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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°18 - Mars 2003 > L’ire antimondialiste

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L’ire antimondialiste


Les étales des libraires ploient sous les titres concernant la mondialisation libérale et les éditeurs du profit ont visiblement trouvé un bon filon. Du bon et du moins bon, la plupart des ouvrages sont écrits en fait par des journalistes et autres techniciens qui font un "coupé/collé" d’informations sans remise en cause radicale du système.


On ne mord jamais la main de son maître… La recherche d’un capitalisme à visage humain est ainsi envisagée, sans doute en référence à ses prémices protestantes du XVe au XIXe siècles dont les populations colonisées, exploitées ou massacrées ont, de part le monde, gardé un souvenir ému…
Pour cette première, seuls les ouvrages les plus "conciliants" vous seront présentés. Cette courte sélection ne critique pas en profondeur le capitalisme mais fournit par contre un cadre élusif qui permet de mieux connaître cette nouvelle phase d’expansion du capitalisme connue sous le nom de mondialisation. Des ouvrages plus critiques vous seront présentés dans un prochain numéro, mais il nous semblait plus "logique" de commencer par le B.A-BA.


•Pour avoir les idées au clair concernant la mondialisation, le premier réflexe est de s’emparer du Qu’est-ce que la Mondialisation ? de Charles-Albert Michalet.

Ce premier réflexe n’est pas forcément mauvais. Si l’auteur, professeur d’économie dans une fac parisienne, se présente comme un homme de compromis paisible, il laisse néanmoins la logorrhée habituelle des sociaux-libéraux au vestiaire (à part les quelques piques rituelles contre les ultra-libéraux, et les plus anti) pour nous présenter objectivement la mondialisation économique, d’un point de vue institutionnel, politique etc. Les organismes de régulation et de contrôle (FMI, OMC…) sont moins détaillés que dans Les nouveaux maîtres…de Ziegler (d’ailleurs les deux ouvrages se complètent). L’auteur s’attarde plus sur les accords de Bretton Wood, qui allaient fixer les règles d’échanges après la Seconde guerre mondiale, le Consensus de Washington, survenu au début des 90’s entre les principales puissances économiques (Etats et multinationales) et qui fixent les règles du jeu actuel (qui visent à lever toutes protections étatiques contre le marché et faire du chantage à la dette pour les pays pauvres, afin de faire cesser l’interventionnisme d’Etat dans ses fonctions non régaliennes), ou encore les multiples moutures de l’AMI - l’accord multilatéral sur l’investissement, une sorte d’assurance-risques pour les entreprises d’une part (les Etats devront payer les pots cassés des grèves aux entreprises) et la totale déréglementation concernant le marché de la culture d’autre part (pour résumer). Dans une seconde partie l’auteur s’attarde sur les lois du marché elles- mêmes, la circulation des capitaux, les mécanismes d’investissement et de spéculations. La fin des Etats comme acteurs, la nécessité de trouver de nouveaux intermédiaires régulateurs (agences civiles ou ONG) est également envisagée.

Le seul défaut que j’ai trouvé à cet ouvrage, outre son manque de critique radicale, est la faible part laissée à l’histoire ; on a parfois l’impression que la mondialisation sort du chapeau de Garcimore, alors qu’il s’agit d’une nouvelle impulsion du processus d’expansion du capitalisme entamé dès la fin du Moyen Âge et accru au XIXe siècle. Mais la rattacher aux différentes phases de colonialisation aurait sans doute été trop "marxisant" pour l’auteur. Un ouvrage néanmoins très utile, à lire pour avoir rapidement une vision de la mondialisation, et les connaissances nécessaires en macro-économie, en appui à des lectures plus critiques.
Qu’est-ce que la mondialisation ?, Charles-Albert Michalet, Ed. La Découverte, 2002. 15 euros maxi.


