Retour accueil

AccueilJournalNuméros parus en 2003N°18 - Mars 2003 > Bush de là !

Rechercher
>
thème
> pays
> ville

Les autres articles :


Bush de là !


Depuis quelques temps, le bruit des bottes est de plus en plus assourdissant. Si l’on en croit les déclarations de Bush, le gouvernement étatsunien prépare une nouvelle guerre contre l’Irak. Plusieurs milliers de soldats auraient été acheminés récemment dans le Golfe, renforçant ceux déjà présents dans les différentes bases étatsuniennes ; la plupart ont été installées pendant et après la guerre de 1991. C’était d’ailleurs un des objectifs pour le gouvernement de l’époque.


Alors qu’en 1990 le gouvernement étatsunien invoquait la libération du Koweït, Bush invoque la lutte contre le terrorisme intégriste musulman pour justifier sa volonté de renverser le régime irakien. L’Irak fait parti des pays constituant (avec la Corée du nord et l’Iran) « l’axe du mal », défini par Bush après les attentats du 11 septembre.
A la différence de la première guerre de 1991, Bush rencontre des difficultés pour constituer une coalition internationale. Ainsi, il n’arrive pas à faire voter par le conseil de sécurité de l’ONU une résolution lui laissant toutes libertés pour agir comme bon lui semble. La Chine, la Russie et la France essayent, a travers une résolution, de mettre un frein aux velléités du gouvernement étatsunien. Le débat tourne autour de l’envoi d’inspecteurs onusiens, afin qu’ils vérifient si l’Irak détient ou pas des armes de destruction massive.
Les enjeux sont multiples et contradictoires entre les différentes puissances. Il importe de les comprendre et de les analyser pour comprendre les conflits entre les différentes puissances impérialistes.

Selon Bush, l’Irak détiendrait un arsenal d’armes de destruction massive, pouvant déstabiliser la paix mondiale, ou du moins atteindre les pays du Moyen-Orient. Or, Scott Ritter affirme que « … ce pays est…, depuis 1998, complètement désarmé : 90 % à 95 % de ses armes de destruction massive ont fait l’objet d’une élimination vérifiable. Cela comprend toutes les usines utilisées pour produire des armes chimiques, biologiques et nucléaires, ainsi que les missiles balistiques à longue portée ; les équipements de ces usines ; et la grande majorité des produits qui en sont sortis. »… « … on peut dire sans équivoque que l’infrastructure industrielle nécessaire à l’Irak pour produire des armes nucléaires n’existe plus. »… « L’Irak fabrique trois types d’agents neurotoxiques : le sarin, le tabun et le VX. Certains de ceux qui veulent la guerre avec l’Irak parlent de 20 000 munitions portant des charges de sarin et de tabun qui pourraient être utilisées contre les Américains. Les faits contredisent cependant ces affirmations. Ces deux agents chimiques ont une durée de conservation de cinq ans. Or, même si l’Irak avait réussi d’une manière ou d’une autre à cacher une telle quantité d’armes aux inspecteurs, ce qu’il en resterait serait aujourd’hui inutilisable. »… « La vraie question est celle-ci : existe-t-il une usine de fabrication de l’agent VX en Irak aujourd’hui ? A cette question, je réponds non, de façon absolument certaine. »

Affirmer qu’il y aurait des liens entre le gouvernement irakien et Al-Qaida, c’est faire preuve soit d’une méconnaissance de la question ou de profonde malhonnêteté. Scott Rider, dans le même entretien déclare « ce lien est évidemment absurde. Saddam est un dictateur laïque. Voilà trente ans qu’il combat et réprime le fondamentalisme islamique. Il a fait la guerre à l’Iran en grande partie pour cette raison. Les Irakiens ont aujourd’hui des lois sur les livres qui punissent de mort immédiate le prosélytisme pour le compte du wahhabisme, et de l’islam sous toutes ses formes, en réalité. Mais ces lois sont tout particulièrement sévères pour le wahhabisme, qui est la religion d’Oussama Ben Laden… [il] hait Saddam Hussein depuis toujours. Saddam est pour lui un apostolat, qui doit être tué. »

Il est donc manifeste que les arguments avancés par Bush pour justifier sa guerre sont dénués de fondement. Il importe de rechercher les causes qui le motivent réellement.

