pas seulement policier.

Face à la répression et à la criminalisation des mouvements et luttes sociales dans le monde, l’entraide et la solidarité sont nos armes !


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