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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°18 - Mars 2003 > L’énergie éolienne a le vent en poupe ?

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L’énergie éolienne a le vent en poupe ?


Il y a quelques années encore, on ne parlait pas d’énergie solaire ou éolienne, ou alors avec le risque de se voir traiter d’écolo, ou de doux rêveur. C’était le temps où EDF ne jurait que par le nucléaire, puisque le nucléaire était ce qu’il y avait de mieux, de plus propre ; bref, on connaît la chanson.


Et puis, voilà que, comme sorties d’une boîte à malices, on dira depuis trois ou quatre ans, on nous parle d’énergies renouvelables ! Puis, voilà que le solaire est mis sur la touche au profit de l’éolien. Mais un vent de colère se met alors à gronder, des associations naissant aux quatre coins de l’Hexagone, jetant un doute sur le bien-fondé de ces nouvelles décisions.

La presse saute sur l’occasion : des sondages commandés par EDF révèlent que de moins en moins de français considèrent l’énergie nucléaire comme un secteur d’avenir. Oui, mais voilà : le débat est un faux débat, puisqu’on sait que le soleil ou le vent ne vont en aucune façon remplacer le nucléaire. Retour à la case départ.

Le temps passe, des éoliennes sont érigées, parfois en dépit du bons sens (du vent ?), sans concertation avec les populations. Les personnes respectueuses de l’environnement, sans pour autant militer dans des partis verts, voudraient y voir plus clair, s’informer réellement. Mal leur en prend : ils n’y comprennent plus rien ! Les journaux, avides de faits divers, relatent les quelques affrontements qui ont lieu ici ou là entre partisans et adversaires de l’éolien, mais refusent d’aller au fond des choses, parlant d’un « épiphénomène » (1) qui, ma foi, ira rejoindre la rubrique du monstre du Loch Ness. Mais, de temps en temps, cet « épiphénomène » fait parler de lui : Le Monde du 4 décembre 2002 nous présente une association, Vent de Colère, qui « menace de tout faire péter » !

Dans le midi de la France (où le vent, on connaît !), les projets pullulent. D’abord dans le département de l’Aude, où des éoliennes sont installées et où des projets d’éoliennes offshore naissent, puis dans l’Aveyron et l’Hérault, où les éventuels sites éoliens peuvent être comparés à la multiplication des pains.

Vent de colère



Certains projets échouent, d’autres font peur. Les tenants de l’éolien n’ont peut-être pas tort de rappeler que, de toute façon, les éoliennes n’enverront dans l’air ni gaz à effet de serre, ni poussières, ni suies, ni cendres, ni fumées, ni pluies acides, ni déchets, ni marées noires... Marjorie Monot, chef de projets de la société Ventura, une société installée à Montpellier, interrogée par téléphone, insiste en déclarant : « De toute façon, dans le cas où on trouve quelque chose de mieux dans les années à venir, on revient sur les lieux, on démonte tout, et on ne laisse rien de préjudiciable pour l’environnement ». Les gens comme Marjorie Monot en veulent un peu aux écologistes, comme le dit aussi Jean-Michel Germa, le PDG de la Compagnie du Vent : « Les opposants à notre projet ne sont pas des écologistes, ils défendent des intérêts particuliers. Ce sont des rurbains, des gens qui vivent en ville le plus clair de l’année et qui craignent de voir dévalorisé le coin de nature qu’ils ont acheté » (2). Voire. Dans l’Hérault, sur le Larzac, un coin où le mot « lutte » n’est pas dénué de signification, les opposants aux projets éoliens pensent, eux, qu’accepter des éoliennes, c’est ouvrir la porte à tout. Et répondent à ceux qui les accusent de ne pas vouloir d’éoliennes dans leur jardin (NIOB, not in our backyard) : NITB, not in their backyard.

Au Bousquet d’Orb, quelques kilomètres plus bas, une « réunion d’information sur l’éolien dans l’Hérault » avait lieu le samedi 30 novembre. La veille s’était tenue à Lodève la même réunion, avec les mêmes intervenants.

« Face à la prolifération des projets éoliens et face au manque de concertation avec les populations », plusieurs associations de défense d’environnement se sont constituées récemment en un collectif, le « Collectif de défense des paysages des Monts d’Orb, Escandorgue, Lodévois et Larzac » (3).

« Quels enjeux ? Quels intérêts ? Quels impacts ? » annonçait l’affiche, ajoutant : « Prenez une heure pour réfléchir sur ce qui vous concerne pour les 40 ans à venir ».