L’Irak dispose de la deuxième réserve de pétrole du monde ; cela représente 11 % des réserves mondiales, soit près de la moitié de celles de l’Arabie Saoudite. C’est le contrôle de cette manne qui intéresse le président des USA. Pour se faire, on peut envisager qu’après la chute de Saddam Hussein, le pays sera mis sous la coupe d’un gouvernement fantoche, à la solde des USA.

Plusieurs raisons poussent les Etats-Unis à se lancer dans cette entreprise militaire



Les relations qu’ils entretiennent avec l’Arabie Saoudite sont de plus en plus difficile à justifier. La Seconde guerre mondiale finissant, Roosevelt, alors président, signa des accords secrets avec le gouvernement wahhabite. Ils prévoyaient que ce dernier garantissait aux Etats-Unis un approvisionnement pétrolier, tandis qu’ils n’interviendraient pas dans la politique intérieure du régime saoudien. Or, il devient de plus en difficile pour Bush de mener sa campagne contre le terrorisme intégriste musulman, tout en sachant que ce même gouvernement saoudien soutient financièrement, pour le moins, bon nombre d’organisations intégristes musulmanes existantes sur la planète. En outre, l’intégrisme saoudien n’a rein à envier à celui des taliban en Afghanistan. Dans ces deux pays, les voleurs se font couper les mains, les femmes sont lapidées…

Un des objectifs de la guerre en Irak pour le gouvernement étatsunien est de contrôler le pétrole dans cette région du monde. Or, les Etats-Unis importent relativement peu de cette énergie fossile de cette région. « Les pays qui fournissent en énergie l’Amérique sont assez bien répartis sur l’ensemble de la planète. Le monde arabe, malgré sa place prépondérante dans la production, et surtout dans la détention des réserves mondiales, ne tient aucunement les Etats-Unis à la gorge. La moitié des importations américaines de pétroles vient du nouveau monde, militairement sûr pour les Etats-Unis : Mexique, Canada, Venezuela principalement. Si l’on ajoute les quantités en provenance de ces pays à la production américaine elle-même, on atteint 70 % de la consommation des Etats-Unis venant de la sphère occidentale rapprochée définie par la doctrine de Monroe. »

Autrement dit, ce n’est pas la crainte de manquer de pétrole qui pousse Bush à entrer en guerre contre l’Irak. Ainsi, plusieurs objectifs principaux motivent l’administration Bush :
- il importe pour l’administration étatsunienne d’assurer le maintien durable de troupes militaires. Au regard de l’évolution de la situation dans la région, les responsables américains n’ont plus la garantie de pouvoir maintenir durablement des troupes dans les différents pays de la région où elles sont déjà implantées. Les Etats Unis sont dans l’obligation d’occuper un pays de la région, quitte à transférer l’autorité politique à un gouvernement fantoche. L’Irak doit donc devenir une immense base où pourrait stationner des troupes américaines.
- la Communauté Européenne et du Japon sont particulièrement dépendants du pétrole du Moyen Orient. Il importe pour Bush de contrôler les ressources pétrolières de ces puissances. On ne peut exclure que la Chine est également visée. Elle préférait acheter du pétrole en Asie centrale au détriment de celui du Moyen Orient, pour échapper au contrôle des USA par rapport à ses besoins pétroliers. La guerre en Afghanistan et l’arrivée des troupes américaines ont affaibli cette option pour la Chine.
- Les Etats Unis commencent à s’affaiblir économiquement. Ainsi, leur déficit global s’élève à 14 000 milliard de dollars ; ce qui équivaut à deux fois du PNB. Le plus inquiétant pour cette économie est qu’un processus de dégradation est en cours pouvant mettre en péril la position de leader mondial qu’occupent les USA. Par exemple, le déficit de la balance commerciale était de 100 milliard de dollars en 1993 ; il est de 450 en 2001 ; ainsi le pétrole ne représente que 80 milliard, alors que 366 milliard de dollars sont dépensés pour importer des produits manufacturés. Autrement dit, l’économie américaine est de plus en plus dépendante des importations pour subvenir aux besoins du pays. Seuls quelques secteurs de la production, comme l’informatique, sont encore dominants sur le marché, mais la plupart des bien consommés par la société américaine sont importés. Certains parlent d’une économie prédatrice à l’échelle du monde, qui fait encore illusion, dans la mesure où sa capacité de consommation tire encore l’économie mondiale. Mais pour encore combien de temps ? De même la dette publique augmente de manière prodigieuse. Elle était de 908 milliard de dollars en 1980 ; elle se monte à 3107 milliard de dollars en 1990. Au niveau industriel on assiste au même affaiblissement. Alors qu’en 1950 62 % de la production industrielle des pays de l’OCDE provenait des USA, dans les années 80/90 ces derniers chutent à 40 %.
Je laisse de côté l’état de délabrement de la société américaine. Sachons qu’il y a actuellement 40 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ; que le partage des richesse est de plus en plus inégal. En 2000, les 400 Américains étaient 10 fois plus riches que les mêmes en 1990, alors que pendant ce laps de temps le produit national n’a que doublé. 37 millions de personnes n’ont aucune couverture sociale, 22 millions ont une couverture insuffisante. 1,15 million d’Américain sont en prison…

