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AccueilJournalNuméros parus en 2003N°23 - Octobre 2003 > SECU : MEURTRE AVEC PREMEDITATIONS

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SECU : MEURTRE AVEC PREMEDITATIONS



Comme pour la retraite, l’assurance maladie est accusée de représenter un coup insupportable à la collectivité tout en étant taxée d’incapacité à répondre aux besoins de la population. Un constat sur lequel s’appuie Mattei, le ministre de la Santé, pour bâtir une réforme visant à transférer sur les organismes complémentaires et les assurés sociaux une part encore plus importante des dépenses de santé.


C’est une véritable entreprise de démantèlement de toute la protection sociale que se livrent aujourd’hui gouvernement et patronat. Pas un secteur n’est épargné qu’il soit obligatoire ou complémentaire, qu’il s’ouvre la maladie, la famille, la retraite, l’aide aux personnes... A chaque fois ce sont les principes d’égalité et de solidarité qui sont remis en cause. La notion de gains de productivité est venu supplanter celles de qualité de service au public, vidant ainsi nos organismes de leur contenu social. Ainsi Mattei disant en mars 2003 « La notion d’usager recouvre des situations multiples (...) qui expriment des besoins et des attentes spécifiques. Tous doivent ressentir es effets de la démarche de modernisation. » D’où la nécessité, selon lui de « passer d’un traitement de masse à un traitement individualisé, ce qu’on appellerait dans le secteur privé “une approche client“ ». Et on ne fait pas de social avec son client, on lui vend un produit. A lui de choisir le meilleur produit.

Débat de société

Nous sommes là face à un débat majeur de société dans lequel s’opposent deux logiques. L’une abordant les questions de protection sociale en terme de contrainte financière, l’autre, et nous devons être de ceux-là, considérant que la protection sociale est un élément essentiel de réponses aux besoins sociaux. Il s’agit de faire entendre nos voix et nos analyses sur notre système de protection sociale, ses défauts, ses manques... Mais aussi plus globalement et nécessairement indissociable de réfléchir collectivement à notre système de santé (pas seulement de soins) au travers de ces multiples aspects : accès aux soins, manière de les dispenser, prise en charge, prévention, formation et rémunération des professionnels, éducation à la santé...

Du côté des dominants - on met dans le même sac OMC, gouvernement, MEDEF, assureurs... -, la réforme de l’assurance maladie est déjà sur les rails. Alors la propagande prépare le terrain : on crie au TROU 24 h sur 24 sur les ondes et dans la presse écrite. Et les assurés sociaux, dans quelques mois diront : « c’est vrai quand même il faut faire quelque chose, on ne peut pas continuer avec un gros déficit comme cela ! ». Sur le déficit, tout le monde s’accorde sur les causes : évolution démographique de la population et particulièrement son vieillissement (50% des dépenses de santé pour 5% de la population et 80% de ses dépenses dans les six derniers mois de la vie), recherche et développement de technologies toujours plus chères (plus utiles, plus efficaces ?) et apparition de nouvelles pathologies. En attendant officiellement on laisse toute sa place à la concertation. La réforme est prévue pour fin 2004 peut-être 2005 ou 2006. Officieusement, pour toutes celles et ceux qui ne gobent pas le discours dominant, le gouvernement essaie de franchir sans encombre un premier semestre 2004 riche en élections, surtout que le printemps et l’été 2003 n’ont pas toujours été faciles au Raffarin.

La réforme

Prenons ce temps, nous, pour décortiquer les éléments d’information que nous avons sur cette réforme et les faire connaître afin de mieux les combattre. Cette réforme telle que présentée dans le rapport Chadelat demandé par le gouvernement, s’apparente plus à un changement radical, avec comme axes principaux : l’abandon d’un système de gestion tel qu’il est exerrcé depuis 1945 par les partenaires sociaux et la régulation du système de soins. Outre une « meilleure prise en charge globale », une « optimisation des dépenses » et une « responsabilisation accrue », les propositions du rapport sont surtout de faire des choix entre ce qui doit relever de la solidarité nationale, des organismes complémentaires (mutuelles, instituts de prévoyance et assurances privées) et de la charge des individus.

