Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2003N°16 - Janvier 2003 > Etats-Unis : la contestation s’amplifie

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


Etats-Unis : la contestation s’amplifie


Alors que s’amplifient aux Etats-Unis les manifestations contre la guerre comme dans tout le reste du monde, Bush et consorts continuent leur offensive guerrière pour s’approprier les champs pétrolifère d’Irak et ainsi dominer encore un peu plus le monde. Mais l’Empire se fragilise de jour en jour et la réaction à ces politiques que l’on peut qualifier de terrorisme d’Etat entraîne un double mouvement : un développement des intégrismes et un mouvement mondial pour refuser la marchandisation et les dominations capitalistes et sécuritaires.



Aux Etats-Unis non plus « on n’est pas tous américains » et on critique très fortement la politique du gouvernement comme on peut le mesurer à travers ce texte.

Les intellectuels étasuniens, aussi, ont une opinion...Puisque certains intellectuels français ont déclaré leur soutien aux politiques du président Bush, il nous paraît juste de laisser des intellectuels étasuniens donner leur opinion sur leurs confrères français.
James Petras et Noam Chomsky se distinguent par leur franchise et la clarté de leurs analyses politiques depuis de nombreuses années. Petras vient de publier une lettre ouverte (1) "aux amis de l’Amérique" dans laquelle il regrette "que des journalistes européens dont deux intellectuels français, Jacques Julliard et Bernard-Henri Lévy présentent l’Amérique (les Etats-Unis) en termes très simplistes et attaquent les intellectuels français de gauche pour leur antiaméricanisme. Ils confondent leur propre rhétorique idéologique avec les complexités contradictoires des Etats-Unis. Ici, des milliers d’Américains s’opposent à la guerre et aux pouvoirs dictatoriaux assumés par le président Bush. La question qu’il faut poser à ces apologistes français de la guerre mal informés est : quelle Amérique soutiennent-ils ? Celles des tribunaux militaires et des bombardements intensifs de pays pauvres ou celle de la Déclaration des droits fondamentaux et de la libre détermination des peuples ? Julliard et Lévy soutiennent celle de l’injustice (...) Nous, intellectuels des Etats-Unis, rejetons ce pro-américanisme-là. Nous n’avons pas besoin de sympathisants qui font tonner les tambours de guerre.être pro-américain aujourd’hui implique la défense des valeurs démocratiques et républicaines". De son côté, Noam Chomsky révèle que dans un document publié conjointement par la communauté du renseignement, les milieux d’affaires et universitaires, les services secrets étasuniens ont dessiné les scénarios pour les 15 ans à venir. L’Amérique latine, affectée par l’Association de libre commerce des Amériques (ALCA), restera à la traîne. La période dite de mondialisation a connu une croissance inférieure à celle de la période précédente, du moins chez tous ceux qui se sont pliés à la règle, tendance qui empirera. Le secrétaire exécutif de la CEPAL, José Antonio Ocampo, est d’accord avec lui : "C’est dans les régions qui les ont appliquées le plus fidèlement en Amérique latine que les réformes de la mondialisation se sont révélées un mirage..." La conclusion de Chomsky : " La démocratie décline quand le pouvoir de décision des citoyens sur les questions économiques et sociales diminue." Les énormes taux d’abstention aux élections d’Argentine et du Chili (50 %) et les récents événements d’Argentine en sont la meilleure preuve.

En Colombie, la guérilla ne cesse de se renforcer face au pouvoir local et à la domination des Etats-Unis. Ceux-ci tentent de renverser la situation à leur avantage. Mais le Venezuela et l’Equateur leur donnent également du fil à retordre. Colombie, Venezuela et Equateur : un triangle radical qui ébranle l’impérialisme yankee dans tout le continent latino-américain.

Les Etats-Unis perdent-ils leur emprise sur l’Amérique du Sud ?



Les deux principaux mouvements de guérilla en Colombie, les Forces armées révolutionnaires (FARC) et l’Armée de libération nationale (ELN), contrôlent de larges secteurs au sud de la capitale Bogota jusqu’à la frontière équatorienne, dans le nord-est en direction du Panama et à l’est et à l’ouest de Bogota. Des milices urbaines sont actives dans de nombreuses villes. Sans relâche, les paysans et les ouvriers organisent grèves et manifestations. Le régime qui n’est qu’une marionnette des Etats-Unis se trouve le dos au mur. La Colombie n’est pas le seul pays qui donne du fil à retordre aux Américains. Le Venezuela et l’Equateur sont également des pays à problème. Au Venezuela, le président Chaves, progressiste et anti-impérialiste, a remporté les élections à plusieurs reprises. Il a noué des relations diplomatiques avec l’Irak et développe une collaboration économique étroite avec Cuba. Il s’est rendu à La Havane où il a conclu un accord pétrolier qui garantit l’approvisionnement de Cuba en énergie, brisant ainsi la politique américaine visant à isoler Cuba. Le Venezuela est membre de l’Opep, l’organisation des pays exportateurs de pétrole. Chaves pèse considérablement sur la politique de l’Opep, contre la ligne pro-américaine de l’Arabie saoudite. Chaves a refusé l’accès des avions de reconnaissance américains dans l’espace aérien vénézuélien, ce qui a diminué la pression militaire sur la guérilla colombienne.

