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> N°86 - Avril 2001
(ancienne formule) > Le zapatisme reste ! |
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La caravane passe...Le zapatisme reste !Après la formidable marche qui a conduit les 24 commandant-e-s de la forêt Lacandone à Mexico, la situation reste pour l’instant toujours assez contradictoire. En tout cas comme nous pourrons le voir dans le communiqué du 19 mars de l’EZLN, il semble que le pouvoir ne cède sur rien de concret.
Ce qui est sûr, c’est que tout le monde s’est précipité au Mexique, toute la gauche française, des souverainistes aux citoyennistes, cherchent la reconnaissance de Marcos. Au petit jeu du m’as-tu vu, ATTAC a réussi à épinglé sur la veste de Marcos un badge, quand Sami Naïr se veut être le garant au Parlement européen du mouvement zapatiste... Pour les libertaires qui se sont rendus à cette marche, les contacts ont été aussi très fructueux. Et comme nous pourrons le lire dans le second texte de LN, la question de construire des solidarités transversales reste posée avec acuité. Le 1er janvier 1994, jour symbolique de l’application de l’ALENA, qui ouvrait les frontières du Mexique, des Etat-Unis et du Canada aux flux de capitaux, de marchandises...au néo-libéralisme, un soulèvement de paysans armés dans le sud du Mexique, au Chiapas, occupe les bureaux gouvernementaux de San Cristobal de Las Casas, d’Ocosingo et de quelques petites villes de la région. Bien que l’armée ait rétabli la situation en quelques jours, ce groupe de guerilleros qui se fait connaître sous le nom d’EZLN (Ejercito Zapatista de Liberacion Nacional) a réussit à attirer l’attention mondiale sur les conditions de vie des plus pauvres, et plus particulièrement des indiens. L’EZLN : LA COLERE DES PAYSANS PAUVRES DES CHIAPAS L’objectif de l’EZLN est de briser la main-mise d’une minorité de nantis sur la terre, les ressources et le pouvoir de l’Etat au détriment des indiens et autres paysans pauvres auxquels sont refusés les droits élémentaires à une vie décente. Au-delà des revendications politiques et économiques, c’est la reconnaissance de la culture indienne, son organisation en communautés autonomes qui est en jeu face à l’imposition d’un modèle occidental via une mondialisation sauvage. Obligés de se retirer dans la forêt Lacandone, à la frontière du Guatemala, suivis par des milliers de paysans, l’EZLN, encerclé par l’armée, réussit néanmoins à résister grâce a son utilisation ingénieuse des médias et moyens de communication (enfin !), attirant ainsi l’attention et la sympathie internationale, et le soutien de nombreux mexicains. Ils parviennent en février 1996 à des accords avec le gouvernement de Zedillo qui prévoient une autonomie restreinte pour les populations indiennes, le redécoupage des circonscriptions électorales, la reconnaissance officielle des langues indiennes et l’enseignement bilingue, dans la ville de San Andres Larrainzar. Le gouvernement, prétextant un danger pour la souveraineté nationale rechigne à soumettre ces accords au parlement. Ce faux pas du PRI va peser sur l’évolution politique du pays. QUAND LE PDG DE COCA-COLA MEXIQUE SUCCEDE AU PRI Au début du siècle, le Mexique fut secouer par une violente révolution où de nombreuses factions s’affrontèrent. Parmi celles-ci, la plus radicale était menée par Emiliano Zapata, dont se réclame l’EZLN aujourd’hui. Au cri de "Tierra y Libertad" il exigeait de profondes réformes sociales et une redistribution équitable des terres. Zapata fut assassiné par ses rivaux, qui institutionalisèrent la révolution par une dictature du PRI (Parti Révolutionaire Institutionalisé). Ce parti dirigea le Mexique sans partage, se maintenant au pouvoir grâce à une corruption et une fraude électorale systématiques. Les deux derniers présidents issus du PRI furent Salinas et Zedillo. Salinas entreprit de remplacer l’économie étatisée et protectionniste du Mexique par l’entreprise privée et le libre-échange. Le point culminant de son programme fut l’ALENA (Accord sur le Libre-Echange Nord Américain). Cette politique amena le pays au bord de la banqueroute et obligea