Pour qu’un pays devienne et reste la première puissance mondiale, il faut qu’il réunisse au moins quatre conditions :
- posséder la plus grande force militaire
- émettre la monnaie servant de référence aux échanges internationaux
- contrôler l’énergie dominante
- imposer son modèle culturel

Il paraît évident que les USA sont hégémoniques d’un point de vue militaire ; on ne leur connaît de rival pouvant les tenir en échec.

La création de l’Euro est une source d’inquiétude pour les responsables américains. Ils ont tout lieu de craindre la montée en puissance de la Communauté Européenne. Ainsi, selon Cheikh Ahmad Zahi Yamani, ancien ministre saoudien du pétrole, certains pays comme l’Algérie, la Libye ou l’Iran souhaiteraient être payés en Euros au détriment du dollar . Si cette volonté se renforce et est reprise par un nombre de plus en plus important de pays, les USA risquent de rencontrer d’énormes difficultés pour se maintenir comme première puissance mondiale. La perte de leur position de leader montrerait ce qu’ils sont réellement : le pays le plus pauvre du monde !

L’intervention militaire en Afghanistan et celle se préparant en Irak ne sont que différents aspects d’une même guerre, en vue de faire pression sur des puissances montantes, comme la CE. Il semble que les USA souhaitent compenser leur affaiblissement économique par une suractivité militaire. Pour se faire, il importe qu’ils se présentent comme le seul gendarme capable d’assurer la paix dans le monde ; il faut donc des troubles, des conflits à mater. Pour se faire, il faut déterminer un ennemi suffisamment faible pour être sûr de l’issue d’interventions armées. Actuellement, l’intégrisme musulman fait office de bouc émissaire. La satanisation de certains régimes peut servir de complément.

Si les gouvernements français, allemands et consort s’opposent à Bush et refusent d’envoyer des troupes dans le Golfe, ce n’est pas générosité ou humanisme, bien au contraire. Une bonne partie des responsables de la CE souhaitent qu’elle devienne la nouvelle puissance hégémonique de la planète. Cet objectif sera long à atteindre. L’unité politique de la CE est loin d’être acquise. Il importe que la CE se dote d’un arsenal militaire de grande importance. En tout cas, ils souhaitent profiter de l’affaiblissement des USA et surtout tenter de remettre en cause, à terme, l’hégémonie militaire des Etats Unis.

L’instrumentalisation des mobilisations contre la guerre est un risque qu’on ne peut écarter d’un revers de mains. Ainsi proposé que Chirac obtienne le pris Nobel de la paix participe de cette instrumentalisation. D’abord on ne peut oublier que ce sinistre personnage, en 1995, alors qu’il venait d’accéder à l’Elysée, relança les essais nucléaires à Murruoa. Comment oublier les morts d’Ouvéa en Kanaky en 1988, alors que ce triste sire était Premier ministre ?…

On assiste aux conflits de leader ship au sein du camp impérialiste. Cette lutte peut avoir des conséquences désastreuses. Les Etats Unis ne peuvent envisager de ne plus être la puissance ne détenant plus la monnaie internationale. Si c’était le cas, ils seraient dans l’obligation de rembourser une partie considérable de leur endettement, ce qui les ruinerait.
Nous luttons tout autant contre l’hégémonisme américain que contre les volontés hégénomistes de la CE.

Jicé


No Pasaran 21ter rue Voltaire 75011 Paris - Tél. 06 11 29 02 15 - nopasaran@samizdat.net
Ce site est réalisé avec SPIP logiciel libre sous license GNU/GPL - Hébergé par Samizdat.net