En Equateur, un large mouvement d’Indiens et de paysans a contraint deux présidents à démissionner. Lors des élections, le mouvement populaire a renforcé ses positions dans la montagne équatorienne. Un sérieux revers pour les Américains qui veulent encercler la guérilla colombienne en construisant une base militaire à Manga en Equateur et en militarisant la zone frontalière entre l’Equateur et la Colombie. La base militaire se réalisera, mais il est fort douteux qu’elle arrête la résistance à la présence militaire américaine. La région est riche en pétrole.

Le Venezuela est un fournisseur important des Etats-Unis, comme la Colombie, et dans une moindre mesure l’Equateur. Sa production est importante et il dispose de réserves non exploitées. L’enjeu est d’autant plus considérable pour les Etats-Unis. Mais les réserves pétrolières offrent en même temps une certaine indépendance économique face à la domination des USA. Le pétrole permet aux anti-impérialistes de la région de résister au boycott économique et de financer des alliés potentiels. De cette manière, la guérilla colombienne, le mouvement populaire équatorien et la politique anti-impérialiste de Chaves constituent un contre-pouvoir économique, politique et militaire important. Ce triangle radical est en train de briser le mythe de l’invincibilité américaine ainsi que celui de l’idéologie de l’économie de marché.

La suprématie américaine est menacée dans le nord de l’Amérique latine et dans la zone du canal de Panama et, à terme, c’est tout le continent qui risque de se défaire de l’emprise américaine.

Dès à présent, les sentiments anti-américains se développent au Brésil, au Pérou et surtout en Argentine, où une situation insurrectionnelle est contenue par un pouvoir illégitime et corrompus. Comme au début de la guerre du Vietnam, afin de renverser la situation à leur unique profit, les Etats-Unis ont élaboré le Plan Colombie. Le but affiché est de vaincre la maffia de la drogue en Colombie et de développer les zones rurales. Mais le véritable objectif, déclarent les progressistes et révolutionnaires, est d’éliminer la guérilla par une intervention militaire directe.

Washington pratique une stratégie de dominos dans la région. D’abord, il s’agit de vaincre la guérilla colombienne, ensuite d’augmenter la pression sur le Venezuela et l’Equateur, pour déstabiliser et enfin renverser le régime vénézuélien.

En Colombie, la stratégie américaine est exclusivement militaire. Même les stratèges américains affirment que le scénario ressemble beaucoup au début de la guerre du Vietnam. Venezuela par contre, les Américains tentent d’éviter une confrontation militaire directe, préférant éliminer dans un premier temps la guérilla colombienne plutôt que de mener un combat militaire sur deux fronts en même temps en affrontant, en outre, au Venezuela, un président élu légalement. Cela risquerait de faire basculer tout le continent latino-américain dans le camp de l’opposition aux Etats-Unis. Chaves a réformé le pouvoir judiciaire, il a gagné les élections et créé une administration qui veut défendre la constitution. Il est parvenu à s’assurer un solide soutien au sein de la population. Dans ces circonstances, Washington se limite pour le moment à une guerre de propagande, qui doit créer les conditions pour une déstabilisation ultérieure .

En Equateur, Washington soutient, comme en Colombie, le pouvoir central du président, la répression du mouvement social et la marginalisation de l’opposition politique. L’élite dominante en Equateur a choisi le camp des Etats-Unis. Elle soumet le pays à une domination américaine croissante. Cette politique s’est entre autre manifestée dans la dollarisation de l’économie et dans l’accord sur l’établissement d’une base militaire américaine, malgré la forte opposition du peuple équatorien. Néanmoins, les Américains et l’élite équatorienne se heurtent à un mécontentement et une résistance croissante de la part de la population.