son successeur Zedillo à emprunter 50 milliards de $US aux Etats-Unis et à divers groupes financiers pour faire face à la crise. Cette situation toucha de plein fouet l’ensemble des mexicains, fragilisant gravement la situation des plus pauvres. Zedillo, personnage sans envergure, tenta d’établir un nouveau système électoral indépendant, qui se voulait "libre et juste". En revanche, il s’est aussi illustré par le non-respect des droits de l’Homme et le massacre de nombreux opposants politiques. Les dernières élections présidentielles, les premières reconnues sans fraude depuis 1911, portèrent Vicente Fox au pouvoir. Ce gérant de Coca-cola Mexique, candidat de droite (PAN), s’assit sur le siège présidentiel grâce surtout a la réaction allergique des mexicains au PRI. Durant sa campagne, il promet de régler la question épineuse des zapatistes en "un quart d’heure". Ce quart d’heure s’éternisant, les zapatistes décidèrent de prendre les choses en main, ou plutôt en pied, et entamèrent une marche vers la capitale... IL ETAIT UNE FOIS LA CARAVANE... par Marcos "Nous étions dans une impasse. La seule façon de nous rendre plus forts était de sortir, de marcher. Nous n’avions aucun pied. Nous étions handicapés en ce sens. Nous avions la voix et le regard, mais nous devions porter cette voix où elle puisse être écoutée et où ce regard puisse trouver une direction. Alors, il nous a fallu emprunter les pieds d’"autres". Au moment de demander les pieds de ces "autres", nous avons dû les construire parce qu’ils n’existaient pas. Alors, nous avons commencer à parler à l’"autre" et nous avons commencer à lui donner un visage, celui que d’autres lui niaient, celui qui était un numéro, celui qui était un pourcentage d’une enquête, s’il a la chance de paraître dans une enquête, et nous avons commencé à le nommer et à essayer de lui donner un visage, et à lui demander qu’il soit nos pieds à nous. Nous avons trouvé des pieds très disparates. C’est -à-dire, le corps que nous étions déjà, le regard, les oreilles, les lèvres que nous étions, étaient très petits pour des pieds très grands. Finalement, quand nous avons commencé la marche, commence une espèce de marionnette grotesque. A première vue, un géant. En y regardant de plus pres, une marionnette difforme et grande, avec de grands pieds et un corps tres petit, le tronc et la tête. Cette marionnette grotesque commence à marcher, en titubant, de façon déséquilibrée, et commence à essayer de convaincre les pieds qu’ils ne sont pas à lui, ce qui est, d’une forme ou d’une autre, ce qu’a tenté de faire la caravane, à chaque fois qu’elle s’arrête : dire que ce n’est pas nous qui rendons cela possible, mais le pied qui nous porte, qui sont les gens qui nous reçoivent. C’est à ce moment, que se pose le problème des pieds qui disent que celle qui commande c’est la tête, parce que l’histoire est ainsi faite et que ça n’arrive pas que les pieds commandent la tête. Et la tête nie, parce que ceux qui doivent commander ce sont les pieds. Arrivent le moment où les pieds et la tête disent ce que tous pensent et que personne n’ose dire : que pendant le parcours ils se rendent compte que le monde à la tête à l’envers, que celui qui possède est celui qui n’a pas besoin, et celui qui a besoin ne possède rien. Finalement, ce jour, demain 11, ils arrivent à l’endroit où l’on peut renverser cela dans un sens et dans l’autre, et à l’heure où le monde se renverse de nouveau, les pieds découvrent qu’en réalité ils sont la tête, et la tête découvre qu’elle n’a jamais cessé d’être un pied déchaussé ; brun de surcroît." LA CARAVANE DE LA DERNIèRE CHANCE OU LES MOTS CONTRE LES ARMES Pourquoi cette caravane ? La volonté de l’EZLN en se rendant à la capitale en suivant le parcours symbolique de Zapata lors de la révolution mexicaine, était d’arriver pacifiquement au parlement mexicain afin de négocier la paix selon trois conditions préalables et incontournables : la libération de TOUS les prisonniers politiques zapatistes le retrait complet de TOUS les postes militaires au Chiapas (seulement quatre sur sept ont été retirés) l’application immédiate des accords de San