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AccueilJournalNuméros parus en 2002N°7 - Mars 2002 > L’alternative ? les luttes !

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L’alternative ? les luttes !


La question n’est pas d’avoir raison mais d’être en mesure de créer les conditions favorables pour faire vivre ses propositions dans des luttes et des espaces de contre-pouvoir.


Le mouvement radical anticapitaliste ne peut que regarder la farce électorale en cours et se dire que décidément ce n’est même plus besoin de mener une campagne abstentionniste tellement les candidats ont des programmes consensuels (hormis la LCR, LO et parfois les Verts) dans les domaines de la sécurité, de l’immigration ou des choix économiques.

A entendre Le Pen parler de la lepénisation des esprits ou le Parti socialiste crier “Au voleur !”à l’encontre de Chirac quand celui-ci a présenté son programme sur la sécurité, on ne peut que se demander si ces derniers lisent tous les mois No Pasaran.

Mais le plus problématique est que ce que nous dénonçions, est devenu réalité sans choquer plus que cela l’opinion. Quand J. Dray laisse entendre que dans le slogan “Tolérance zéro”, ce qu’il préfère c’est le mot “tolérance”, on peut affirmer que les lendemains seront encore plus difficiles pour toutes celles et ceux qui subissent depuis des années la vindicte médiatique et le quadrillage policier.

image 215 x 315Cette campagne électorale a vu peu de mobilisations contre le Front national. Et pourtant ce dernier est loin d’être moribond. Si les sondages lui donnent aux alentours de 10%, avec l’absence du Mouvement national républicain (qui attend avec impatience les législatives), on ne peut que mesurer le poids d’une extrême-droite qui sans division pèserait d’autant sur les résultats. Certains médias ont parlé du discours policé de Le Pen, à savoir que celui-ci n’éructait plus à chaque passage télévisuel. Il faut y voir que dans ses domaines de prédilection, “l’immigration” ou la “sécurité”, les “grands” candidats reprennent en grande partie ses propositions, même s’ils s’en défendent.

Maintenir l’ordre social et économique libéral qui crée de multiples fractures dans la société et laisse de côté des millions de personnes, notamment dans les cités - 4 millions de la population vit en dessous du seuil de pauvreté -, n’est possible que par le développement de mesures sécuritaires. Il ne faudrait pas croire que ces dernières se réduisent au seul secteur policier. Comme on peut le voir avec les deux “spécialistes” de la sécurité, comme ils aiment se présenter, que sont Alain Bauer et Xavier Raufer avec leur discours apocalyptique sur les jeunes de banlieue qui à les croire sont des Ben Laden en puissance (voir leur livre La guerre ne fait que commencer), c’est tout un pan du secteur privé qui dicte les discours et les mesures à prendre sur les questions d’ordre public. Plus les chiffres de la délinquance augmente, plus ce secteur en profite. Ces chiffres sont mis à toutes les sauces (sécuritaires), sans aucun discernement sur les différents délits, par les médias et notamment par les télévisions qui raffolent de reportages dans les cités de non-droit - un peu à la manière des reportages de guerre - les mots employés d’ailleurs pouvant se rapprocher du langage militaire. Et la classe politique reprenant en cœur le sens commun sur une délinquance en pleine explosion, serait même prête à la mise en place d’un ministère de la sécurité intérieure, voire la déclaration de J. Chirac lors de son intervention à Garges les Gonesse. Certes, il ne s’agit pas de nier les difficultés du lien social dans les banlieues et affirmer que les premiers touchés par les problèmes sont celles et ceux qui y vivent. Mais croit-on pouvoir résoudre la délinquance engendrée par la misère par une installation progressive de policiers armés comme des commandos avec des voitures blindées, pendant que le secteur social totalement déconsidéré ne fera plus que compter les poings ? Croit-on que la justice à deux vitesses comme on peut le voir tous les jours avec l’impunité dont jouissent les politiques est un exemple pour des jeunes vivant dans des conditions sociales et économiques difficiles et qui sont jetés à la vindicte populaire pour leurs méfaits ? La mise sur le même plan par exemple de l’écriture de grafs et du traffic de cannabis (Au nom de qui à voler un œuf volera un bœuf), sont là pour faire plaisir à une opinion conditionnée par l’idée que toute déviance à la société marchandise (par exemple le graf) est le fait des "sauvageons". Ce que l’on retrouve d’ailleurs à propos des émeutes lors des manifestations anti-globalisation. Derrière le mot "violence" se cache des actes très distincts, et sans chercher à nier les actes conflictuels qui existent dans les cités, il serait bon de dire qu’une hiérarchie de fait existe dans le traitement des médias de ceux-ci. Les multiples violences faites aux femmes aussi bien dans les banlieues qu’ailleurs, mérite peu de sujets. Est-ce à dire que ces atteintes à la dignité humaine dans notre société sont moins condamnables ? A voir le jugement (faible peine) et dernièrement la mise en liberté des quatre policiers condamnés pour viol, on peut se poser la question ?

Si Lutte ouvrière, la Ligue communiste révolutionnaire ou les Verts refusent de participer au concert sécuritaire, il n’en reste pas moins que sur le terrain des luttes, ils sont totalement absents des mobilisations anti-sécuritaires de ces derniers mois.

Pour entendre des voix discordantes sur ces questions, il faudra avoir tendu l’oreille du côté du Forum des 10 jours de désobéissance sociale qui s’est tenu sur Paris entre le 22 février et le 2 mars ou dans quelques débats. La préparation du Forum anti-Villepinte (voir texte) sera sûrement un moment très important pour déconstruire le discours commun et exprimer des alternatives à la guerre permanente dans laquelles veulent nous faire vivre les pouvoirs publics et politiques. Mais nous savons aussi que c’est bien au-delà qu’il nous faut agir, c’est dans la recherche de pratiques sociales dans les quartiers. Et c’est là que le bât blesse. Car face à la dureté de la tâche, les troupes sont plus que légères, en sachant que les pouvoirs municipaux ne verront pas d’un bon œil une vie associative indépendante des subsides municipales.

Laurent


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