Les nouveaux maîtres du Monde de Jean Ziegler

auront quand même une place dans les colonnes de No Pasaran, pour une seule et bonne raison, il s’agit d’un bon livre de vulgarisation, exhaustif et écrit de manière limpide. Bon complément de Qu’est-ce que la mondialisation ?, Jean Ziegler, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, s’attarde sur le fonctionnement interne des organisations internationales (issues de l’ONU ou non) telles que la Banque Mondiale, le FMI, l’OMC… En plus de leur histoire, de leurs projets, et de la critique de leurs réalisations, toujours désastreuses pour les peuples, jamais pour les capitalistes, l’auteur s’attarde longuement sur le lien avec les Etats-Unis (en épargnant un peu trop l’Europe) et aussi sur leur "structuration mentale". Un chapitre intitulé "l’arrogance" décrit ainsi les fonctionnaires du FMI qui, habitant Washington, ne découvrent que grâce à l’insistance de l’auteur la misère des quartiers populaires de cette ville. Ils l’avaient évacué de leur pensée, purement et simplement, enfoncés jusqu’au front dans l’univers du "Meilleur des profits". D’autres chapitres sont consacrés aux actions concrètes de ces organismes et aux politiques internationales et impérialistes en général, en revenant sur les méfaits de la mondialisation sur les pays dits "les moins avancés" (PMA). Les passages relatant les "restructurations" de l’agriculture en Afrique sont également très éloquents (ou agaçants, ou révoltants mais les mots pèsent peu dans ce cas-là). Utile pour connaître les effets concrets de la mondialisation ; seulement l’auteur prend pour cible unique ces organismes et certaines politiques étatiques (dont celle des Etats-Unis) et non pas le capitalisme comme instrument d’accumulation du profit avec comme "huile" le sang et la sueur du prolétariat, subissant soit l’exploitation soit la guerre militaire et policière. L’entreprise, ses rapports d’exploitation et de dominations sont éludés, la lutte des classes serait inutile, seul le combat d’une certaine "contre-élite" militante compte. Les derniers chapitres sont très révélateurs, l’auteur recense les résistances à la mondialisation sans évoquer les groupes et le courant anticapitaliste - libertaires, "émeutiers", black blocks, marxistes non partidaires, pourtant massivement partie prenante de ces luttes. Il oppose ainsi un capitalisme "raisonnable" au capitalisme mondialisé et sauvage, et s’attarde aussi sur l’éthique protestante en matière d’échanges économiques. Rien de surprenant à cela, Ziegler est un membre très influent d’ATTAC et Les nouveaux maîtres du Monde est aussi une sorte de Manuel des castors juniors pour les primo rentrants dans cette organisation. Malgré toutes ces critiques, ce bouquin reste une source valable de renseignements pratiques sur la Mondialisation capitaliste, ainsi que le plus facile d’accès de toute cette sélection.

Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent, Jean Ziegler, Editions Fayard, octobre 2002. 20 euros maxi.


Les 35 mensonges du libéralisme a tout pour faire fuir le "libertaire moyen"

J - un packaging agressif et un titre racoleur actif. Faut bien vendre, mon fils… En dehors de ces aspects énervants, Les 35 mensonges est un livre d’introduction à l’économie capitaliste, qui sous forme d’idées reçues et de leur réfutation systématique défriche et approfondit sa connaissance. Quelques-uns des dogmes attaqués : "un marché du travail parfaitement flexible est la meilleure garantie d’un faible taux de chômage", "il faut réduire les charges sociales sur les bas salaires", "l’implosion du système par retraite est inéluctable", etc. A chaque fois le dogme est détruit par l’auteur, chiffres, argumentation économique et rappels historiques à l’appui. Efficace et impitoyable. Malheureusement, si on peut se raccrocher de temps à autres à quelques wagons, il est néanmoins hors de question de faire tout le trajet avec Michaël Lainé. L’auteur défend en effet l’idée d’un interventionnisme d’Etat renouvelé, et des marchés soumis à des règles, pour corriger les défauts du capitalisme… S’il y a un sujet, par contre, où j’adhère sans trop de réserves à ses thèses, c’est celles concernant la marchandisation de la culture et de l’art. Un chapitre brillamment argumenté et passionnant à lire, qui vient corriger les relents de keynésianisme dont est imprégné le reste de l’ouvrage.

Malgré cela, Les 35 mensonges sera avant tout utile aux syndicalistes anticapitalistes ou "anarcho" qui ont besoin d’avoir un maximum de billes pour argumenter au boulot ou à l’ANPE…

Les 35 mensonges du libéralisme, Michaël Lainé, Editions Albin Michel, 2002. 13 euros max.