Le plan Colombie : Guerre étasunienne contre la population, ce plan Colombie des Etats-Unis met en place une énorme machine de guerre basée sur deux piliers : soutien à l’armée gouvernementale et extension des organisations paramilitaires. Le pays qui se vante de porter le drapeau de la démocratie, des droits de l’homme et de la liberté, organise en Colombie la terreur contre la population. Les Etats-Unis ont envoyé trois cents conseillers militaires en Colombie. Ils ont libéré des milliards pour doter ’armée gouvernementale de nouveaux équipements. Ils engagent des mercenaires, entre autres pour piloter des hélicoptères de combat. Il y a quelques années, l’ingérence américaine se limitait encore à planifier et diriger la guerre. A présent, les Etats-Unis interviennent directement au niveau opérationnel. La stratégie américaine vise en deuxième lieu à étendre et renforcer les groupes paramilitaires. Ce travail se fait d’ailleurs en collaboration avec l’armée colombienne. Il n’est pas toujours aisé de distinguer les bandes fascistes et l’armée. Depuis plus de dix ans, la CIA aide à former ces groupes. Surtout ces trois dernières années, Washington a augmenté de manière drastique son aide clandestine aux groupes paramilitaires dont on estime à présent le nombre à 10.000 hommes. Commandos de la mort ces terroristes jouent un rôle essentiel dans le Plan Colombie : dans des zones étendues, ils organisent le "grand nettoyage" parmi les dirigeants paysans qu’ils soupçonnent de sympathiser avec la guérilla. Sous la direction des Etats-Unis, les terroristes veulent littéralement éradiquer le soutien dont la guérilla des FARC et de l’ELN bénéficie au sein de la population paysanne. Des gens sont assassinés afin de terroriser la population et de l’obliger à fuir. Plus d’un million de paysans ont d’ores et déjà fui les régions contrôlées par l’armée colombienne. La terreur paramilitaire fait partie de la tactique américaine visant à dépeupler les zones rurales et à isoler la guérilla, comme on retire un poisson de l’eau. A cet effet, les Américains utilisent des défoliants à grande échelle, comme ils l’ont fait au Vietnam. Aussi, de plus en plus de Colombiens considèrent-ils la guerre comme une guerre de libération nationale contre l’ingérence américaine, ce qui assure à la guérilla un soutien croissant tant à la campagne que dans les villes. Les paysans qui avaient préféré se tenir à l’écart jusqu’à présent sont contraints par l’évolution du conflit à chercher une protection auprès de la guérilla, seul moyen d’échapper à la violence de l’armée et des fascistes paramilitaires. Entre-temps, Washington intensifie la pression sur l’armée pour qu’elle étende son rayon d’action plutôt que de céder sans cesse du terrain. S’il s’avère que l’armée colombienne est incapable de défendre les postes avancés où opèrent les conseillers américains, les Etats-Unis pourraient être amenés à envoyer plus de troupes pour protéger ces bases. Ceci pourrait déclencher un enchaînement de décisions conduisant à une intervention américaine massive.

Aux Etats-Unis, il n’existe pas de large opposition contre ce genre de nouveau Vietnam. Mais en Colombie, au Venezuela, en Equateur et dans le reste de l’Amérique latine, où la population sait qu’elle est la cible d’une guerre visant à préserver l’empire américain, cette intervention aurait d’énormes conséquences pour l’avenir. Pas de répit pour Washington !

Dans les années 60 et 70, l’opposition aux Etats-Unis se situait surtout dans le sud de l’Amérique latine. Le mouvement populaire était très puissant au Chili, en Argentine, en Uruguay et en Bolivie. Washington a répondu par des coups d’Etat militaires et par la terreur d’Etat, en renversant des gouvernements progressistes et en écrasant dans le sang la résistance populaire. Dans les années 80, le centre de la lutte populaire contre les Etats-Unis s’est déplacé vers l’Amérique centrale. Les Sandinistes ont remporté la victoire au Nicaragua et la guérilla s’est renforcée au Salvador et au Guatemala. A nouveau, Washington a répondu par la terreur, en mettant sur pied des escadrons de la mort et des armées de mercenaires et en accordant des milliards de dollars aux armées gouvernementales du Salvador et du Guatemala.

Cela a permis aux USA de restaurer leur suprématie. Coût humain : 200.000 morts au Guatemala, 75.000 au Salvador et 50.000 au Nicaragua.

A la fin des années 90, l’épicentre de la résistance contre les Etats-Unis s’est déplacé vers le Nord de l’Amérique latine : la Colombie, l’Equateur et le Venezuela.

Coca-Cola finance les escadrons de la mort Le syndicat américain des métallurgistes de Floride a déposé plainte à la mi-juillet contre Coca-Cola. La plainte fait état de ce que la multinationale de la limonade finance les escadrons de la mort en Colombie et leur donne pour mission d’assassiner des dirigeants et militants syndicaux. Le syndicat métallo déclare déposer cette plainte en solidarité avec Sinaltrainal, le syndicat des ouvriers de Coca-Cola en Colombie. Au cours des quinze dernières années, 4.000 militants syndicaux ont été assassinés en Colombie, presque toujours par des escadrons de la mort paramilitaires. L’année dernière, ce sont 128 syndicalistes qui ont ainsi trouvé la mort. La plus récente victime chez Coca-Cola fut le dirigeant syndical Oscar Dario Soto Polo, abattu le 21 juin. Cinq autres militants syndicaux qui travaillaient chez Coca-Cola ont été enlevés et torturés.

James Petras


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net