L’organisation de ce choix, ou plutôt disons-le de ce transfert de compétence, s’opère en préconisant la création d’une « Couverture Maladie Généralisée » qui pourrait être composée de l’Assurance Maladie Obligatoire (la Sécurité Sociale) et de l’Assurance Maladie Complémentaire de Base (les organismes complémentaires avec liberté tarifaire sur ce secteur). Ceci répond complètement aux demandes des organismes complémentaires et des milieux financiers (assurances privées et MEDEF) pour qui le marché du soin est un marché considérable. Et répond également aux ordre de l’Accord Général sur le Commerce des Services. Mais cette proposition de réforme s’oppose d’emblée à l’alternative d’un système de couverture collective complète obligatoire et solidaire. En effet en diminuant la part prise en charge par l’Assurance Maladie obligatoire, ce système renforcera les inégalités d’accès aux soins, par une augmentation de la charge des personnes et une restriction de l’accès aux soins pour toutes celles et ceux qui ne pourront se payer une couverture complémentaire de qualité (ce qui est d’ailleurs déjà le cas pour les personnes dépassant de peu le plafond de ressources d’accès à la CMU complémentaire). D’autre part le transfert de charges vers les complémentaires s’avérera catastrophique rapidement pour un bon nombre d’entre nous car ils vont augmenter leur prix. Les experts de l’Assurance Maladie estiment que 1% d’économie des dépenses d’assurance maladie entraînent 40% d’augmentation pour les cotisations des mutuelles. Il faut noter que contrairement aux cotisations d’Assurance Maladie obligatoire qui dépendent des revenus, celles pour les complémentaires sont inégalitaires car indépendantes des revenus, mais dépendantes le plus souvent de l’âge, de l’état de santé... Il faut également noter, et c’est là que notre marge de manœuvre s’amenuise d’ici à la réforme que les assureurs sont fins prêts.

Les assureurs dans les starting-block

Actuellement leur part dans les financement des dépenses de soins n’est que de 2,4%. Mais l’annonce en juin dernier par Mattei du déremboursement de 617 médicaments à interpeller les assureurs qui déclaraient par l’intermédiaire du président de La Martinière de la Fédération française des sociétés d’assurance « Le moment est venu pour les assureurs de passer du stade de “payeur aveugle“ à celui d’assureur responsable dans certains domaines et pour certaines prestations de co-responsables avec les régimes obligatoires pour d’autres ». Les assureurs se sont donc déclarés prêts à rembourser au premier euro, donc à la place de la Sécurité Sociale, plusieurs types de prestations optique, dentaires, et auditives (celles dont l’amélioration du taux de remboursement était promise dans la profession de foi de toutes et tous les candidats sans exception à la Présidentielle de 2002). Ils demandent en conséquence que le régime obligatoire d’assurance maladie se recentre sur la prise en charge des maladies graves et coûteuses. Ils ont d’ores et déjà développer des plates-formes de conseil et de services. Celles-ci constituent une base solide dans les domaines optique et dentaire en particulier, pour mener selon eux une véritable gestion de la santé publique, basée sur les bonnes pratiques, le meilleur rapport coût/prestation et la prévention !

Le gouvernement leur répondra très probablement de la manière favorable : leurs discours sont identiques. Or de tels organismes ne peuvent en aucun cas être classé à égalité de droits et de responsabilités avec la Sécurité Sociale. Leurs intérêts ne sont pas ceux qui œuvrent à conserver un acquis commun dont les buts doivent être de garantir à toutes et tous une couverture sociale de haut niveau et de détruire les inégalités déjà constatées dans le domaine de la santé (entre catégories sociales, professionnelles, régions...).

Au-delà des soins, la santé

Il convient dans ce débat de poser la question de la santé dans la mesure où c’est là l’un des éléments qu’omettent les réformateurs. On parle de soins et de santé indifféremment dans le rapport Chadelat, introduisant une confusion entre le soin qui est le domaine du curatif et la santé qui dépend de bien d’autres facteurs d’environnement (logement, travail, etc.). En effet, la santé consiste à traiter l’être humain dans sa globalité au sein de sa communauté de vie. Le système de santé doit donc s’intéresser à la personne et pas seulement à la maladie. La santé est un processus, une construction de tous les instants qui s’opposent à la maladie. Elle est la capacité d’adaptation des humains à la variabilité et aux agressions de l’environnement dont celle du travail pour qu’ils y puisent des possibilités nouvelles pour leur propre développement. Ainsi l’état sanitaire de la population dépend de l’accès aux soins et de l’environnement économique et social. La réponse à apporter aux questions de santé n’est donc pas uniquement technique (médicale) ou individuelle. Elle est aussi et surtout sociale et politique. Une véritable politique de santé dans toutes ses dimensions (prévention, soins, recherche, médicaments, santé au travail, médecines non conventionnelles...) doit être ancrée sur la réponse aux besoins de chacune et chacun individuellement et collectivement, sur l’égalité d’accès au système de santé et à des soins de qualité en toute sécurité. La Sécurité Sociale, par ses principes, fondés sur l’égalité des droits et la solidarité, la confidentialité, est la seule à l’heure actuelle, à pouvoir garantir une sécurité face aux risques et éventualités liés à l’existence ainsi que face aux risques professionnels et à rendre possible l’accès au système de santé.


Ambroisine

Scalp Nantes


Rapport Chadelat.

http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/

Revue Pratiques, les cahiers de la médecine utopique. numéro 23, septembre 2003. Revue du Syndicat de la médecine générale

http://www.smg-pratiques.infos


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