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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°15 - Décembre 2002 > Chroniques ciné

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Chroniques ciné



Femmes potiches, femmes affiches, on en a plein les miches

Film documentaire de Lorie Decung - 37 min. - 2002

Zalea TV (une télévision associative et militante parisienne) a suivi les actions du Collectif Contre le Publisexisme (CCP) pendant un an, au cours d’une lutte au quotidien (dans la rue, le métro, les agences de pubs, les expositions…) contre les images sexistes qui formatent les consciences.


Alors, Lorie Decung, jeune réalisatrice, a donné vie à un court film où les actions du CCP sont prétexte à montrer l’ampleur et la gravité de la question du sexisme dans la pub : 2500 publicités imposées chaque jour à nos consciences, omniprésence d’images stéréotypées (hommes virils, violents et dominateurs ; femmes soumises, boniches et potiches disponibles en permanence).

La bande son, réalisée à partir d’une interview de membres du CCP, permet de lier un discours théorique à des images d’actions concrètes. La parole est ainsi véritablement donnée aux actrices et acteurs de la lutte, et le documentaire apparaît comme un superbe travail de collaboration entre une réalisatrice engagée et des militant-es.

De multiples interventions rappellent que si la pub est un angle d’attaque, la question du sexisme doit être soulevée partout, ici et maintenant. On constate alors l’intérêt d’allier réflexion et action, de penser stratégiquement la lutte au quotidien, et de nourrir ses réflexions grâce aux actions menées. Une intervention de Christine Delphy (féministe de la premi »re heure, sociologue universitaire et militante de longue date), invitée lors d’un débat avec le CCP, clos le film, et montre la filiation et la continuité des luttes féministes des années 70 à nos jours.

La troisième vague féministe se soulève, et les stéréotypes qui emprisonnent les corps et les esprits doivent voler en éclat : le genre, asymétrie fondamentale entre normes masculines et féminines, doit être remis en question, les images et représentations qui nous modèlent doivent être éradiquées. Comme le rappelle très bien le documentaire : " Ni à prendre ni à vendre, les femmes ne sont pas des objets ".

Exemplaires disponibles pour diffusion sur simple demande au Collectif Contre le Publisexisme, 145 rue Amelot, 75011 Paris.


Bloody Sunday

Film anglo-irlandais de Paul Greengrass - 2001 - 117 min.

Ce film impeccable, tant dans la forme que dans le fond, relate la journée sanglante du dimanche 30 janvier 1972, où le gouvernement britannique, acteur principal de la guerre civile en Irlande du Nord, a tué 13 manifestant-es revendiquant leurs droits d’irlandais-es.

La justesse de la caméra, l’intensité de la reconstitution, la force des personnages, l’engagement profond et pourtant minutieux du travail font de ce film une œuvre à ne pas manquer. Grand moment de cinéma, Bloody Sunday rappelle à tou-tes que l’Etat est le détenteur de la violence institutionnelle (qu’il s’efforce de rendre légitime) : les " abus " qu’il couvre sont en réalité inhérents à sa dynamique propre, sa prétention au monopole de la violence légitime n’est qu’un mécanisme en lui-même violent et destructeur. Frontières et exclusions, armées et répressions sont aux racines de l’Etat moderne. Bloody Sunday montre bien qu’il ne peut y avoir de paix en delà de sa destruction.



La moitié gauche du frigo

Film québécois de Philippe Falardeau - 2000 - 90 min.

La moitié gauche du frigo est le premier long métrage de Philippe Falardeau. On y voit, dans un style très documentaire, Christophe, ingénieur aéronautique trentenaire au chômage, chercher du travail. Ainsi donc se pose le thème premier du film : une question sociale, traitée avec humour, à savoir la place du travail dans notre société. Quelques questions soulevées, quelques ébauches de réponses… Le travail ne serait pas la seule façon de s’épanouir ; le chômage met au jour les contradictions de notre société : l’économie contemporaine se nourrit de l’exploitation, des licenciements, à l’opposé de l’idéologie travailliste qu’elle véhicule visant à mettre au pas les masses salariales.

Mais là où le film surprend (et là où les critiques ne le lui ont généralement pas pardonné), c’est dans sa forme. Tourné à la façon d’un épisode de télé-réalité dont les médias sont si friands aujourd’hui, La moitié gauche du frigo transgresse les règles du genre : odieuse machination s’il en est car il s’agit en réalité d’une fiction. Or, l’objectif de la caméra ne doit surtout pas être subjectif pour pouvoir dénoncer. Le vrai métier de journaliste serait justement de servir le réel en le dévoilant aux spectateurs-trices ébahi-es. Et Falardeau semble au contraire s’en moquer. Qu’est-ce à dire ? S’il invente ses scènes, aurait-il alors de véritables convictions politiques ? Insupportable ! Et tous ces gens qui croyaient avoir affaire au réel brut, sans partialité… Dé« us ? Et bien oui, car Falardeau se joue (en bon impertinent) de ces obsédé-es de la réalité, de ces voyeur-ses de l’objectif, de ces malades du vrai spectaculaire et sensationnel. Son film se gausse ouvertement des révélations télévisuelles sur la misère du monde, et affirme alors un discours qui devient politique : si toutes les péripéties du chômeur sont mises en sc »ne plus vraies que nature, c’est parce que chacun-e a en tête des catégories toutes faites dans lesquelles se glissent les personnages. L’efficacité de la fiction montre à quel point les médias classiques jouent sur un registre factice et spectaculaire. Lorsque la fiction politique dépasse la réalité sociale dans sa vraisemblance, elle questionne le spectaculaire marchand, et se pose comme discours politique assumé, donc bien plus consistant.

C’est en cela que les doubles, voire triples jeux de caméra (le " héros " du film, qui n’est donc en réalité qu’un acteur, se filme dans un miroir et s’interroge sur lui-même en tant que chômeur et sujet du film…) font de La moitié gauche du frigo un film assez délicieux, qui met à bas avec humour les prétentions spectaculaires contemporaines en les confrontant à un discours anti-salariat plutôt grinçant.




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