Andres. Ce n’est qu’une fois accomplis ces trois signaux que les négociations de paix avec le gouvernement pourront réellement commencer. Si l’EZLN offre au gouvernement la voie du dialogue, c’est pour mettre fin à la sale guerre que mènent les pouvoirs en place contre les guérillas en Amérique Latine. "Ce que nous nous pensons c’est que cette guerre est perdue. La sale guerre est perdue. D’une forme ou d’une autre, notre présence et la persistance des processus en Amérique Latine signifient une chose que personne n’ose reconnaître : la sale guerre ce sont ceux d’en haut qui l’ont perdue, ceux qui l’ont faite, qui finalement n’ont pas pu en finir avec les mouvements armés, parce qu’ils ressurgissent sans cesse. Si nous échouons dans la voie du dialogue -et nous nous référons à l’EZLN et à Fox-, le signal va être très clair pour les mouvements plus radicaux, pour ce qui est de leur position face au dialogue et à la négociation, puisque ceci signifie pour eux baisser les bras, signifie se vendre, signifie trahir. N’importe quel contact avec l’ennemi qui ne soit pas pour demander sa reddition, est une reddition propre. Si ce signal est envoyé par le PAN dans ce cas, par le gouvernement de Fox et par l’EZLN, cette possibilité prendra tout son poids. Nous ne sommes pas en train de parler de groupes radicaux isolés, seuls, qui n’ont aucun consensus social...(...) Le Zapatisme est un mouvement social qui, face à la possibilité de la lutte armée, opta pour le dialogue et la négociation, et jusqu’à maintenant a échoué. Dans le cas des mouvements de rébellion, gagne celui qui ne meurt pas, celui qui persiste, pas celui qui gagne. Et du côté du gouvernement il peut gagner seulement s’il annihile l’adversaire. Mais ce serait une guerre à longue échéance, dans laquelle le terrorisme arriverait dans ta rue, dans ta maison, dans ta télévision (...) C’est d’une telle gravité pour la nation, et moi j’oserais dire pour le monde entier, ce qui est en jeu ici, qui n’est pas seulement la Loi Indigène, ce n’est pas seulement le succès médiatique de Fox, ou le "rating" au-dessus et en dessous de Marcos, ou ce qu’il représente ou ne représente pas comme symbole, comme mythe, comme leader social ou comme futur dirigeant de la gauche. Ce qui est en jeu ici c’est la possibilité d’une solution au conflit. Nous allons nous assoir et nous annuler, en une situation dans laquelle nous disons : aidez-nous à perdre.(...) Si nous avons du succès dans cette mobilisation pacifique, quel sens ont les armes pour l’EZLN et les mouvements armés ? Mais nous ne voulons pas réitérer les déroutes passées.(...)Nous ne demandons pas que l’on vote pour nous ni que l’on nous donne un chèque ni une parcelle ni rien : nous demandons que se résolve une question historique, et que les gens, X, qui que ce soit, reconnaisse qu’il a un endroit, qui est part de son histoire. Nous ne voulons pas donner un héros de plus à la gauche ou à la gauche radicale. Nous n’allons pas le faire, parce que nous n’avons pas cette vocation. Nous l’avons perdue à un certain moment, au contact des communautés ; nous avons perdu la vocation de mort en ce sens. Pourtant cela ne veut pas dire que nous en avons peur, parce que nous sommes en train de jouer notre vie. Ce qui se passe c’est que nous n’aspirons pas à cela, et nous n’allons pas non plus forcer le mouvement jusqu’à ce qu’il arrive à une déroute.(...) Ce conflit est irrémédiable, et cela nous l’avons dit à Fox. Là-dessus on ne peut pas tourner la page. Ce qui est en jeu ici, dans notre mouvement, lorsque que nous nous approchons de la capitale, c’est comment on va affronter ce conflit. Mais ils ne peuvent pas penser que ce conflit va rester latent ou va être contrôlé. Il va trôner. Ce qu’ils vont signaler maintenant c’est s’ils vont affronter le conflit par la voie du dialogue ou de la négociation, ou s’ils vont recourir aux armes, à la violence. Ils vont devoir choisir entre la voie politique et la voie armée pour affronter le conflit." (Interview du sous-commandant Marcos à la revue "Proceso", le 10 mars 2001) L’IMPACT DE LA CARAVANE La caravane a traversé les Etats les plus pauvres