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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°5 - Janvier 2002 > Entretien avec la CGT espagnole 

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Entretien avec la CGT espagnole 


La CGT espagnole symbolise bien le renouveau dans les mobilisations contre l’Europe libérale et les pratiques quotidiennes de syndicats de lutte aux idées libertaires.


Quels sont les grands axes de luttes de la CGT ?

En tant que confédération anarchosyndicaliste, la CGT travaille dans tous les aspects qui concernent les droits et les libertés des personnes. Nous sommes conscients du fait que notre structure organisationnelle est basée sur l’adhésion aux syndicats de branche, et cela fait que l’appartenance à la CGT ait ses origines basiquement dans le domaine syndical. Nous sommes travailleurs/euses dans une réalité sociale qui nous opprime et contre laquelle nous luttons, et nous sommes aussi les sujets d’une future société libertaire.
Dans le terrain syndical (usines, ateliers, bureaux,...) nous trouvons souvent des revendications purement "matérielles" (salaires, vacances, profits sociaux...) et d’autres sur la "qualité de la vie dans le travail" (santé, conditions de travail, précarité, discrimination, ...). En tout cas, nous essayons toujours que notre action syndicale soit observée par toutes/tous les travailleuses/eurs et précaires comme quelque chose de ponctuel, de précis dans un moment donné, et c’est par cette action que nous voulons introduire des concepts idéologiques de confrontation permamente, conscience de lutte face à une transformation de la société. Dans le domaine social, la CGT envisage toutes les revendications qui n’ont pas strictement leur origine dans les relations de travail, mais qui appartiennent à des milieux plus généraux (discrimination de genre, migrations, squatters, guerre, mondialisation, ...). Ici les actions visent à la sensibilisation et à la confrontation idéologique plutôt qu’à des actions pratiques quotidiennes ; c’est évident, d’autre part, que nous agissons lors d’un conflit concret.
D’une manière assez générale, nous pouvons dire que la CGT est aujourd’hui présente, en plus des conflits syndicaux, dans presque toutes les plateformes antimondialisation qui ont surgi tout autour des mouvements sociaux, en défense des "sans papiers" et dans les campagnes contre la guerre.

Quels liens tissez-vous avec les mouvements sociaux, par exemple avec la lutte des sans-papiers qui a eu lieu en Espagne ces dernières années ?

C’est une réalité assez différente selon les régions. Dans la plupart de l’Espagne, les mouvements sociaux ne se sont pas engagés dans cette lutte, et elle est restée dans le sein des ONG (qui gèrent une attention humanitaire qui peut souvent être mise en cause) ou des syndicats réformistes (qui, pour cela, ont développé des bureaux qui ne resolvent que des questions bureaucratiques en se faisant payer). Une autre question c’est le cas de Huelva, Almería, Málaga ou Madrid. Ici il y a eu une implication réelle (des citoyens et non pas des mouvements sociaux), dans laquelle la CGT a participé très activement, en offrant un soutien logistique, un soutien militant, économique et de mobilisation aussi. La CGT a été souvent le véritable moteur des revendications dans la rue, et d’un développement d’assamblées d’immigré-e-s, dont nous avons défendu les acords et où nous avons lutté, contre l’administration publique, et nous avons obtenu de très bons résultats, surtout, là où les immigré-e-s ont exprimé leur force dans la rue.
La réalité de Valence et de Barcelone est aussi différente. Là, la CGT a joué un rôle très important, ainsi que les mouvements sociaux, qui ont très bien assumé les revendications des immigré-e-s, et ont beaucoup participé dans le développement du conflit. A Barcelone, le nombre très élevé de personnes affectées, et la répétition du conflit ont fait qu’on en parle beaucoup. En plus, et étant donné que nous avons de bons rapports avec presque tous les groupes des mouvements sociaux, nous avons réussi à faire de l’assemblée le système de lutte et de dialogue, ce sont les immigré-e-s qui ont pris les décisions et nous les avons soutenues.
En dehors de la question de l’immigration, la CGT maintient des rapports fluides avec beaucoup de groupes de tout l’Etat. En plus, il y a beaucoup de personnes qui, en plus de leur militance dans la CGT, luttent aussi dans les mouvements sociaux, à titre individuel.

La problématique internationale est un élément important pour la CGT. Marches européennes, SIL, actions de solidarité sont des engagements concrets de la CGT dans des réseaux internationaux, avec des mouvements libertaires ou avec des mouvements sociaux, ce qui est une rupture avec la pensée anarcho-syndicaliste classique. Quels sont pour vous les enjeux des luttes contre la globalisation capitaliste ? Est-ce qu’il y a pour vous un enjeu à construire un courant anticapitaliste dans le mouvement anti-mondialisation ? Sur quelles bases ?

La CGT vient de la tradition anarchosyndicaliste de la CNT, mais tamisée par une actualisation de ses pratiques quotidiennnes : en ce moment, nous considérons plus important le fait de défendre les intérêts des personnes plutôt que de rester une organisation excessivement idéologisée, et, à cause de cela, empêchée de partager des efforts avec d’autres groupes qui ne sont pas strictement libertaires. Nous considérons que, lorsqu’il y a un conflict d’oppression, d’inégalité, d’injustice, etc. ce qui est important est de savoir rassembler les efforts de toutes et tous ceux qui s’opposent, pour lutter contre les oppresseurs. Nous ignorons si cela s’éloigne du modèle classique, mais en Espagne, la CNT de 36 (celle qui est toujours évoquée pour parler d’orthodoxie anarchosyndicaliste) a été dans le gouvernement, et a eu des alliances avec le syndicat socialiste, et a lutté avec les trotskistes du POUM, et a eu des adhérents qui étaient dans ERC (parti nationaliste catalan qui existe toujours), et la FAI (Fédération Anarchiste Ibérique) était un groupe idéologique et d’action organisé dans le syndicat, ce qui prouve que l’anarchosyndicaliste espagnol n’a jamais été très orthodoxe.
Quant aux Relations Internationales, il nous semble évident qu’une organisation qui ne reconnait pas la logique des frontières politiques et qui soutien que l’Etat est un symbole d’oppression, veuille partager la solidarité avec toutes les organisations de la planète.
C’est à cause de cela, et à cause du fait que le capitalisme exploiteur est transnational, que nous travaillons dans les réseaux de solidarité et de lutte. En Espagne, les mouvements antimondialisation ont de forts arguments libertaires (assemblées, absence de leaders, absence de structures rigides, etc...) et c’est par cela qu’il est facile de travailler avec eux. Évidemment, il y a des groupes catholiques, avec lesquels nous ne partageons pas -en tant qu’organisation, une autre chose est la liberté de pensée de nos adhérents- le respet pour la religion ; avec les groupes de squatters nous ne partageons pas le manque absolu d’un projet social total ; nous ne sommes pas d’accord avec les groupes qui prétendent changer une seule partie du système. Avec tous ces groupes, nous ne coïncidons que dans certaines choses.
Néanmoins, le panorama social espagnol est dans une période très positive, dans laquelle nous essayons de rassembler au maximum toutes nos forces, pour atteindre des buts concrets, et en laissant la liberté à chacun de quitter la lutte s’ils considèrent qu’ils sont arrivés à leur maximum, ou bien pour y rester s’ils croient que leurs revendications ne sont pas finies. A la fois, nous discutons sur beaucoup de questions, nous apprenons et nous nous soutenons les uns les autres.

Dans ce cadre ci, nous croyons qu’il est possible de créer un front important de groupes antimondialisation qui se veuille clairement anticapitaliste, voire même, antiautoritaire ce qui, pour la CGT est encore plus important.


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