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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°16 - Janvier 2003 > La honte des camps

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La honte des camps


23 camps de rétentions ont été recensés en 2001, mais ne nous fions pas aux apparences :
il se pourrait bien qu’il y en ait plus que l’on ne le pense...
Qu’est-ce qu’un centre de rétention ? C’est un espace fermé dans lequel des femmes, des hommes et parfois des mineurs d’origines étrangère, sont enfermés durant un maximun théorique de 12 jours (5 jours en moyenne en 2001).


Ce délai correspond au temps nécessaire pour effectuer les recherches d’identité de la personne et les dépôts de dossier. Leur seul crime : être étrangers. Dans la majorité des cas les droits de la personne y sont très peu respectés : ils ne leur sont souvent même pas notifiés dans leur langue maternelle. Peut-on vraiment espérer que leurs gardiens - des policiers de l’air et des frontières (PAF), des gendarmes ou encore des CRS - puissent être passionnés par les langues et les cultures étrangères ? De fait, livrés au pouvoir arbitraire de leurs gardiens, leurs conditions de rétention s’apparentent beaucoup plus à un emprisonnement.

Quelle différence entre rétention et emprisonnement ? Théoriquement, en centre de rétentions les personnes ont droit à un libre accès aux parties communes et aux sanitaires,à un espace promenade,à un téléphone, à un espace d’acceuil pour la famille et les amis, à une association de défense, à une assistance medicale, à un espace non mixte, à quelques divertissements.

Certes un ou deux centres font illusion mais la réalité est tout autre. Dans les faits chaque centre à son mode de fonctionnement. Pourtant, un décret du 19 mars 2001 chercheà harmoniser les normes et les standards minimun garantissant le respect de la dignité et des droits formels des retenus (cités ci-dessus). Malgré ce bout de papier, dans les faits les conditions de rétentions dans la majorité des CRA restent intolérables, hygiéniquement, physiquement, et psychologiquement. Quasi aucune liberté de circulation à l’intérieur des camps. Dans dix centres, absence totale d’associations de défense. Lors de leurs déplacements les personnes sont sytématiquement menotées. Les procédures d’expulsions ne permettent pas d’utiliser tous les recours, ni d’organiser la défense avant l’expulsion (rencontre avec un avocat ou la Cimade). La personne ne comprend ce qui lui arrive qu’une fois dans l’avion. Les expulsions, d’après des témoignages, se font parfois dans des conditions assez horribles. Certaines personnes ont été drogués afin d’éviter tout acte de résistance. D’autre ont été littéralement étouffées jusqu’à ce que mort s’ensuive (involontaire ?). Quant aux réfugiés politiques qui risquent leur vie dans leur pays d’origine, ils sont condamnésà mort par ce type de procédures.

Outre les CRA évoqués dans cet article, il existe aussi au minimun 34 LRA (Locaux Administratif de Rétentions). Il suffit d’un arrêté préfectoral pour transformer n’importe quel lieu en centre de rétention (ex : 2 hôtels Campanile pour les roms de Choisy). Ces centres provisoires peuvent devenir permanents. Hors cadre législatif, ce sont par conséquent des zones de non droit que l’état crée lui-même.

Bref, l’accentuation de la logique sécuritaire et le mépris flagrant des personnes étrangères au sein des institutions policières et judiciaires font craindre le pire. Les pratiques telles les rétentions d’informationsà la défense, l’absence de notification de sortie du territoire, ou encore les atteintes à la dignité des personnes dans les centres, ne sont que le reflet de la violence institutionnelle dont nos administrations sont capables, entre négligence et " excès de zèle ". Un jour ou l’autre, avec ou sans papiers... les bavures du 17 octobre 1961 ne sont plus très loin....

Qui entre dans les centres ?



Le ministère de la justice avec les greffiers, les avocats, la CIMADE et l’Office des Migrations Internationnales (OMI).

L’OMI (à ne pas confondre avec l’OIM, association transnationale, type ONG*) dépend du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C’est un établissement publicà caractère administratif qui a pour objectif l’accueil, l’information et l’orientation des étrangers. Il gère les questions relativesà l’entrée, au séjour et au travail des étrangers en france, ainsi que les « aides » au retour.

A l’intérieur des centres il assume donc une présence et une assistance technique. Il s’occupe de la récupération des biens (bagages et effets divers), ferme les comptes bancaires et récupère les sommes d’argent. Il achète parfois le nécessaire, cartes téléphoniques, cigarettes pour les personnes emprisonnées. Il se trouve que cet organisme n’assume pas toujours toutes ces tâches et laisse ce travailà la charge de la Cimade. Sur certains domaines il existe des conflits entre les deux structures : les conseils juridiques par exemple. Par ailleurs l’OMI n’est pas présent sur tous les centres. Lorsqu’il y intervient, il a beaucoup plus de facilité que la Cimadeà obtenir un local d’accueil, parfois au détriment du confort des personnes retenues. Le Ministère de la Justice : selon le rapport de la Cimade, il intervient sur des questions logistiques (restauration nettoyage, blanchisserie) et sur des questions d’accueil, d’information, de médiation quotidienne, voire de greffe pour l’enregistrement des recours. Il joue donc un rôle important pour le confort matériel et moral des migrants, dans les quelques centres où il est présent.

La CIMADE est une association oeucuménique qui vient en aide aux personnes étrangères se retrouvant sur le territoire français. Elle est présente dans 13 des 23 CRA et y a effectué 16291 (chiffre indicatif) entretiens en 2001. Elle évalue le nombre d’expulsions à, minimum, 10 ou 15000 par an. Elle assume un soutient juridique et un suivi des conditions matérielles dans ces centres. Elle remplit aussi un rôle social en se substituantà l’OMI lorsqu’il n’assume pas sa mission. Elle a de réelles difficultés a obtenir des locaux dans les CRA. La CIMADE est financée par dons.

Par son excellent travail, la CIMADE éviteà une partie des sans-papiers d’être livrés à l’arbitraire de la violence institutionnelle. Toutefois, comme toute démarche humanitaire, elle est porteuse de sa propre contradiction : militer pour la libre circulation, en gérant la rétention.

Comment en est-on arrivé là ?



Tous les gouvernements européens depuis les années soixante dix n’ont mené qu’une seule politique d’immigration, qui obéit au besoin du marché (le fameux " réalisme "), sans se soucier des souffrances humaines occasionnées. En cela ils ne font que suivre les directives du patronat, alors que " dans l’ensemble, le patronat reste étonnament silencieux sur la question de l’immigration, comme s’il trouvait avantageà voir se perpétuer l’actuelle réglementation qui autorise de facto les flux tout en les interdisant, et comme si cette situation bâtarde était le summum du libéralisme. " *.

On ne peut " maîtriser " les flux migratoires, qui sont une constante historique. La libre circulation ne serait que la ratification d’un état de fait, probablement sans effet accélérateur. De nombreux rapports (UN, Commissariat Général du Plan, Commission Européenne, International Labour Organisation) affirment d’ailleurs que l’Europe devra inévitablement s’ouvrirà l’immigration pour compenser le futur déficit en main d’oeuvre provoqué par le vieillissement de la population. L’ouverture des frontières serait donc " peut-être la seule doctrine raisonnable en matière d’immigration "*.

S&J&G

* : Cf article CAE dans le No Pasaran de Novembre, p.14

** : Alain Morice, anthropologue au CNRS, ’Sans Papiers, chronique d’une lutte’, Editions Reflex / Im’média.


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