du sud du Mexique, notamment ceux d’Oaxaca et de Guerrero, qui comme le Chiapas sont des régions à forte population indigène et qui comptent des mouvements armés révolutionnaires, comme l’EPR (Ejercito Popular Revolucionario). Ces guérilleros ont apporté leur soutien et leur protection à la caravane qui devenait chaque jour plus importante. L’appui de la population mexicaine et indigène est incontestable. A chaque étape, les zapatistes étaient accueillis par les diverses communautés indiennes, qui leur renouvelaient encouragements et appui. Mais ils étaient loin d’être seuls : il régnait partout une ambiance de révolution festive. Le peuple mexicain était dans la rue, soutenu par une forte présence internationale : jeunes, vieux, hommes, femmes, bébés en "passe-montagne", blancs, métis, indigènes, punks, petits bourgeois, marginaux, étudiants, ouvriers, paysans... jamais le Mexique n’avait connu de rassemblement populaire aussi important de toute son histoire. L’EZLN, porté par des pieds aussi hétéroclites s’est ainsi trouvé dans une position des plus favorables pour affronter les langues de bois du gouvernement qui ne peuvent nier la pression populaire nationale et internationale. LE MYTHE MARCOS Il est indéniable que le charisme du sous-commandant Marcos a largement contribué au succès de la caravane. Ce porte-parole de l’EZLN manie parfaitement l’arme du langage. Au-delà du discours économico-politicar classique, c’est le droit à la différence culturelle, la possibilité de s’autogérer selon ses propres aspirations, qui sont mis en avant par opposition à la "non-culture" uniformisante de la pensée unique. Le danger que souligne fort justement Marcos et les commandants(es) de l’EZLN, serait d’attendre que les zapatistes prennent les choses en main pour orienter différemment la société. Or, le rôle qu’ils s’autodésignent est seulement de faire prendre conscience aux pieds qu’ils sont nombreux, et qu’ils doivent être la tête dans ce monde qui marche à l’envers. Ils ne se considèrent pas comme révolutionnaires mais comme rebelles sociaux. "Le but est différent. Le révolutionnaire tend à se convertir en un politique, et le rebelle social ne cesse d’être un rebelle social. Du moment ou Marcos ou le Zapatisme se transforme en un projet révolutionnaire, c’est a dire en quelque chose qui devienne un acteur politique à l’intérieur de la classe politique, le Zapatisme va échouer en tant que proposition alternative. (...) Parce qu’un révolutionnaire se propose fondamentalement de transformer les choses d’en haut, pas d’en bas, à l’inverse du rebelle social. Le révolutionnaire propose : nous allons faire un mouvement, je prends le pouvoir et d’en haut, je transforme les choses. Et le rebelle social, non. Le rebelle social organise les masses et d’en bas transforme les choses sans avoir à se poser la question de la prise du pouvoir." (Interview de Marcos a la revue "Proceso" le 10 mars 2001) "Le pouvoir pourrit le sang et obscurcit la pensée" (Discours de Marcos lors de la marche a Milpa Alta le 9 mars 2001) La présence de Marcos est un atout majeur pour l’EZLN car la plupart des zapatistes, parce qu’ils font partie des milieux les plus défavorisés, sont analphabètes, certains ne sachant pas s’exprimer en espagnol. C’est donc un porte-parole efficace, qui a su utiliser son image romantique de Robin des bois. Malheureusement, c’est aussi une image à double tranchant qui a attiré de nombreux curieux et relancé l’économie des T.shirts, bandanas et passe-montagne à l’effigie de Marcos. N’exagérons rien cependant ; les gens étaient dans la rue et les discussions contestataires fusaient entre inconnus de tous poils, toutes origines et tous continents... Est-ce vraiment un hasard si, à l’heure de la mondialisation économique où l’homme a si peu de place, c’est un peuple opprimé depuis cinq-cents ans, né de la terre, couleur de la terre, lorsque c’est celle qu’on respecte le moins, qui remet les pendules a l’heure ? Il nous rappelle avec dignité et courage que nous pouvons compter les uns sur les autres, et qu’une autre société est possible si chacun reprend les choses en main. Muriel et Sylvaine Communiqué du Comité clandestin révolutionnaire indigène - Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale. Mexique.19 mars 2001 Au peuple du Mexique, aux peuples et gouvernements du monde, Frères et soeurs, Premièrement. - Depuis que l’EZLN a rendu publique sa décision de marcher sur la ville de Mexico, elle a laissé clairement exprimés les objectifs de la mobilisation. 