Jean-François LOSSE, le coordinateur du collectif, prenait la parole pour présenter les associations représentées autour de la table : DPHC ; DP Larzac ; APPHC ; ASPP ; AFMO ; APPREL ; LMPC... De quoi en perdre son latin ! Le message, lui, était plus clair : « Oui à l’énergie renouvelable, non aux éoliennes n’importe où et n’importe comment. »

On dénombre aujourd’hui 37 sites dans le département, et il ne se passe pas un jour sans qu’une nouvelle localité apparaisse sur la carte. « Nous ne sommes pas contre l’éolien, mais contre l’implantation anarchique des installations » insistait Jean-François LOSSE, président de l’association REVIVRE qui, dans le Lodévois, lève depuis quelques années plusieurs lièvres environnementaux (avenir du site de la COGEMA suite à la fermeture de la mine, problèmes de boues d’épuration à LODEVE, découverte de dépôts d’arsenic tout au long de la rivière La LERGUE, etc....) Quelles sont alors ses propositions, ses positions ? « La meilleure solution, ce serait encore qu’on installe ces éoliennes en mer puisqu’à priori, il n’y a aucune opposition à cela ».

Car des inconvénients, il y en a, et ils sont nombreux. L’impact visuel tout d’abord, avec des projets de constructions de mâts de plusieurs dizaines de mètres et des pales de soixante-six mètres d’envergure, visibles à des dizaines de kilomètres à la ronde. Ces constructions seront signalées aux avions par des feux à éclats, défigureront le paysage, et resteront présentes sous les yeux des riverains pendant au moins quarante ans. Autres inconvénients et non des moindres : le bruit, les perturbations radio et télévision, un périmètre dérangé pour la chasse, des pistes d’accès modifiées ou même supprimées, etc. Enfin, le risque de perte de valeur immobilière fait craindre aux particuliers de ne pouvoir revendre leurs biens, sans parler d’un tourisme en péril, d’un prix de production encore élevé, d’un réseau mal adapté, de créations d’emploi égales à zéro (4), et d’une affirmation catégorique : l’éolien n’est pas une alternative au nucléaire. Bref, voilà un tour d’horizon bien triste qu’a fait le collectif.

Les projets éoliens sont-ils un danger pour la faune et la flore ? Certains l’affirmaient haut et fort, d’autres étaient moins catégoriques. De l’autre côté de la balance, Marjorie MONOT, chef de projets pour la société VENTURA, voyait « évoluer sans problème des oiseaux tout autour des éoliennes ». Marjorie MONOT qui ne voyait quant à elle que des avantages à ses projets, et qui restait convaincue qu’une petite minorité de personnes seulement s’opposait aux projets éoliens.

Des avantages, il y en a, certes, mais « des avantages pour qui ? » faisait remarquer Jean-François LOSSE. La taxe professionnelle, que les communes font miroiter pour tout projet, reste incertaine : les montants n’en sont pas connus, et encore moins la répartition. « L’argent ira d’abord à la Communauté des Communes » faisait remarquer un intervenant, ce qui faisait bondir M. PAILHES , conseiller général socialiste de LUNAS. « Vos éoliennes m’amèneront rien » renchérissait un viticulteur excédé.

Puis, finalement, de l’avis de nombreuses personnes dans l’assistance, « nos paysages n’ont pas de prix ». N’était-ce pas là un argument de taille ? Un débat houleux s’ensuivait alors, où chacun campait sur ses positions. Une habitante de JONCELS, petite bonne femme visiblement émue, éleveur de son état, venait face au public pour rapporter son entrevue avec la société privée Ventura et ne mâchait pas ses mots : « Au départ, j’ai fait confiance à cette dame » disait-elle en pointant du doigt son ennemie qui avait eu le courage d’être présente dans la salle. « Elle m’a très vite tutoyée puis m’a proposé une mesure de compensation, celle d’arranger un chemin à peine carrossable » affirmait-t-elle, avant de poursuivre en aparté : « elle a proposé à mon mari de financer un berger . »

La réunion prenait fin après deux heures de discussions vives. Le vent de la colère allait continuer à gronder le 6 décembre à SAINT-MAURICE-DE-NAVACELLES puis le 9 décembre à LUNAS, où la réunion promettait d’être « chaude ».

Cette fois, c’était l’AME (Agence Méditerranéenne de l’Environnement) qui organisait le débat et qui souhaitait « saisir les perceptions du public avant et après le débat. » Pour cela, elle avait pris le soin de distribuer à tous les participants deux questionnaires, le premier à remplir immédiatement, le second à la fin de la réunion. Soumis à des sociologues, l’AME promettait de tenir au courant du dépouillement des réponses à ces questionnaires.
On retrouvait là les mêmes personnes que lors des débats précédents, aussi bien du côté des pro-éoliens que du côté des anti. Les maires des communes concernées étaient présents autour de la table, devant une assistance nombreuse. Ici aussi, le débat n’a rien apporté de plus, quelques incidents émaillant la séance, au cours de laquelle certains déploraient « une atmosphère de corrida », regrettaient « une radicalisation des anti-éoliens » « Je refuse la peste du nucléaire et le choléra des énergies fossiles » lançait un intervenant, concluant par cette question : « Que voulons-nous vraiment pour notre région ? »

Les participants, qui étaient venus pour s’informer et tenter d’y voir plus clair, quittaient la salle déçus. Malgré un vent de colère qui gronde, eux sont toujours dans le brouillard le plus complet !

M.M-B.


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