Le prochain ouvrage est l’un des nombreux rejetons du "11 septembre". Les Guerres asymétriques présentent tous les concepts et toutes les données stratégiques et géopolitiques essentielles pour comprendre les nouvelles formes de dominations de l’Empire, ainsi que les guerres qui ont débuté, notamment la guerre militaro-policière contre le terrorisme. Il part d’une thèse de l’armée américaine : le véritable danger vient de réseau informel de terroristes, à l’organisation souple en réseau et sans noyau de structuration. On peut directement le rattacher au thème de la mondialisation, car il parle ni plus ni moins de la globalisation des menaces et surtout celle de la sécurité internationale, en partant du concept de l’Asymétrie. C’est-à-dire qu’en démontrant que plus les forces s’opposant à un Etat sont faibles et disproportionnées, plus elles ont une chance d’aboutir à leurs visées - un fanatique qui manie un cutter pouvant ainsi mettre à mal un Etat aux systèmes de protections aussi sophistiqués que les Etats Unis. L’ouvrage s’attarde sur les types de menaces terroristes, des armes nucléaires et bactériologiques (effrayant), sur les nouvelles considérations stratégiques des Etats (dont un chapitre présentant les différentes écoles de pensée militaire américaine qui s’affrontent) ainsi que le système de protection des Etats. Si nos mouvances ont des buts totalement opposés aux islamistes, et si les libertaires ne souhaitent en aucun cas tuer qui que ce soit en espérant faire progresser leurs idées, le/la lecteure-trice ne pourra néanmoins qu’être réconforté en découvrant, par la démonstration des auteurs appartenant à l’Iris (1), que la soi-disante invincibilité des Etats, en matière de renseignements et de coercition, reposent en partie sur du vent ; les meilleurs outils ou armes technologiques ne peuvent rien sans matière grise capable d’analyser les informations, et l’organisation de type réseau et "réseau de réseaux" paralyse leurs moyens traditionnels d’intervention. Application pratique : pour combattre la mouvance Al Quaïda les Etats Unis ont massivement bombardé un Etat, l’Afghanistan, sans résultat militaire probant. Le seul gain est en matière économique -mise sous coupe réglée des ressources en gaz. Les Guerres asymétriques est un ouvrage de synthèse théorique accessible à tous, utile pour comprendre la nouvelle donne mondiale post 11 septembre.

Les Guerres asymétriques, Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar, Presses universitaires de France. 16 euros maxi.




Une revue : la très keynésianiste Alternatives économiques proposait dans son numéro de janvier un dossier consacré à la "flexibilité contre l’emploi". Une synthèse qui fournit une pléiade d’indicateurs économiques. Toujours dans ce numéro, un scoop plus intéressant sur le nouvel AMI (Accord multilatéral sur l’investissement) concocté par l’OMC et un article mettant en cause le calcul habituel des ménages en France, qui sous-estime le phénomène de paupérisation des classes populaires. En tenant compte de tous les types de revenus (salaires, dividendes, immobiliers, rentes diverses…) les écarts sont beaucoup plus grands et criants que ceux communément admis par les Alain Minc et autres techniciens de surface de la Pensée unique.

Alternatives Economiques, numéro 210, Janvier 2003, revue mensuelle. 3,50 euros maxi.



Enfin, pour finir par une touche onirique les Editions Gallimard rééditent régulièrement ses Voyages en utopie. Constitué d’une superbe iconographie et de textes de More, Fourier et autres précurseurs de l’anarchisme il vous fera découvrir les mondes (trop) "parfaits" inventés par ces auteurs, dessinateurs, et architectes. Parfois naïves ou un peu étouffantes (j’aimerais pas vivre dans la moitié d’entre elles), ces chimères architecturales et politiques permettent néanmoins de s’éclipser de notre époque un peu trop rationnelle. L’imagination a toujours été ’un des moteurs de la réflexion et de l’action, et nos vies se drapent dans ces "étoffes dont sont faits nos songes"…

Voyages en Utopie, Georges Jean, Découvertes Gallimard. Environs 13 euros.

Raphaël


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