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AccueilJournalNuméros parus en 2001N°86 - Avril 2001
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La question identitaire en débat


L’article paru au mois de février 2001 intitulé "Face à l’orthodoxie anarchiste" a suscité de nombreuses réactions.

Certaines nous reprochaient de faire l’apologie du nationalisme et de nous acoquiner avec des pensées anti-libertaires, plus proches des nationalistes révolutionnaires, d’autres défendaient une position jacobine, contre les langues minoritaires...

Nous publions celle de Régis de la Fédération anarchiste de Nantes qui a le mérite de poursuivre un débat qui reste toujours entier sur les questions de l’identité, de la reconnaissance des droits des peuples à s’auto-administrer, sur le fédéralisme, sur le problème de l’Etat dans la revendication nationale...

Confrontations qu’il nous semble indispensable de creuser afin de sortir des idées toutes faites sur ce sujet.


Contre les dogmes ou critiques irrationnelles ?

Réponse à Gildas

Un article signé de Gildas (Huch !) critique l’orthodoxie anarchiste et en particulier la position de la Fédération Anarchiste sur la question du nationalisme (No Pasaran février 2001). La critique est certes un bien nécessaire ! Faut-il être en capacité de l’utiliser correctement au risque de tomber dans des querelles byzantines ? Qu’est ce que j’entends par critique correcte ? Qu’elle soit au moins scientifique, c’est-à-dire qu’elle cite ses sources, qu’elle soit le résultat d’une étude un tant soit peu étayée et non l’apanage de discours de bistrot. Sans vouloir exiger une étude sociologique, historique complète et globale, Gildas sur un article d’une pleine page critique la FA sans même citer une seule source ! Force est de le croire ? La seule citation (d’où est-elle tirée ?) c’est le résultat d’un slogan sur les Pays basques, région dans laquelle la FA est absente. Slogan que je ne connais pas alors que je milite à la FA depuis près de quinze ans. Mais passons. L’ensemble de la critique se base sur une affirmation : la FA défendrait la culture du rien. " Donc pour s’opposer à la culture du Mac DO il faudrait défendre la culture du Rien, c’est à dire un impérialisme globalisant et uniformisant ! " Vouloir critiquer avec un minimum d’éthique doit nous interdire d’inventer. Suite aux arrestations multiples et à la répression systématique des mouvements Bretons, des membres du groupe FA de Nantes écrivaient dans le Monde Libertaire du 23/06/2000 "Globalement, c’est la négation par Paris de la culture et, en particulier, de la langue bretonne qui hérisse à juste titre le poil de cette mouvance" ou encore "Socialistes quand vous pesez de toute votre inertie contre le financement de l’enseignement des langues minoritaires vous êtes les défenseurs d’une république unique et indivisible. Vous évitez les vraies questions fondamentales : le discours traditionnel était centré sur l’égalité au-delà de la différence, or des jacobins aux marxistes on a vu avec quelle violence se faisait cette invisibilisation des différences. Parler une autre langue, c’est se décentrer du discours de l’autre, c’est s’autoriser un regard extérieur, y compris sur son propre langage, c’est multiplier les façons de dire le monde et de se définir soi-même. C’est donc une revendication essentielle que les anarchistes soutiennent." Nous ne pouvons que conseiller à Gildas de réfléchir, de s’informer car la réalité n’est pas aussi simpliste et manichéenne.

Et pourtant nous avons des différences, et les critiques se doivent d’exister et ont toutes leur légitimité. Les différences ne se situent pas (tout du moins je le pense) sur la question culturelle qui est souvent le résultat de sa propre vie, de son parcours, de ses rencontres plus que le résultat d’un processus intellectuel. Non le débat (les critiques) que nous devons avoir entre nous doivent porter sur les questions liées à la nation, à l’Etat et au nationalisme. Je rappelle la définition du mot nation : Communauté humaine, le plus souvent installé sur un même territoire et qui possède une unité historique, linguistique, religieuse et économique plus ou moins forte. "Le modèle dominant est, certes, celui d’Etat-nation, mais une nation peut très bien se passer d’Etat" (No Pasaran Février 2001). C’est de cette affirmation que nous devons débattre ! Car la communauté humaine (comme la communauté bretonne par exemple) est une communauté inter-classiste (pour l’instant il n’existe pas de société, de communauté suffisamment large où les classes sociales ont été abolies) et l’Etat devient une obligation incontournable. La nation française (comme avant la nation bretonne) a été créée par la bourgeoisie afin d’organiser au mieux le marché et de maintenir les privilèges des classes sociales favorisées. Pour la France il a fallu créer une idéologie nationale de toute pièce : au-delà de l’identité religieuse, il fallait offrir une culture identitaire qui permette de dépasser, d’effacer les divisions de classes sociales ou d’autres formes de dominations (sexisme).

Il est vrai qu’il existe des processus historiques plus complexe : celui des mouvements de libération nationale nés de la réaction de régions subissant une forte oppression étatique, un colonialisme. Et comment pourrait-on nier la légitimité de la lutte des Kanaks ou des Algériens ?

Et à travers ces résistances face au centralisme, au colonialisme, une identité culturelle et politique se crée et s’élabore. C’est l’exemple historique où il existe un lien clair entre culture et nation. Mais au-delà des questions sur la nature même de cette culture, se pose très rapidement le débat sur le devenir de cette nation, sur le projet et les propositions politiques de ces mouvements de libération nationale. Or il existe à ce niveau une étonnante ( ?) uniformisation : ces mouvements proposent toujours de créer un Etat. C’est ainsi qu’Emgann propose de créer une institution bretonne ayant des pouvoirs sur les questions culturelles,

économiques et politiques ! Cette institution bretonne n’est qu’un Etat breton qui sera pourtant le meilleur moyen de normaliser la culture bretonne. "Défendre une langue et une culture c’est parfois lutter contre l’atomisation des individu-es, appeler à construire un Etat (avec ses frontières, ses passeports, ses flics, ses huissiers..) c’est faire exactement l’inverse." (ML 23/06/2000).

Régis Gp FA Nantes


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