1. - Dialoguer avec la société civile nationale pour obtenir son appui dans la lutte pour la reconnaissance constitutionnelle des droits et de la culture indigènes en accord avec l’initiative de loi élaborée par la Cocopa. 2. - Dialoguer avec le Congrès de l’Union pour argumenter sur les avantages de l’initiative de la Cocopa et l’importance et l’urgence de reconnaître les droits indigènes dans la Constitution. Deuxièmement. - Les résultats sont visibles : 1. - Les peuples indiens de tout le Mexique se sont unis à l’EZLN et au Congrès national indigène dans la digne lutte pour la reconnaissance de leurs droits et ont manifesté ouvertement leur appui à l’initiative de loi de la Cocopa. 2. - La société civile a converti en clameur nationale cette exigence. Sans distinction de couleur, de race, de sexe, de position économique, de croyance religieuse, de taille ou d’âge, la société civile mexicaine s’est manifestée de façon accablante pour en terminer avec le racisme et la discrimination, pour que les droits indiens soient reconnus dans la Constitution et pour que les trois signes nécessaires à la reprise du dialogue entre le gouvernement et l’EZLN soient accomplis. 3. - L’opinion publique et la société civile internationale se sont jointes à cette demande de tous les Mexicains. Sur les cinq continents, ils ont manifesté pour le respect à la différence et pour l’inclusion de ceux qui sont aujourd’hui exclus. 4. - Le gouvernement de Vicente Fox a été plus attentif à l’impact médiatique de la marche qu’à l’évident soutien populaire, national et de toutes les classes qu’a éveillé la marche pour la dignité indigène au cours de son passage par douze Etats de la Fédération et de son séjour dans la ville de Mexico. (...) 5. - Le Congrès de l’Union a été la proie de ceux qui préfèrent fermer les yeux sur la mobilisation nationale et internationale. Les législateurs les plus rétrogrades ont défié ouvertement le consensus et l’appui que l’EZLN et le Congrès national indigène ont atteint pour la reconnaissance constitutionnelle des droits et de la culture indigènes. Durant sept jours, depuis le 13 mars passé, l’EZLN a attendu avec patience que le Congrès accepte sa disposition au dialogue digne et respectueux. A cette disposition, ceux qui ont séquestré le Congrès ont tout d’abord répondu avec une proposition indigne et irrespectueuse, dont l’unique but était de sauver l’orgueil et la prétention des législateurs qui se refusent au dialogue et à reconnaître les droits indigènes. Tout particulièrement, les législateurs d’Action nationale avec à leur tête le sénateur Diego Fernandez de Cevallos. (...) L’EZLN déplore que dans le Congrès de l’Union aient eu davantage de place les politiques internes, les procès de pouvoir, les groupes conservateurs qui confondent la tribune avec un club privé et ceux qui veulent nous utiliser pour régler leurs comptes, qu’ils soient débiteurs ou créditeurs, avec la Foxi-équipe. Dans l’exécutif et le législatif fédéraux, on prétend faire de la politique comme si rien n’avait changé dans ce pays, comme si les peuples indiens pouvaient être traités comme ils nous ont traités durant les presque deux cents ans que le Mexique est une nation. Nous, les peuples indiens, nous ne marchons et ne marcherons pas en frappant aux portes pour supplier qu’ils nous écoutent et nous répondent. La demande de respect de notre dignité n’est pas que nôtre, c’est celle de tous les Mexicains honnêtes et de toutes les personnes bonnes en ce monde. Seuls les politiciens des cavernes supposent qu’ils peuvent agir avec les mêmes positions racistes, arrogantes et autoritaires des époques de la colonie et du porfirisme. Ces positions sont maintenant insoutenables dans le Mexique actuel. Car le Mexique se définit maintenant par avant et après la Marche de la dignité indigène, une marche qui a inclus tous les peuples indiens et des centaines de milliers de Mexicains. Dans cette marche, les gens ont laissé le rôle de spectateur et ont participé, directement ou indirectement. Nous les zapatistes, nous nous montrons ouverts au dialogue, nous nous sommes désarmés pour cette mobilisation, nous nous sommes exposés ouvertement à n’importe quelle agression en visitant des dizaines de places publiques au long de plus de trois mille kilomètres et nous avons réussi à rencontrer les gens. Nous n’avons rien imposé à personne, nous avons convaincu de la justesse de notre demande pour la reconnaissance des droits des peuples indiens et, en plus, avec les gens, nous avons redécouvert la dignité et l’espérance qui se trouvent dans tous les Mexicains honnêtes. (...) Nous n‚avons pas marché pour supplier ou pour négocier un espace digne, nous avons marché pour le respect. Maintenant plus que jamais, la séparation entre le gouvernement et le peuple est non seulement marquée, mais aussi antagoniste. Le gouvernement défie ouvertement la société et la regarde avec mépris. Devant le choix entre les politiques et les gens, l’EZLN n’hésite pas : elle est avec les gens dont nous avons reçu une écoute attentive et une parole respectueuse. Face aux politiques, jamais nous ne baisserons la tête ni n’accepterons d’humiliations ou de tromperies. Nous ne ferons pas la queue pour recevoir les tampons de "reçu" dans nos demandes historiques. Troisièmement. - Pour tout ce qui précède : 1. - L’EZLN a décidé de mettre fin à sa présence dans la ville de Mexico et de commencer son retour aux montagnes du Sud-Est mexicain. L’entêtement de la classe politique est clair. Les gens, les peuples indiens, la société civile nationale et internationale sont convaincus de la justesse de nos demandes et les ont appuyées inconditionnellement. L’EZLN continuera à chercher et à construire des espaces incluant pour la participation de tous ceux qui désirent un Mexique véritablement nouveau. La reconnaissance constitutionnelle des droits indigènes doit exister et nous chercherons de nouvelles formes de lutte pour y arriver. 2. - Le prochain jeudi 22 mars 2001, la délégation zapatiste réalisera un acte d’adieu, face au Congrès de l’Union, pour remercier le peuple mexicain, la communauté internationale et la ville de Mexico, de l’appui et de l’hospitalité reçus durant la marche et durant son séjour dans le District fédéral. 3. - L’EZLN appelle toutes les organisations sociales, politiques, non gouvernementales, groupes et individus, hommes, enfants, femmes et anciens de la ville de Mexico à accompagner la délégation dans cet acte du 22 mars et à écouter ce que le Congrès de l’Union ne veut pas entendre. 4. - L’EZLN lance un appel aux organisations sociales, politiques, groupes et individus de la province mexicaine pour que, le jeudi 22 mars, ils participent avec nous à l’événement face au Congrès de l’Union et pour qu’ils se mobilisent dans leurs Etats et municipalités. 5. - L’EZLN appelle la société civile internationale et les comités de solidarité dans le monde entier pour que, ce jour 22 mars, ils fassent entendre leur voix, avec la nôtre, et rejettent la politique d’exclusion que pratiquent les pouvoirs exécutif et législatif mexicains. 6. - Le vendredi 23 mars 2001, la délégation zapatiste repartira de la ville de Mexico à destination des montagnes du Sud-Est mexicain, en suivant la route qui sera portée à connaissance en temps utile. 7. - Dans nos communautés, nous informerons du double résultat de la marche : l’entêtement de ceux qui gouvernent et le grand appui des gens du Mexique et du monde. La mobilisation des gens ordinaires et courants ne fait que commencer et rien ne va l’arrêter. Avec les communautés zapatistes, qui sont ceux qui nous soutiennent et commandent, nous chercherons la façon de continuer à marcher ensemble avec les gens qui, comme nous, luttent pour un Mexique incluant, tolérant, juste, démocratique et libre. Démocratie ! Liberté ! Justice ! |
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